Attention à cette vieille vidéo de Kamala Harris s’exprimant sur la réglementation du réseau social X

La même vidéo contenant des allégations similaires a été partagée par des utilisateurs hispanophones et anglophones, dont le propriétaire de X, Elon Musk, et l’ancien candidat à la présidence Robert F. Kennedy Jr., qui a annoncé (lien archivé ici) fin août qu’il soutenait l’ancien président républicain et candidat de son parti, Donald Trump.

Mais c’est bien avant la suspension du X au Brésil en août 2024.

Une vidéo de 2019

Dans la séquence, Kamala Harris s’exprime aux côtés d’un journaliste de la chaîne de télévision américaine CNN, Jake Tapper, et estime notamment que les réseaux sociaux devraient être plus «responsable“, en raison du pouvoir qu’ils possèdent.

Elle mentionne, au tout début de l’extrait, “privilèges qui devraient être suspendus“, mais le découpage de 31 secondes de la séquence ne permet pas de saisir précisément à quoi fait référence le vice-président américain.

En effectuant une recherche d’image inversée à l’aide d’images clés de la vidéo, nous pouvons déjà voir queil existait en ligne bien avant août 2024 :par exemple, il a été publié sur le compte X du média américain The Hill, le 17 octobre 2019 (lien archivé ici).

Une recherche Google de contenu antérieur à cette date qui comprenait des mots-clés liés aux propos de Kamala Harris, “CNN” Et “Jake Tapper” nous a permis de retrouver une retranscription officielle de l’événement, publiée par CNN (lien archivé ici). Il s’agissait d’une diffusion faisant suite à un débat des primaires démocrates (qui devaient désigner le candidat du parti à l’élection présidentielle de 2020), qui s’est tenu 15 octobre 2019 (lien archivé ici).

En consultant le texte intégral, on peut retrouver l’intégralité des propos tenus par Kamala Harris dans l’extrait que nous examinons, et se rendre compte qu’elle faisait référence à la suspension du compte du président de l’époque, Donald Trump, sur Twitter (rebaptisé X en août 2023) – et non à une suspension générale des réseaux sociaux, puisqu’au contraire, elle appelait à une plus grande responsabilité de la part de ces derniers.

Lors de son discours, elle a également accusé Donald Trump d’intimider des témoins, alors que la Chambre des représentants américaine venait d’annoncer qu’elle lançait une enquête (lien archivé ici) le visant, concernant des soupçons concernant le fait qu’il avait demandé à son homologue ukrainien d’enquêter sur son rival démocrate en amont de l’élection présidentielle américaine de 2020.

“Donald Trump compte 65 millions d’abonnés sur Twitter. Il a prouvé qu’il était prêt à faire obstruction à la justice.” commence-t-elle. Elle ajoute que “Ce que dit Donald Trump sur Twitter influence la perception qu’ont les gens de ce qu’ils devraient ou ne devraient pas faire“, prenant comme exemple un manifeste (lien archivé ici) visant la communauté hispanique diffusé en ligne et attribué au tireur qui a tué plus de 20 personnes dans un supermarché d’El Paso, au Texas, en août 2019.

“Et nous parlons d’une entreprise privée, Twitter, qui a des conditions de service, et en ce qui me concerne et je pense que la plupart des gens diraient, y compris les membres du Congrès, que (Donald Trump, NDLR) menacé (…) de perdre ses privilèges et d’être suspendu“, poursuit-elle, en référence à la suspension du compte de Donald Trump sur le réseau social, qu’elle avait déjà réclamée au préalable.

Dans une publication sur X datée du 30 septembre 2019, elle avait par exemple écrit (lien archivé ici) que le compte de Donald Trump «devrait être suspendu“, et l’a également rappelé lors du débat du 15 octobre entre les candidats à la primaire démocrate.

En janvier 2021, Twitter a fini par bloquer le compte de Donald Trump (lien archivé ici), mentionnant notamment «un risque de nouvelles incitations à la violence“, après les émeutes survenues le 6 janvier 2021 au Capitole de la capitale américaine, suite à une remise en cause de l’intégrité des résultats de l’élection de 2020, remportée par Joe Biden aux dépens de Donald Trump. Après avoir acquis le réseau social, Elon Musk avait rétabli le compte en novembre 2022 (lien archivé ici).

En réponse à la rediffusion hors contexte du segment en 2024, le journaliste Jake Tapper a publié (lien archivé ici) le 4 septembre sur son compte X un message rappelant que l’intervention datait de 2019 et qu’elle ne faisait pas référence à la situation actuelle. Il a également relayé la transcription ainsi qu’une vidéo archivée en ligne de l’entrevue, dans laquelle on peut voir la séquence à partir de la minute 0:35, ce qui correspond à 20:56 lors de la diffusion de CNN.

En effectuant des recherches par mots-clés sur Google, l’AFP n’a pu trouver, au 6 septembre 2024, aucune mention d’une récente intervention de Kamala Harris dans laquelle elle commenterait la suspension de X au Brésil en appelant à faire la même chose aux États-Unis.

D’autres médias américains ont également consacré des articles de fact-checking à cette séquence partagée en août 2024 en dehors de son contexte initial, notamment Associated Press, Lead Stories et USA Today (liens archivés ici, ici et là).

Accès à X bloqué au Brésil

L’accès à l’ancien Twitter a été bloqué au Brésil, suite à un long bras de fer entre son propriétaire Elon Musk et Alexandre de Moraes, juge de la Cour suprême brésilienne.

Ce dernier a ordonné cette sanction après que X, qui comptait 22 millions d’utilisateurs dans le plus grand pays d’Amérique latine (plus de 10% de la population), ait ignoré une série de décisions judiciaires liées à la lutte contre la désinformation.

Cette suspension a depuis provoqué une migration massive d’internautes (lien archivé ici) vers des plateformes similaires telles que Bluesky, un réseau créé par le cofondateur de Twitter Jack Dorsey, où le portugais est devenu la langue la plus utilisée.

La plateforme a gagné plus de 2 millions de nouveaux abonnés en quelques jours seulement, contre moins de 6 millions avant la suspension de X, selon les chiffres fournis par l’entreprise.

En Europe, les premières sanctions visant X pourraient également tomber cet automne (lien archivé ici).

Les émeutes au Royaume-Uni, déclenchées début août par de fausses rumeurs, ont rappelé les dangers d’une expression non régulée sur internet. Le suspect du meurtre de trois jeunes filles avait été présenté à tort comme un demandeur d’asile musulman. La fausse nouvelle, relayée et amplifiée sur les réseaux sociaux, notamment X, avait déclenché des violences islamophobes.

Dans ce contexte, le commissaire européen aux Affaires numériques, Thierry Breton, a lancé un avertissement à Elon Musk mi-août, juste avant une interview du candidat républicain à l’élection présidentielle américaine, Donald Trump, diffusée sur la plateforme.