La contrebande de bois du Mozambique vers la Chine contribue à financer l’insurrection islamiste qui érode la province de Cabo Delgado, limitrophe de la Tanzanie, au nord du pays. C’est la conclusion d’une enquête de quatre ans menée par l’Environmental Investigation Agency (EIA), une ONG qui milite contre les délits environnementaux.
Selon BBC Afrique, Qui a pu consulter les documents de l’ONG, le commerce illicite du bois de rose alimente non seulement cette insurrection jihadiste, liée à l’État islamique, mais aussi un vaste réseau criminel dans le nord de ce pays d’Afrique australe.
Le bois de rose est un terme générique pour désigner plusieurs essences de bois dur particulièrement appréciées en Chine pour la fabrication de meubles de luxe. Mais ce bois, continue le BBC Afrique, est protégée par des traités internationaux qui limitent son exploitation. Alors que la Chine a interdit l’exploitation du bois de rose dans son propre pays, elle en importe illégalement d’énormes quantités, déplore l’enquête de l’EIA.
L’équivalent de 1 000 terrains de football chaque jour
Selon l’ONG, la mauvaise gestion des concessions forestières, l’exploitation forestière illégale et la corruption des agents portuaires permettent à ce commerce illégal de se développer dans les zones contrôlées par les jihadistes. Cette exploitation incontrôlée est telle que les experts cités par le rapport estiment que, chaque jour, le pays perd l’équivalent d’environ 1 000 terrains de football de superficie forestière.
Cette enquête révèle un système bien établi auquel participent de nombreux acteurs internationaux. Les arbres sont d’abord abattus par les bûcherons dans les forêts de Cabo Delgado. Les djihadistes réclament des entreprises, selon BBC, le paiement d’une commission de 10% pour procéder à l’abattage illégal d’arbres. Et certains experts estiment que déjà 30 % du bois exploité à Cabo Delgado risque de provenir de forêts occupées par le mouvement islamiste armé.
Expédié à Shanghai
Les troncs sont ensuite acheminés vers les scieries de la région, prédécoupés et acheminés par camion jusqu’aux ports de Pemba ou de Beira. De là, les cargaisons illicites sont transportées par deux des plus grandes compagnies maritimes mondiales, Maersk et CMA-CGM. Après avoir transité par les ports de Bombay en Inde et de Jebel Ali aux Émirats arabes unis, les cargaisons sont expédiées vers le port chinois de Shanghai.
La province de Cabo Delgado est en proie depuis plusieurs années à une insurrection du groupe terroriste islamiste Al-Shabab. À bien des égards, note le rapport de l’ONG EIA, Cabo Delgado est « l’endroit parfait » pour le commerce illicite du bois. La région est en effet au carrefour des routes commerciales. Et sa situation sécuritaire, aggravée par la corruption, permet ce type de trafics. De plus, même si la population est désespérément pauvre, la région est riche : outre certains des arbres les plus précieux au monde, Cabo Delgado possède d’importantes ressources naturelles, notamment du pétrole et du gaz, et des gisements de rubis et de saphir.