Après la nomination de Michel Barnier, les secousses continuent au PS

Et ça continue. Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon jeudi dernier, les querelles intestines ne cessent d’agiter le Parti socialiste. Une interview d’Anne Hidalgo dans Libération ce week-end a une nouvelle fois “jeté un pavé dans la mare”, selon les mots d’une élue socialiste parisienne. Elle se dit “profondément en colère” contre la direction du PS, car elle aurait “empêché la nomination de Bernard Cazeneuve à Matignon”. L’élue réclame la tenue d’un congrès. Une analyse vivement contestée par la ligne PS proche d’Olivier Faure.

Soutien à Bernard Cazeneuve : le débat qui a secoué le PS

Rembobinons un peu. Quelques jours avant la nomination du LR Michel Barnier à Matignon, c’est le nom de Bernard Cazeneuve qui a été testé par l’Elysée. Une personnalité qui a quitté le Parti socialiste, mais qui avant cela fut Premier ministre de François Hollande. Très critique envers la stratégie LFI, il plaît aux membres du PS qui souhaitent que le parti s’éloigne davantage de la mouvance de Jean-Luc Mélenchon.

Au Parti socialiste, la question de l’éventuelle censure d’un gouvernement Cazeneuve est posée. Les courants d’Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin, et de Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, opposés à la ligne unie d’Olivier Faure, demandent un vote au bureau national du 3 septembre pour décider d’une non-censure d’un gouvernement Cazeneuve. Leur stratégie est mise en échec par une courte majorité, et le bureau national s’arrête sur une résolution élaborant dix points programmatiques nécessaires pour éviter une censure, comme l’abrogation de la réforme des retraites, la loi sur l’immigration, l’augmentation du Smic, ou encore la taxation des superprofits. Deux jours plus tard, le LR Michel Barnier est nommé Premier ministre, et la ligne anti-Faure est fulgurante.

« Il y a une part de responsabilité de la part de la direction du PS »

Sur les réseaux sociaux et dans les médias, les partisans du soutien inconditionnel à Bernard Cazeneuve ne mâchent pas leurs mots contre la direction du parti rose. A l’image de la maire de Paris dans Libération ce vendredi. “Le PS a fait une erreur”, a-t-elle déclaré, “une fois de plus, la direction l’a laissée à Jean-Luc Mélenchon”. François Hollande, ce matin sur France Inter, a affirmé que “la direction du PS a donné le prétexte (à Emmanuel Macron) de ne pas (…) nommer (Bernard Cazeneuve à Matignon)”. Une vision des choses partagée par la sénatrice socialiste de Paris Colombe Brossel. “La première responsabilité est celle du président de la République, il ne faut pas l’oublier. Mais je rejoins la manière dont François Hollande l’a exprimé ce matin sur France Inter”, a-t-elle confié à publicsenat.fr, “il y a une part de responsabilité de la direction du PS : je ne suis pas sûre que toutes ses expressions publiques aient permis la nomination d’un homme de gauche. Les 48 heures pendant lesquelles le PS a dévalorisé Bernard Cazeneuve n’ont pas aidé la logique institutionnelle”. « La direction du PS aurait dû être moins fermée à la nomination de Bernard Cazeneuve », convient un autre socialiste proche de la ligne Mayer-Rossignol. Il considère que si Emmanuel Macron n’avait pas eu le choix, il aurait désigné Bernard Cazeneuve, car il avait du mal à trouver un candidat à droite. « Aujourd’hui, la direction du PS tweete comme depuis une citadelle assiégée », exulte-t-il.

« Tout cela est une manœuvre grossière et sournoise d’Emmanuel Macron »

Du côté des partisans d’Olivier Faure, ce discours a beaucoup de mal à passer. « Il faut une bonne dose de haine de soi pour dire que c’est la faute de la gauche si un président de droite a nommé un Premier ministre de droite », déplore Alexandre Ouizille, sénateur PS de l’Oise, dans la lignée du Premier secrétaire. « Bien avant le bureau national du PS, il n’était pas question qu’Emmanuel Macron change de politique, c’est d’ailleurs pour cela qu’il n’a pas appelé Bernard Cazeneuve à Matignon. Le président a fait ce qu’il avait l’intention de faire dès le départ. » « Les quelques uns qui pensaient que l’hypothèse Cazeneuve était crédible pensaient qu’il était possible de devenir ministre, et les autres cherchaient à critiquer une stratégie interne », juge un député, autre soutien d’Olivier Faure. “Le bureau national n’a pas émis d’oukase sur le nom de Bernard Cazeneuve, mais il a donné des lignes dures qui constituent des points fondamentaux pour la non-censure. Pour les socialistes, faire ce procès de la direction du PS sur la place publique, c’est faire le jeu du président, oublier le pays et ne penser qu’à nos affaires intérieures. Bref, ce n’est pas à la hauteur”, poursuit Alexandre Ouizille.

Certains qui se revendiquent non alignés remettent aussi en cause l’analyse des adversaires d’Olivier Faure. C’est le cas d’Emmanuel Grégoire, député socialiste de Paris. « Tout cela est une manœuvre grossière et sournoise d’Emmanuel Macron. Je ne pense pas que l’hypothèse de nommer Bernard Cazeneuve à Matignon était très sérieuse, car les conditions qu’il a posées pour entrer à Matignon n’ont pas plu au président. Son objectif était plutôt de créer le chaos au sein du Parti socialiste », explique-t-il. Pour lui, ceux qui ont soutenu Bernard Cazeneuve sans condition sont « nuls en calcul ». « 66 voix (le nombre de députés socialistes) ne suffisent pas à plaider pour un accord de gouvernement face au reste de la gauche », estime-t-il. « Si nous n’avions pas uni la gauche, nous n’aurions pas été en position d’être la force dirigeante à l’Assemblée nationale ». « Ceux qui critiquent devraient nous remercier que le nom de Bernard Cazeneuve ait été évoqué », ajoute Arthur Delaporte, député PS du Calvados, dans la même lignée qu’Olivier Faure.

« Tant que le PS restera attaché à Jean-Luc Mélenchon, il ne sera pas au pouvoir »

Ce qui se joue de manière sous-jacente, c’est la place du PS dans l’alliance du Nouveau Front populaire, et plus largement au sein de la gauche. Depuis les élections européennes, lors desquelles la liste du Parti socialiste menée par le candidat Place publique Raphaël Glucksmann est arrivée en tête de la liste des Insoumis, le parti à la rose veut revendiquer le leadership à gauche. La ligne opposée à Olivier Faure lui reproche de faire preuve de faiblesse face à Jean-Luc Mélenchon, et veut rompre avec les Insoumis et se rapprocher de Place publique. « Tant que le PS s’en tiendra à Jean-Luc Mélenchon, il ne sera pas au pouvoir », affirme un socialiste opposé à la ligne unitaire. Ce qu’il veut, c’est « dépasser » le NFP, qui était une « alliance défensive utile », mais seulement pour la durée des législatives.

« On ne peut pas être pour le NFP en juillet et contre le NFP en août », explique Emmanuel Grégoire, qui prône une position intermédiaire. « Je suis un défenseur de l’autonomie, de la singularité du PS, mais sur des positions de fond, et dans l’union de la gauche. C’est idéologiquement qu’il faut supplanter LFI : dans la clarté sur les valeurs et dans la confiance et l’efficacité que nous inspirerons aux Français », explique-t-il. Et il ajoute : « La gauche n’arrive au pouvoir sans compromis que lorsqu’elle est unie. »

« Un congrès est prévu pour 2025 »

Convaincus de pouvoir inverser l’équilibre interne, les opposants à la ligne d’Olivier Faure réclament un congrès du PS au plus vite. « Il faut qu’on décide de ce qu’on veut faire, et qu’on ait ce débat dans un cadre respectueux », estime un élu parisien. La direction, accusée d’être réticente à convoquer un congrès, se défend. « Un congrès est prévu pour 2025, assure Arthur Delaporte, en faire un argument politique est assez insignifiant. »

Anna

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