Dans la ville encore endormie d’Iten, des échantillonneurs de l’Athletics Integrity Unit (AIU), organisme indépendant chargé de la lutte contre le dopage dans l’athlétisme, se présentent devant le Kechei Gate Center, l’un des centres d’entraînement les plus renommés du Kenya : « Nous sommes venus effectuer un test inopiné sur Joan Chelimo. » Naturalisée roumaine, l’athlète d’origine kenyane a remporté le semi-marathon de Paris en mars et le marathon de Séoul en 2022. C’est sur cette distance qu’elle vise, à 33 ans, une médaille olympique aux Jeux olympiques, samedi août. 10 à Paris.
La marathonienne, sacrée vice-championne d’Europe du semi-marathon, à Rome le 9 juin, somnole dans sa chambre. Afin d’éviter toute manipulation, elle est suivie jusqu’aux toilettes pour prélever un échantillon d’urine qui sera ensuite envoyé dans un laboratoire de Lausanne (Suisse) où il sera analysé dans un délai de vingt jours. Si Joan Chelimo, contrôlée « une à deux fois par mois en plus des compétitions », n’a pas de nouvelles, elle poursuivra son rêve olympique. Si elle reçoit un email ou un appel de l’AIU, son échantillon sera positif à une substance interdite et elle sera exclue de toute compétition officielle. « Les tests comme ce matin sont indispensables pour lutter contre le dopageassure-t-elle. Nous devrions également les augmenter sur les sites de formation car c’est là que nous pouvons attraper le maximum de tricheurs. »
Depuis 2016, le Kenya (comprenant la Biélorussie, l’Éthiopie et le Maroc) est classé dans la catégorie A des pays sous surveillance par l’Agence mondiale antidopage. Menacée en 2022 d’être exclue par la Fédération internationale d’athlétisme, cette nation phare du fond et du demi-fond, qui a vu naître des athlètes de légende, et qui partage avec l’Éthiopie la plupart des records du monde, s’est lancée dans une course effrénée. pour tenter d’endiguer le fléau. « Nous ne ménagerons aucun effort pour protéger l’intégrité du sport »avait prévenu le président kenyan William Ruto en janvier 2023. L’image du pays est en jeu. Sur les hauts plateaux de la vallée du Rift, l’athlétisme est aussi sacré que le lion du Masaï Mara.
Le gouvernement s’est engagé à consacrer 25 millions de dollars (23 millions d’euros) sur cinq ans pour financer la lutte contre le dopage. Formés par l’AIU, des dizaines d’agents ont été recrutés. D’Eldoret, capitale du comté d’Uasin Gishu, à Kaptagat en passant par Iten, où se trouvent les principaux centres de formation, les échantillons ont été multipliés par trois en un an chez l’élite et par cinq au niveau de l’immense réservoir constitué des coureurs nationaux. Les résultats ne se sont pas fait attendre. En février, l’AIU a annoncé que 44 nouveaux athlètes kenyans, parmi lesquels des athlètes mais aussi des nageurs et des footballeurs, avaient été testés positifs. Ils ont été condamnés à des sanctions allant d’un an de sursis à l’exclusion à vie.
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