LLe problème des « parenthèses enchantées », c’est qu’elles finissent par se refermer. Jamais la question du handicap, largement occultée en France, n’a été aussi puissamment exposée que lors des Jeux paralympiques de Paris 2024. Durant douze jours, le pays a vibré au formidable spectacle de ces athlètes pas comme les autres venus des cinq continents, rivalisant de force, d’adresse, de sens stratégique et de courage.
Dans une société où le handicap reste trop souvent synonyme de « déficience », il a pour une fois été associé à une célébration collective nationale et à des performances hors du commun. Alexis Hanquinquant, Double médaillé d’or paralympique en triathlon et porte-drapeau de la délégation française, n’était pas le seul à saluer « une prise de conscience générale » et d’estimer que ces Jeux permettraient « une inclusion beaucoup plus forte ».
Pourtant, une semaine après la cérémonie de clôture, qui peut jurer qu’en dehors du milieu sportif, « rien ne sera plus jamais comme avant » pour les douze millions de personnes handicapées vivant en France ? On l’a dit et redit : les Jeux paralympiques seront “changer de perspective” sur le handicap, en luttant contre le misérabilisme, le paternalisme et la maladresse qui dominent encore.
Ce serait déjà quelque chose, même si des années-lumière nous séparent de la « course de jambes de bois » organisée comme une exposition foraine à Nogent-sur-Marne en 1895, ou encore des premières compétitions d’après-guerre entre personnes « paralysées » ou mutilées, très marquées par leurs origines médicales, décrites par les historiens Sylvain Ferez et Anne Marcellini dans « Sport des autres ou autre sport ? Genèse et essor du paralympisme », un article publié par La vie des idées.
« Nous ne sommes pas des super-héros »
Mais par quel miracle s’opère ce « changement de perspective », qui semble aussi se refléter dans le triomphe du film d’Artus ? Un petit quelque chose en plusEst-ce que cela ferait progresser le statut des personnes handicapées ? « Prétendre que leur situation dépend uniquement de l’opinion des personnes valides, c’est un peu comme dire que le statut des femmes dépend avant tout de l’opinion des hommes ! Imaginez le scandale ! » soutient le sociologue et politologue Pierre-Yves Baudot, co-auteur de Cause politique du handicap (2021, Presses universitaires de France). L’important n’est pas le regard que les personnes valides portent sur elles-mêmes, mais le regard que portent les personnes handicapées sur elles-mêmes, qui est généralement négatif car elles sont freinées dans leurs déplacements, leurs études, leur accès à l’emploi et au logement.”
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