POLITIQUE – Trois minutes et autant de motifs de critiques. Le Premier ministre a décidé de participer à un entretien avec Valérie Hayer ce lundi 3 juin en entrant dans l’amphithéâtre de Radio France, où la candidate du camp présidentiel aux élections européennes répondait aux questions des journalistes et des invités.
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Gabriel Attal, qui participait à la matinale de franceinfo quelques minutes plus tôt, a effectivement fait irruption aux côtés de sa tête de liste, comme vous pouvez le voir ci-dessous, provoquant quelques réactions légèrement embarrassées. ” J’étais dans une interview juste au dessus, on m’a dit que Valérie était là, je suis venu la voir », s’est-il justifié.
Résultat : un happening de trois minutes sous forme de monologue sur l’Europe, le climat ou la jeunesse. Et de quoi accréditer plusieurs procès qui se font contre la macronie pour ces élections européennes, entre sexisme et débat biaisé. Les opposants au camp présidentiel n’en demandaient pas tant.
« Le Premier ministre s’invite quand il veut ? »
Tout d’abord, cette intervention donne matière à réflexion à ceux qui critiquent une certaine confiscation du débat entre la famille politique d’Emmanuel Macron et le Rassemblement national. Tout cela, alors que l’exécutif est au cœur des critiques après l’annonce d’une intervention télévisée du chef de l’Etat au JT de 20 heures jeudi. C’est trois jours avant les élections.
Dans ce contexte, François-Xavier Bellamy, qui avait déjà protesté contre la bagarre organisée entre Jordan Bardella et Gabriel Attal sur France 2, a récidivé ce lundi, dans l’amphithéâtre de Radio France. Il dénonce l’omniprésence du couple exécutif, et leur facilité d’accès aux médias pour faire campagne.
” J’aimerais savoir comment ça marche en pratique ? Vous avez le Premier ministre qui est dans le couloir et qui dit ‘Je veux passer à la radio sur le service public, allez, j’arrive’ ? “, a d’abord interrogé le leader des Républicains, avant d’ajouter, irrité par le ” montrer » proposé juste avant : « pour qu’il puisse s’inviter dans toutes les émissions en temps réel quand il le souhaite ? Comme le président de la République jeudi, qui a envie de prendre la parole 24 heures avant la fin de la campagne officielle et d’utiliser pour cela tous les canaux d’information et d’information ? »
Dans le même esprit, la gauche dénonce sur les réseaux sociaux le retour de « l’ORTF », quand le service public audiovisuel n’était pas indépendant. Le député écologiste Benjamin Lucas se plaint par exemple de voir le chef du gouvernement entrer sans problème » dans un spectacle auquel il n’était pas invité. »
«Ils s’essuient pieds sur Valérie Hayer »
Difficile également de ne pas voir derrière cela se produire un nouvel artifice qui rend de fait invisible la tête de liste officielle. ” Valérie Hayer n’a plus beaucoup de temps donc “, ” tu nous laisses l’interroger quand même “, a fait remarquer à plusieurs reprises la journaliste Émilie Tran Nguyen pour tenter de reprendre le fil de l’interview.
Il faut dire que la candidate à la présidentielle, inconnue du grand public jusqu’il y a quatre mois, a été chaperonnée voire éclipsée tout au long de sa campagne. Outre les documents officiels qui font une large place à Emmanuel Macron, le dévoilement de son programme par le chef de l’État à la Sorbonne, Valérie Hayer a passé son temps à commenter le débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella ou encore la potentielle contestation entre Emmanuel Macron. et Marine Le Pen.
Dans ce contexte, les oppositions dénoncent en chœur le « définition ” Même de ” explication » ce lundi, à la maison de la radio. Derrière cet anglicisme, une manière de décrire l’habitude prise par les hommes d’expliquer aux femmes quelque chose qu’ils connaissent déjà, voire dont ils sont experts.
Vivre de @franceinfo le premier ministre s’essuie les pieds @ValérieHayer. Les femmes ne sont pas des paillassons.
Ce qui vient de se passer sur France Info est regrettable. Valérie Hayer est candidate, présidente de groupe au Parlement. Elle mérite le respect. pic.twitter.com/zOaANSvlx0
— Marie Toussaint 🌍🌏 (@marietouss1) 3 juin 2024
“ Il y a un côté un peu machiste, que le Premier ministre débarque en disant ‘écoute-moi Valérie, je vais être plus efficace que toi’ », a même fustigé François-Xavier Bellamy, sur le plateau de ce grand oral, devant Marie Toussaint, le candidat écologiste a enfoncé le clou en estimant que « le Premier ministre et le président de la République s’essuient les pieds » leur candidat. ” Les femmes ne sont pas des paillassons ! »
Nationaliser encore plus les élections
Enfin, ce type d’intervention n’est pas sans conséquences politiques. En s’insérant dans l’interview de Valérie Hayer sur Radio France ce lundi, Gabriel Attal prend aussi le risque de nationaliser toujours plus le vote européen. Comme il l’a fait lors d’un débat avec Jordan Bardella. Ou comme Emmanuel Macron le fera jeudi au journal télévisé.
Problème : cette stratégie – qui répond parfaitement à ce que souhaite le Rassemblement national – peine à porter ses fruits. La lutte entre le Premier ministre et la tête de liste du parti d’extrême droite n’a eu aucun effet dans les sondages. À l’image du discours du président de la République à la Sorbonne fin avril.
Pire, cette omniprésence pourrait s’avérer contre-productive puisque l’exécutif semble surestimer sa capacité à écorner le vote du Rassemblement national, en sous-estimant son impopularité, fruit de sept années éruptives au pouvoir. Il est difficile, dans ce contexte, de comprendre l’intervention du premier ministre lundi. Le « je » n’en vaut pas la peine.
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