Après le Royaume-Uni, l’Allemagne s’apprête-t-elle à envoyer des chars de combat en Ukraine ?


A quelques jours d’une réunion cruciale dédiée à la défense de l’Ukraine, le 20 janvier, Kyiv et ses alliés augmentent la pression sur l’Allemagne pour autoriser la livraison de chars Leopard 2. le nouveau ministre allemand de la Défense.

C’est devenu l’un des principaux sujets de discussion entre les partisans de l’Ukraine. La fourniture de chars de combat, réclamée depuis plusieurs mois par Volodymyr Zelensky, sera au menu de la troisième réunion du groupe de contact sur la défense de l’Ukraine, vendredi 20 janvier, à la base aérienne de Ramstein, en Allemagne.

Ce sommet, à l’initiative des Etats-Unis et réunissant une cinquantaine de pays, se déroule dans un contexte crucial pour l’Ukraine. A quelques semaines de la fonte des neiges et alors que la Russie se mobilise pour une offensive de printemps, Kyiv réclame haut et fort la fourniture de chars occidentaux à ses alliés.

Ce week-end, le Royaume-Uni s’est engagé à livrer un escadron de 14 chars Challenger 2 à l’Ukraine, devenant ainsi la première puissance occidentale à approuver l’envoi de chars de combat principaux à Kyiv.

Une annonce qui accroît encore la pression sur l’Allemagne. Le constructeur du Leopard 2, le plus répandu de sa catégorie en Europe, n’a pour l’instant pas autorisé la livraison de ses précieux chars à l’Ukraine, malgré l’insistance de ses alliés. Lundi, la ministre allemande de la Défense, très critiquée pour sa gestion du dossier ukrainien, a brutalement démissionné, laissant à son successeur, le social-démocrate Boris Pistorius, la gestion de ce dossier prioritaire.

Le débat sur les armes lourdes

Ce remaniement inattendu en Allemagne intervient à un moment extrêmement sensible pour les alliés de l’Ukraine, alors que le débat sur la fourniture d’armes lourdes a atteint un point de basculement.

Ces dernières semaines, les États membres de l’OTAN ont commencé à se mobiliser pour envoyer à l’Ukraine le type d’armes offensives qu’ils refusaient auparavant de fournir de peur de provoquer Moscou.

Début janvier, la France a été la première puissance au monde à répondre aux appels répétés de Kyiv pour des chars blindés de fabrication occidentale en promettant de fournir des véhicules de combat blindés légers AMX-10 RC. Bien que bénéficiant d’une puissance de feu importante, ce véhicule équipé de roues plutôt que de chenilles n’est pas considéré comme un char de combat. Conçu pour les missions de reconnaissance, il n’est pas adapté aux terrains boueux et difficiles.

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Dans le sillage de la France, les États-Unis et l’Allemagne annoncent respectivement la fourniture d’une cinquantaine de véhicules de combat Bradley et d’une quarantaine de Marder. Des blindés équipés de chenilles, certes utiles au transport de troupes, mais qui ne bénéficient pas de la puissance de feu des chars revendiqués par kyiv.

Dans ce contexte, l’annonce, samedi dernier, de l’envoi du Challenger 2 britannique, premier vrai char de combat de fabrication occidentale, marque un tournant. Les experts militaires notent cependant que la livraison d’un escadron de 14 véhicules ne devrait pas modifier de manière significative la dynamique sur le champ de bataille ukrainien.

« L’armée ukrainienne a besoin d’une flotte de chars plus durable. Fournir une petite quantité de Challenger 2 est un geste symbolique, pas une option durable », déclare Shashank Joshi, spécialiste de la défense pour l’hebdomadaire britannique The Economist et chercheur invité au Kings College de Londres. « La vraie question est de savoir ce qu’on va faire des Leopard 2, présents partout en Europe ».

Berlin au centre du jeu

Le char Leopard 2, introduit pour la première fois en 1979 et amélioré en plusieurs séries depuis, est utilisé par 13 armées européennes : Autriche, Danemark, Finlande, Allemagne, Grèce, Hongrie, Norvège, Pologne, Portugal, Espagne, Suède, Suisse et Turquie.

Ensemble, ces pays ont « plus de 2 000 variantes de ce véhicule », selon le Conseil européen des relations étrangères (ECFR). « Plus les pays donneront de chars, plus il sera facile de partager le fardeau de leur transfert vers l’Ukraine », a déclaré l’ECFR dans un rapport de septembre 2022.

Ce partage de l’exportation de Leopard 2 vers l’Ukraine permettrait également une meilleure répartition de la formation, estime Rod Thornton, chercheur au département de la Défense du Kings College de Londres. Car si les forces ukrainiennes ont le savoir-faire nécessaire pour utiliser les chars de conception soviétique, il leur faut environ deux mois pour acquérir la maîtrise des chars du système de l’Otan, indique-t-il.

Enfin, l’envoi des Leopard 2 présenterait un avantage majeur en termes de logistique. Du fait du grand nombre d’unités présentes en Europe, l’approvisionnement des véhicules de soutien nécessaires mais aussi des munitions et du matériel de réparation serait facilité.

Dans ce cadre, certains pays comme l’Espagne ou la Pologne ont déjà proposé de fournir leur Leopard 2 directement à l’Ukraine. Mais ce processus, dit de réexportation, nécessite le feu vert de Berlin, qui est resté jusqu’ici réticent à être associé à une escalade militaire qui pourrait être perçue comme une provocation par la Russie.

Des casques, mais pas de chars de combat

Lorsque la guerre éclata le 24 février, l’Allemagne était considérée comme le maillon faible de la réponse occidentale à l’agression russe, en raison de sa forte dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou et de son attachement à la paix après la guerre.

Le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, a alors promis un tournant décisif, s’opposant frontalement à Vladimir Poutine et annonçant une augmentation massive des dépenses de défense.

Un an plus tard, les critiques fusent contre le dirigeant allemand, accusé de ne pas tenir ses promesses et d’en faire trop peu, trop tard. En première ligne, l’ancienne ministre de la Défense Christine Lambrecht a été largement moquée pour avoir proposé d’envoyer 5 000 casques en Ukraine alors que les troupes tentaient de bloquer l’avancée des chars russes sur la capitale.

Son départ brutal et l’arrivée au ministère de Boris Pistorius, quelques jours seulement avant le meeting de Ramstein, suscitent de nombreuses interrogations. Plongé dans le feu de l’action dès sa prise de fonction, ce dernier doit rencontrer le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, avant le meeting de vendredi, sur la base aérienne américaine.

Suite à l’annonce de l’envoi de chars britanniques, l’Allemagne, face à la pression croissante de ses alliés, ne peut rester silencieuse, estime Rod Thornton. Le chercheur craint néanmoins que le changement précipité de ministre à Berlin ne fragilise l’unité occidentale quant à la prise d’engagements forts. « Il y aura une augmentation de l’aide à l’Ukraine, mais cela peut prendre plusieurs formes et l’envoi de Leopard 2 n’est pas acquis », conclut-il.

Article adapté par David Rich de l’original anglais

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