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Andrea Riccardi, l’intellectuel qui a l’oreille du pape et d’Emmanuel Macron


EEmmanuel Macron le qualifie d’ami, comme le président français nous l’avait confié lors d’une promenade au cimetière Saint-Eugène d’Alger il y a deux ans. A chaque fois qu’Andrea Riccardi est de passage à Paris, il est reçu discrètement par le chef de l’Etat à l’Élysée. Rien ne filtre jamais de leurs échanges, si ce n’est la chaleureuse amitié que les deux hommes se vouent depuis 2018.

Historien, lauréat du prestigieux prix Charlemagne et intellectuel érudit, Andrea Riccardi parle couramment le français – il a étudié à Paris – et est un grand connaisseur de notre culture, en particulier de notre histoire religieuse, bien sûr. Ce laïc cultive aussi une finesse à la fois diplomatique et cardinale pour développer son influence spirituelle et politique, qu’il exerce à travers Sant’Egidio, l’ONG internationale qu’il a fondée.

L’Italien de centre-gauche, ancien ministre de la Coopération dans le gouvernement Monti, a l’oreille du pape François, comme il avait celle de Jean-Paul II, des souverains pontifes avec lesquels il partage la même vision de l’Eglise – son influence a été moindre, pour ainsi dire inexistante, sur Benoît XVI.

Sa proximité avec le pape François a sans doute aussi joué un rôle dans sa relation avec Emmanuel Macron. Le président français s’était rendu à Rome il y a deux ans avec son épouse et un parterre d’intellectuels et de dignitaires religieux pour ouvrir le congrès pour la paix organisé chaque année dans une capitale européenne par l’ONG catholique.

Emmanuel Macron est là pour lancer cette édition, ce dimanche 22 septembre, au Palais des Congrès de Paris, une rencontre internationale baptisée Imagining Peace qui se poursuivra jusqu’à mardi prochain avec une multitude de conférences prestigieuses réunissant intellectuels et autorités religieuses de toutes confessions et de tous pays au Collège de France, au Collège des Bernardins, à l’Hôtel de Ville (entre autres lieux) avant une cérémonie de clôture sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris, encore en travaux, où sera lu un message du pape François.

Sant’Egidio est une ONG discrète, mais non dénuée d’influence sur la scène internationale, forte de 60 000 membres et présente dans 70 pays, qu’Andrea Riccardi – même si le septuagénaire a désormais cédé les fonctions exécutives – continue de diriger avec un tact finement politique, depuis un enchevêtrement de petites maisons, un décor en briques rouges, des voûtes et des icônes qui forment le siège de l’organisation, dans le quartier de Trastevere à Rome, près de l’exquise église de Santa Maria. C’est de là que “la bande Riccardi”, de jeunes intellectuels catholiques sociaux qui rêvaient de changer le monde, a commencé à travailler avec les plus pauvres des bidonvilles romains, puis a ouvert des centres sociaux et des soupes populaires.

Postes clés au Vatican

Aujourd’hui, ils sont surnommés les «Casques bleus» de l’Église catholique pour leur travail en faveur de la paix en Colombie ou au Mozambique, où ils ont mis en place des couloirs humanitaires pour les migrants, et aussi pour le nombre de conflits qu’ils ont déminés en Afrique, continent sur lequel la communauté de Sant’Egidio reste très présente.

Andrea Riccardi publie régulièrement des essais en italien et en français (aux Éditions du Cerf). Dans l’un de ses derniers ouvrages, L’église brûle, il analyse avec lucidité mais espoir le lent déclin du catholicisme et, plus largement, du spirituel, en particulier en Europe. Et le père de Sant’Egidio n’hésite jamais à monter au créneau pour défendre le pape François, comme récemment dans Le point, où il a lancé : « Le pape est critiqué, trop critiqué. Je vois des évêques, des nonces apostoliques qui parlent de lui sans respect, voire contre lui. C’est un problème grave dans l’Église : la perte du sens de l’unité. »

Le Vatican de François compte également à certains postes clés plusieurs prélats formés dans le petit « laboratoire » de Riccardi. L’aumônier de Sant’Egidio, le cardinal Matteo Maria Zuppi, est le président de la Conférence épiscopale italienne, et c’est lui que le pontife a envoyé comme émissaire dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

À LIRE AUSSI François sera-t-il le dernier pape ? Un rôle qui a mis Sant’Egidio sur la sellette, alors que le pape François était critiqué pour son faible soutien à l’Ukraine, et notamment pour n’avoir jamais dénoncé la Russie comme agresseur. Il avait même déclaré dans une interview qu’il faudrait “hisser le drapeau blanc” – une déclaration qui avait suscité la polémique.

Répondant à nos questions pour une interview publiée le 31 mars 2024, une fois de plus, Riccardi s’était fait l’avocat de son ami le Saint-Père, dans la lignée de la politique de neutralité toujours défendue par le Saint-Siège : « Il y a une volonté de rapprochement avec la Russie, certes. François a été le premier pape à rencontrer le patriarche Kirill : c’était à l’aéroport de La Havane en 2016. Mais aujourd’hui, dans ce cas, je suis sûr qu’il n’y a pas de priorité russe dans la vision de Bergoglio. L’Ukraine est au centre des préoccupations du pape. Il a pris des positions fortes sur le sujet, parlant d’un « pays martyr ». Mais il ne veut pas être avec Zelensky et les relations avec l’Église gréco-catholique, très présente en Ukraine, sont difficiles. Il ne se rangera jamais du côté d’un pays contre un autre. Et il a déployé des cardinaux sur le terrain lors de voyages humanitaires, ce qui est très important. Le cœur de François souffre pour l’Ukraine, et son pacifisme est motivé par la souffrance des Ukrainiens. Ce sont eux qui paient le plus lourd tribut à la guerre. C’est pourquoi François dit qu’il faut avoir le courage de négocier. Quand il parle de “lever le drapeau blanc”, c’est pour briser le cadre fixé par la propagande de guerre”. L’esprit de Sant’Egidio ou l’art de la diplomatie spirituelle sur une ligne de crête.


Anna

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