Au Brésil, la sécheresse et les incendies exceptionnels inquiètent le secteur agricole

Marcos Meloni n’oubliera pas de sitôt ce jour de fin août où il a lutté contre les flammes qui menaçaient de consumer sa plantation de canne à sucre dans le sud-est du Brésil.

“Pendant que nous combattions l’incendie, le rétroviseur du camion-citerne s’est ratatiné” à cause de la chaleur intense, a raconté à l’AFP cet agriculteur vivant à Barrinha, à 340 kilomètres de Sao Paulo, au coeur d’une importante zone de production.

« Je pensais que j’allais mourir là-bas », dit-il.

Les incendies d’une ampleur extraordinaire qui font rage depuis plusieurs semaines de l’Amazonie au nord jusqu’au sud de l’immense pays latino-américain, la plupart d’origine criminelle selon les autorités, sont alimentés par une sécheresse historique, que les experts attribuent en partie au réchauffement climatique.

Résultat : les récoltes de canne à sucre, mais aussi celles de café, d’oranges et de soja, dont ce géant agricole est le premier producteur et exportateur mondial, risquent d’être affectées. D’autant que les pluies attendues en octobre pourraient être, selon les régions, inférieures à la moyenne.

Dans l’État de São Paulo, au moins 231 830 hectares de plantations de canne à sucre – sur les quatre millions qui composent la principale région sucrière du pays – ont été touchés à des degrés divers par les incendies, dont la moitié n’a pas encore été récoltée dans les mois à venir, selon le Syndicat brésilien de l’industrie sucrière (Unica).

« Là où la canne à sucre est encore debout, nous nous attendons à ce que le rendement (de sucre, ndlr) diminue de moitié », déclare José Guilherme Nogueira, PDG de l’Organisation des associations de producteurs de canne à sucre du Brésil (Orplana).

Le producteur Marcos Meloni avait déjà terminé sa récolte mais a subi des dégâts importants. « Les racines ont brûlé là où il y avait des pousses qui peinaient déjà à sortir à cause du manque d’eau. Il faut maintenant voir où il faudra replanter. »

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– “Ouvre les yeux” –

Dans le Minas Gerais (sud-est), riche région agricole d’où provient 70% de l’arabica brésilien, les caféiculteurs attendent aussi l’arrivée des pluies, nécessaires à la floraison des arbustes puis à la formation des cerises de café qui seront cueillies l’année prochaine.

« Nous manquons d’eau dans les sols, c’est le pire déficit hydrique depuis 40 ans », déplore José Marcos Magalhaes, président de Minasul, la deuxième plus grande coopérative du pays. D’ici la fin du mois, « nous avons besoin de pluies de bonne intensité pour espérer avoir une récolte normale » en 2025, dit-il.

Cependant, les conditions climatiques défavorables de la période récente ont déjà perturbé la récolte 2023-2024 qui est sur le point de s’achever.

Alors que la Compagnie nationale d’approvisionnement (Conab), organisme public, anticipait une augmentation de 8,2% de la production d’arabica en mai, ces prévisions “seront probablement revues à la baisse”, estime Renato Ribeiro, du Centre d’études avancées en économie appliquée de l’Université de Sao Paulo.

Concentrée dans les Etats de Sao Paulo et de Minas Gerais, la production d’oranges, destinée en grande partie à l’industrie des jus de fruits, doit également souffrir de la sécheresse.

Après avoir annoncé en mai dernier une récolte 2024-2025 à son plus bas niveau depuis trois décennies, l’association brésilienne des producteurs d’agrumes Fundecitrus a de nouveau abaissé ses prévisions il y a quelques jours et table sur une baisse de 29,8% de la production, déjà affectée par une maladie bactérienne.

Produit phare de l’agro-commerce brésilien, pilier de son pouvoir politique et de son rayonnement international, le soja n’a pas été épargné.

Selon la Conab, la récolte devrait chuter de 4,7% cette année. Cette baisse est due à la sécheresse et aux pluies torrentielles qui se sont abattues en avril-mai dans l’État de Rio Grande do Sul (sud). La sécheresse retarde désormais les nouvelles plantations dans les régions productrices.

« Si le temps s’améliore, les producteurs de soja pourront rattraper le temps perdu », estime Luiz Fernando Gutierrez, analyste chez Safras e Mercado. « Mais si la sécheresse se poursuit en octobre, il pourrait y avoir des problèmes de récolte » en 2025, prévient-il.

L’agroalimentaire, l’un des secteurs économiques les plus touchés par le changement climatique, porte néanmoins une lourde part de responsabilité dans ses propres déboires, souligne le climatologue Carlos Nobre.

« C’est le secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre au Brésil. Il doit les réduire et mettre un terme à la déforestation. Il doit ouvrir les yeux. »

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