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Attendre que les temps changent

Il en est des politiques d’immigration aujourd’hui comme des politiques concernant les femmes à une autre époque : on décidait sans elles ce qui était « bon » pour elles et on pouvait dire n’importe quoi sur elles.


Ce constat très juste est celui de François Crépeau, professeur de droit international public à l’Université McGill, qui s’intéresse à ces questions depuis près de 40 ans.

Un exemple de « n’importe quoi » ? Bien qu’il n’y ait rien de criminel à demander l’asile ou à être un travailleur migrant non déclaré, les États ont criminalisé la migration irrégulière dans leur rhétorique, déclare l’ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme migrant.

De tels discours sont possibles parce que les principaux concernés n’ont pas leur mot à dire. « Comme les migrants ne votent pas, ils ne peuvent pas punir ou récompenser les politiciens. Les politiciens peuvent donc tout dire à leur sujet. Et il n’y a pas de refoulement de la part des citoyens. »

Résultats ? « Dans la plupart des pays, les politiques d’immigration sont faites comme des politiques pour les femmes il y a 80 ans, explique M. Crépeau. Cela a été fait par des comités d’hommes qui n’avaient aucune idée de ce qu’ils faisaient et ne savaient pas de quoi ils parlaient ! »

Heureusement, les temps changent. Très lentement, mais quand même… Aujourd’hui, si un homme politique fait une remarque sexiste, c’est une tache sur son dossier qui peut le suivre. Même chose pour une remarque homophobe. Parce qu’il y a eu des luttes pour les droits des femmes. Parce qu’il y a eu des luttes pour les droits LGBTQ+…

Mais les migrants en situation de grande précarité ne sont pas en mesure de lutter pour leurs droits. De peur d’être expulsés, ils ne portent pas plainte même lorsqu’ils sont exploités. En mode survie, ils attendent juste que ça passe. « Et cela arrange les employeurs que ces personnes remplissent cette fonction économique. »

La situation n’est pas unique au Canada. Partout dans le monde, il y a un sous-prolétariat de migrants sans papiers ou aux statuts très précaires qui sont exploités, rappelle François Crépeau.

Comme je l’ai mentionné dimanche, la solution n’est ni de fermer la porte aux migrants sur Roxham Road ni de fermer les yeux sur leur exploitation.

A court terme, nous devons accueillir dignement ces demandeurs d’asile. Investir dans l’accueil, le logement social et la francisation afin de permettre à ces personnes de contribuer le plus rapidement possible à la société – sans être exploitées, cela va de soi.

Car ne serait-ce que d’un point de vue économique, il s’agit d’un investissement rentable pour les entreprises.

À long terme, la solution réside dans le Pacte mondial sur la migration – le premier accord global des Nations Unies avec une approche commune de la migration internationale dans toutes ses dimensions. Le pacte, ratifié fin 2018, vise notamment à faciliter la mobilité et à appliquer le droit du travail à toutes les personnes, quel que soit leur statut migratoire.

François Crépeau, qui a lui-même participé à la première phase de son élaboration, veut que le Pacte mondial soit à l’image de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. le début d’une grande révolution culturelle. Nous sommes toujours en train, 75 ans plus tard, d’élaborer cette Déclaration universelle. Le mouvement #metoo sur le harcèlement sexuel, par exemple, est aussi une évolution de la Déclaration universelle sur l’égalité, la dignité… »

Tout comme il a fallu du temps pour que les droits « humains » incluent véritablement les droits des femmes, il en faudra aussi pour qu’ils incluent véritablement ceux des migrants.

« Ça va arriver. Mais cela se fera sur plusieurs générations. »

Attendre…

De nombreux lecteurs m’ont écrit suite à ma chronique de dimanche pour me demander plus concrètement ce qu’ils peuvent faire pour aider les demandeurs d’asile. Plusieurs ont été inspirés par l’initiative de Danièle, cette infirmière à la retraite de Brossard qui prend sous son aile des familles de nouveaux arrivants rencontrés par le biais de Dons des demandeurs d’asile Montréal – un groupe Facebook qui permet de jumeler des gens avec des demandeurs d’asile dans le besoin.

Outre ce groupe, un autre bon point de départ est le Collectif Bienvenue, né à Montréal en 2017 d’une initiative citoyenne similaire à celle de Danièle lorsque plus de 25 000 personnes sont arrivées au Québec en quête de refuge. Des volontaires s’étaient mobilisés pour aider les familles demandeuses d’asile, souvent réduites à dormir à même le sol, à se meubler.

Un an plus tard, ces initiatives individuelles se sont transformées en un très beau projet collectif : un OBNL dont la principale mission est de mobiliser la communauté montréalaise afin d’apporter une aide immédiate aux demandeurs d’asile les plus vulnérables.

En cinq ans, le Collectif Bienvenue a réussi à accompagner plus de 8 000 personnes dont 4 500 enfants et 600 femmes enceintes. Chaque semaine, il est en mesure d’aider une dizaine de familles à s’installer.

« Nous nous concentrons sur les familles en grande précarité, m’a dit Melissa Claisse, porte-parole du Collectif Bienvenue. Mais faute de « bras » et de ressources suffisantes, nous ne sommes pas en mesure de répondre à toutes les demandes d’aide.

Ces jours-ci, l’organisme, qui vient de lancer sa campagne annuelle de financement, a particulièrement besoin de bénévoles « bien armés » pour monter à bord de son camion et livrer et ramasser des meubles. Mais les citoyens avec des « armes légères » et un grand cœur sont bien sûr également les bienvenus.


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