“Au Parlement européen, j’ai l’impression d’être dans une ONG, une religion ou une secte”, déclare le RN Thierry Mariani

Au fait, comment se déroule le travail d’un parlementaire européen ? A l’occasion des élections européennes du 9 juin, publicsenat.fr donne la parole aux eurodéputés sortants. Plus qu’un bilan du mandat qui s’achève, ils nous racontent leurs victoires, leurs échecs ou leurs regrets aussi, pour mieux comprendre le fonctionnement spécifique du Parlement européen. Après l’écologiste David Cormand, l’eurodéputé Renaissance Fabienne Keller et Anne Sander pour les LR, c’est Thierry Mariani, eurodéputé du Rassemblement national, qui témoigne.

« Nous devons communier avec la religion du Green deal »

D’emblée, l’élu d’extrême droite donne le ton. « J’ai déjà fait cinq mandats dans un vrai Parlement », commence Thierry Mariani, qui parle de l’Assemblée nationale… « Je suis très surpris par le Parlement européen, dans le sens où normalement, un Parlement défend les intérêts de ses habitants, de ses électeurs. Par moments, j’ai l’impression que c’était tantôt une ONG, tantôt une religion. Parce que nous donnons constamment des leçons à la planète entière, sans tenir compte de nos intérêts. Par exemple, les députés macronistes soutiennent l’Egypte en France et la condamnent à Bruxelles. On se pose constamment la question des droits de l’homme”, regrette Thierry Mariani (à droite sur la photo), qui ajoute : “Nous avons dû voter 150 résolutions d’urgence sur les droits de l’homme, en commission des Affaires étrangères. Pas un seul n’a été utile.

L’ancien député LR va plus loin. « J’ai parfois l’impression d’appartenir à une religion ou à une secte. Le propre d’une secte est de nier la réalité. Quand on décide de supprimer les véhicules à moteur thermique en 2035, on sait bien que c’est impossible. Mais nous devons communier avec la religion du Green Deal. Et comme dans toute secte, tous ceux qui ne pensent pas la même chose sont des hérétiques qu’il faut chasser. Donc vous avez évidemment de fausses nouvelles, vous êtes diabolisé. C’est mon sentiment à 100 %. On se demande pourquoi, dans ces conditions, l’élu RN serait prêt à « revenir » dans une telle maison. « Parce qu’il faut remettre le Parlement au service du citoyen et défendre ses intérêts », rétorque-t-il.

« On voit très bien que l’ambiance, entre le début et la fin du mandat, a changé, parce que les idées que nous défendons ont progressé »

Thierry Mariani exprime néanmoins quelques points positifs. “Je suis satisfait du Green deal”, “à la fin du mandat, il y avait une sorte de panique à bord et on a annulé les normes du Green deal, dans un désastre, des mesures qui pénalisaient les agriculteurs”. Il poursuit : « On voit très bien que l’ambiance, entre le début et la fin du mandat, a changé. Parce que les idées que nous défendons ont progressé, parce que l’actualité nous donne raison sur tous les sujets. Bien évidemment, même nos adversaires sont contraints de modifier leurs positions. Quand je vois les amis de François-Xavier Bellamy qui avaient voté des résolutions contre l’agriculture, et qui aujourd’hui changent de ton… Ça fait plaisir », reconnaît l’ancien secrétaire d’État de Nicolas Sarkozy.

L’eurodéputé constate que « les votes au Parlement se font avec une très faible marge, 30 à 40 voix d’écart sur les grands textes, sur 705 députés. Si nous avançons et que d’autres reculent, nous pouvons changer les choses. L’enjeu est de mettre ce Parlement au service des Européens et non au service d’une idéologie qui va à l’encontre des Nations”, espère l’élu d’extrême droite, qui “maintient le droit de veto, ou plutôt la règle de l’unanimité”. , l’alpha et l’oméga. Car cela signifie que les Français, comme les autres, auront la main sur leur destin. Supprimer le droit de veto, c’est la fin de toute souveraineté nationale.» Pour Thierry Mariani, “le vrai débat est de savoir si l’ensemble est fédéral ou non, ceux qui veulent vider les Nations et ceux qui veulent les conserver avec un pouvoir réel”. Et d’ajouter :

“Je considère les derniers votes sur les agriculteurs comme un succès auquel nous avons participé”, ajoute l’eurodéputé RN, qui tire cette conclusion : “Nous gagnons progressivement la partie parce que les Français se rendent compte que les résultats d’Emmanuel Macron, comme Ursula von der Leyen, sont catastrophiques.

« Nous sommes totalement naïfs face à la Russie »

Connu pour sa proximité avec la Russie, régulièrement accusée d’être un canal des intérêts de Moscou en France, Thierry Mariani maintient toujours sa ligne. « Les choix de sanctions européennes contre la Russie sont des choix ruineux, que notre industrie paiera dans des décennies », affirme l’eurodéputé, « nous avons choisi de nous priver du gaz russe, qui était une source d’énergie à faible coût. Mais les Etats-Unis n’ont jamais décidé de se priver de l’uranium enrichi russe qui leur permet d’avoir de l’uranium à bas prix”, “la France aussi”, reconnaît-il, “mais c’est moins vital”.

Pour l’élu RN, « nous sommes totalement naïfs. Nous avons adopté un catalogue de sanctions qui appauvrissent l’Europe.» La solution était-elle de ne rien faire face à l’invasion russe ? « Bien sûr, l’Europe devait réagir. Mais les sanctions n’ont jamais fonctionné nulle part. Il faut mener une action diplomatique qui n’a jamais existé”, répond Thierry Mariani.

« Proportionnellement, ce sont les LR qui sont plus absents que le RN »

La diplomatie, Thierry Mariani en a sa propre conception. En 2021, le Parlement européen lui a interdit, ainsi que quatre autres députés RN, d’effectuer des missions d’observation électorale à l’étranger pour le compte du Parlement, à la suite de déplacements jugés complaisants sur la tenue des élections en Crimée, territoire illégalement annexé par la Russie, et au Kazakhstan. Le Parlement n’y a envoyé aucun de ses représentants pour des raisons diplomatiques. « Cela ne change pas grand-chose, car nous ne sommes quasiment jamais invités aux missions d’observation », rétorque Thierry Mariani. « Le paradoxe, c’est que je suis banni d’une mission suite à un déplacement que le Parlement m’a remboursé », s’étonne au passage l’eurodéputé, pour qui « c’est une sanction politique ».

La principale attaque qui revient régulièrement contre les députés européens RN est le manque d’assiduité, du moins pour certains d’entre eux. “Ce n’est pas vrai. Allez au classement, il n’y en a pas chez nous», souligne Thierry Mariani, noté 13/20 par le site Projet Arcadie, tandis que Jordan Bardella est à 11/20. L’élu RN constate que les députés LR « Nadine Morano et Brice Hortefeux », reconduits sur la liste Bellamy, sont plus mal classés, avec un mauvais 2/20 pour l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy. « Proportionnellement, ce sont les LR qui sont les plus absents », soutient Thierry Mariani. Reste que l’eurodéputé RN Jean-François Jalkh affiche « un taux de participation aux élections publiques de 2024 de 0% », constate le site, tout comme Gilbert Collard. L’ancien député européen RN est certainement parti avec ses valises pour la Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, à l’occasion de la scission du Rassemblement national, lors de la dernière présidentielle. Si les partis changent, certains députés d’extrême droite partagent encore une certaine distance par rapport au Parlement européen…