Sa carrière a pris fin brutalement en avril 2023 après une publication sur les réseaux sociaux. «Je renaîtrai de mes cendres», assure aujourd’hui Moïse Turahirwa.
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Avec sa marque Moshions créée en 2015, Moses Turahirwa a connu le succès depuis son Rwanda natal, où le président Paul Kagame comptait parmi ses clients, jusqu’aux podiums européens. Mais en avril 2023, la carrière du créateur LGBT+ prend un terme brutal.
Tout a commencé par une publication sur Instagram. Le 26 avril 2023, le créateur poste une photo de son passeport avec le titre “sexe” modifié du masculin au féminin, accompagné du commentaire : “Enfin officiellement une femme sur ma carte d’identité. C’est amusant. #MerciKagame.” “Je voulais attirer l’attention sur le fait que ce n’est pas un crime de (vouloir) changer de sexe”, explique cette figure de la communauté LGBT+ rwandaise, qui se définit comme non binaire et se définit avec le pronom « iel ». Il s’agissait d’une photo retouchée par ordinateur, mais Moses Turahirwa a été accusé de faux et placé en détention.
“Je renaîtrai de mes cendres”
Deux mois plus tard, libéré sous caution. L’accusation de contrefaçon a été abandonnée, mais des accusations pour usage de drogue ont été engagées après des tests positifs au cannabis. Pour le styliste, les autorités «Je voulais donner l’exemple aux jeunes, afin qu’ils soient très attentifs à leur liberté.» Bien que l’homosexualité ne soit pas illégale au Rwanda, contrairement à plusieurs de ses voisins (Tanzanie, Ouganda, Burundi), et que le pays ait signé en 2011 une déclaration des Nations Unies condamnant les violences contre les personnes LGBT+, les comportements envers la communauté reflètent “beaucoup de toxicité”selon le créateur de mode de 33 ans.
Le scandale créé par sa publication lui a valu des campagnes de diffamation en ligne, certains clients se sont détournés et son activité s’est arrêtée. Mais “Je renaîtrai de mes cendres”assure Moses Turahirwa, affirmant qu’il souhaite désormais axer son travail autour du concept de fluidité de genre qui l’a initialement attiré vers la mode.
“Je me souviens de beaucoup de rejets”
Le Rwandais est confronté à la différenciation sexuelle depuis son enfance. Dans son village de l’ouest du pays, le jeune garçon aimait confectionner des robes pour les poupées de ses sœurs, mais l’activité suscite des réactions désapprobatrices : “Je me souviens de beaucoup de rejet quand j’étais enfant. Ma mère (…) ne voulait pas que je joue à la poupée.” C’est après son arrivée dans la capitale Kigali que l’étudiant en génie civil décide de se consacrer à sa passion pour la mode. De sa collaboration avec d’autres créateurs partageant les mêmes idées est née la première collection de ce qui deviendra la marque Moshions.
Entièrement cousues à la main, les créations – débardeurs blancs transparents, shorts en cuir couleur bronze, blouses à basque – affichent un ton résolument moderne, sans aucun imprimé africain. Succès instantané dans le monde de la mode qui émerge alors au Rwanda. Les ventes ne décollent que deux ans plus tard lorsque, à l’occasion de l’élection présidentielle de 2017, la marque lance des vestes et des t-shirts sérigraphiés aux portraits du chef de l’Etat Paul Kagame, l’homme fort du pays. depuis la fin du génocide des Tutsi en 1994. Des partenariats gouvernementaux suivent. Paul Kagame lui-même apparaît dans une chemise Moshions.
La marque gagne également en notoriété internationale, avec des défilés de mode en Europe et des créations portées par la star du football ivoirien Didier Drogba ou l’égérie du réalisateur Pedro Almodóvar, Rossy de Palma. Début 2023, l’entreprise employait une trentaine de personnes à Kigali, avec un chiffre d’affaires annuel de 500 000 euros, précise Moses Turahirwa.
“Recommencer à zéro”
Une pièce, qui résonne parfaitement avec son identité, lui tient à cœur : la mushanana, étole drapée traditionnelle portée aussi bien par les hommes que par les femmes au Rwanda. “La mode (…) vous donne le droit d’être qui vous voulez” est l’un de ses credos, malgré les polémiques qui l’ont visé ces dernières années. Trois mois avant son arrestation, en janvier 2023, une polémique avait éclaté après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo prétendant montrer le créateur en train d’avoir des relations sexuelles avec deux hommes.
En novembre 2022, le tollé suscité par la publication de photographies de nu sur ses réseaux sociaux le conduit à démissionner de son poste de PDG de Moshions. Le créateur a repris son rôle cette année et, face à la « négativité » à son égard, dit vouloir “recommencer à zéro” en faisant de Moshions une marque plus confidentielle autour des designs unisexes. Malgré son arrestation, Moses Turahirwa affiche un soutien sans faille au gouvernement. Moshions a créé une nouvelle série de t-shirts à l’effigie de Paul Kagame pour sa campagne de réélection pour un quatrième mandat en juillet.