après une nouvelle évacuation d’un camp de sans-abri, des associations dénoncent un « nettoyage social » de la capitale pour les Jeux

Mardi, la police a expulsé les occupants d’une trentaine de tentes dans le 5e arrondissement, leur proposant un départ vers Besançon. Des opérations habituelles, assure la préfecture, qui nie tout lien avec l’imminence des Jeux olympiques.

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« Bonjour, c’est la police. Vous devez sortir, monsieur. Il était à peine 6 heures du matin, mardi 23 avril, lorsqu’une douzaine de policiers se sont approchés d’une trentaine de tentes igloos disposées le long d’un mur aux abords du campus de Jussieu, rue des Fossés-Saint-Bernard, dans le Ve arrondissement de Paris. Sous la structure métallique du bâtiment universitaire, de jeunes migrants venus du Mali, du Burkina Faso et de Côte d’Ivoire sortent peu à peu de leur sommeil et de leurs abris de fortune. A quelques mètres, dans la pénombre, un bus attend, porte ouverte. Les services de la préfecture proposent une solution de relogement à Besançon (Doubs), mais peu de migrants semblent intéressés par une aventure dans l’Est de la France.

« Nous avons un recours (légal) ici, pourquoi veux-tu nous envoyer à Besançon ?» répond anxieusement un homme en sortant de sa tente, avant d’emporter ses affaires dans un paquet de fortune. “Tu vas nous abandonner, nous voulons un vrai lieu”dit un autre. “Il n’y a plus de places à Paris”, insiste un responsable des services préfectoraux. Mais à trois mois des Jeux olympiques de Paris, les associations venues porter secours aux personnes à la rue dénoncent une nouvelle opération fragilisant les plus précaires, une semaine après l’évacuation du plus grand squat de France à Vitry-sur-Seine (Val- de Marne).

« Nous ressentons actuellement le ‘nettoyage social’, avec deux évacuations par semaine »insiste Aurélia Huot, du Barreau de la Solidarité de Paris, une structure qui encourage le volontariat des avocats parisiens. « Avant, l’accueil des mineurs était toujours en Ile-de-France, et pour les familles, il y avait aussi régulièrement des solutions ici. Mais là, depuis presque deux ans, ils proposent à peine plus de solutions en Ile-de-France. »note également Luc Viger, de l’association Utopia 56.

Les autorités soutiennent que ces évacuations, confiées à la police, n’ont aucun lien avec l’organisation des Jeux cet été à Paris. « Nous menons ces opérations d’hébergement depuis de nombreuses années. Pas du tout pour créer un espace clair, mais pour faire en sorte que les personnes concernées ne soient pas laissées à la rue. »assurait Marc Guillaume, préfet de la région Ile-de-France, en octobre sur France Bleu Paris. “Évidemment, (ce travail) continue alors qu’il faut en même temps organiser les Jeux Olympiques, mais ces deux questions n’ont aucun rapport.”

“Presque une expulsion chaque semaine”

Sur le terrain, le ressenti est complètement différent. « En un an, tous les squats où nous sommes intervenus et où se trouvaient plus d’une centaine de personnes ont été évacués. Ils en expulsent tellement que pendant les Jeux, il n’y aura rien à voir. assure Paul Alauzy, coordonnateur de Médecins du monde et membre du collectif Le Revers de la Médaille. “Il y avait presque une expulsion chaque semaine» raconte Elias, bénévole au sein de l’association Utopia 56. Ici, nous sommes dans un endroit très fréquenté, devant une université, donc ils veulent que ce soit clair.”

“Quand les touristes, pendant les JO, se promènent sur les quais de Seine, il faut que ce soit comme une carte postale.”

Elias, bénévole de l’association Utopia 56

sur franceinfo

Près de l’Institut du monde arabe et des quais de Seine, Elias et les autres bénévoles récupèrent tentes et couvertures pour éviter qu’elles ne soient jetées par la police. Un volontaire d’Utopia 56 cherche des solutions avec l’un des migrants et lui indique un endroit boisé en banlieue, où les évacués du jour pourront replanter leurs tentes. « Nous effectuons des repérages lors des maraudes pour trouver des endroits où ils ne seront pas harcelés par la police », explique-t-il à franceinfo. Certains sans-abri ont accepté de se rendre dans un hébergement temporaire situé dans le 18e arrondissement, mais pour les autres, la rue reste le seul horizon.

“Les associations ne proposent aucune solution”

Assis sur un rebord en béton, Assane (dont le prénom a été modifié) regarde dans le vide. “Je ne sais pas où aller, je ne connais pas d’autres endroits, mais j’ai rendez-vous avec l’avocat le 25”, confie ce Burkinabé arrivé en France il y a deux mois. Les services de la préfecture d’Ile-de-France présents mardi matin tentent de vanter les mérites de Besançon : “C’est à deux heures de Paris et les trains ne sont pas si chers que ça.” En réalité, cela prend trois heures, et les prix varient de 20 à 80 euros.

“Ce n’est pas si terrible d’aller en province, ni de faire un aller-retour Besançon à Paris, surtout pour les gens qui ont déjà traversé de nombreux pays”juge un responsable rencontré par franceinfo sur place. « Les associations ne proposent aucune solution, elles suggèrent juste que les gens continuent à dormir dans la rue ». “Mais ce sont les services de l’Etat, à eux de trouver une solution !”s’exclame Aurélia Huot, du Barreau de la Solidarité de Paris. « Nous avons tous les moyens pour accueillir tous ces gens en France. Il manque plus de 20 000 places d’hébergement et nous en avons les moyens.“, estime Elias, de l’association Utopia 56.

La préfecture assure également aux migrants que, loin de Paris, ils bénéficieront d’un hébergement durable et d’un accompagnement social. “C’est faux”, s’agace Aurélia Huot. Les associations affirment avoir des retours différents de la part des jeunes migrants ayant accepté cette option lors de précédentes opérations. Selon l’avocat, “Lors d’une récente évacuation d’une place du 16ème arrondissement, trois jeunes ont accepté de partir zone de réception à Rouen, mais à leur arrivée, ils n’étaient pas pris en charge, car la structure n’était pas adaptée aux jeunes mineurs en recours. Ils ont été remis à la rue et ont dû rentrer à Paris.”

Charlotte

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