Au Tadjikistan, la difficile quête de la sécurité alimentaire

Un immense portrait du président du Tadjikistan, Emomali Rakhmon, une abondance de fruits et légumes à ses côtés, le tout barré d’un slogan “Assurons la sécurité alimentaire !” : l’objectif pourrait bien être affiché aux quatre coins du Tadjikistan, il est loin d’être atteint dans ce pays d’Asie centrale particulièrement vulnérable au changement climatique.

A travers les villes et villages de cet Etat rural frontalier de la Chine et de l’Afghanistan, le leader Rakhmon apparaît partout sur des affiches tout sourire, tenant d’immenses grappes de raisin, rompant le pain, vérifiant la cuisson d’un plat national, ou encore au milieu d’un champ de blé.

Mais la question de la sécurité alimentaire est tout sauf anecdotique : elle a été récemment élevée au rang d’« objectif stratégique national » au Tadjikistan, où la faible productivité agricole couplée aux aléas climatiques menacent les quelque dix millions d’habitants.

Malgré les progrès, un tiers de la population souffre encore de sous-alimentation – un record en Asie centrale – et la moitié de la nourriture est importée, selon le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, qui souligne que « la sécurité alimentaire du pays est au plus bas ». à la merci des fluctuations brutales des prix.

Ainsi M. Rakhmon, au pouvoir depuis 1992, insiste : « Chaque famille doit disposer de réserves alimentaires jusqu’à deux ans ».

– Stop au gaspillage –

Ce que les Tadjiks interrogés par l’AFP à Douchanbé, la capitale, tentent de faire, tant bien que mal.

“À la maison, nous avons trois sacs de farine, de pommes de terre, d’oignons, de beurre, cela suffira pour l’hiver”, explique Zarif Gaforov, plombier. « Mais je ne peux pas faire de réserves avant deux ans, il n’y a rien à stocker, tout se gâterait », avoue le sexagénaire.

Mavtchouda Obedova, rencontrée dans un supermarché, a déclaré qu’elle “essayait de s’approvisionner en eau, en farine et en céréales comme conseillé par le président”.

Mais l’épargne reste impossible pour la majorité des Tadjiks, avec un salaire mensuel moyen inférieur à 200 euros, le plus bas des ex-républiques soviétiques.

« Nous achetons de la nourriture au jour le jour. Si on gagnait plus d’argent, on ferait des provisions», résume Mavzouna Tchakalova, une infirmière d’une trentaine d’années, alors qu’environ 60 % du budget du ménage est utilisé. pour se nourrir, trois fois plus qu’en France.

Et attention au gaspillage, interdit par la loi : en mars, un fonctionnaire a été arrêté à Penjikent (ouest) pour avoir « organisé une fête avec une centaine d’invités » où « plusieurs plats étaient préparés ».

Le président a même invoqué le Coran pour récriminer les gaspilleurs, qui « entravent l’élévation du niveau de vie de la population ».

– Des montagnes de fruits –

Dans sa lutte contre l’insécurité alimentaire, le Tadjikistan a le malheur d’être, de tous les pays d’Asie centrale, le plus touché par les catastrophes naturelles.

Une tendance aggravée par le changement climatique : glissements de terrain détruisant les terres arables, fonte des glaciers entraînant une sécheresse qui accélère elle-même l’érosion des sols…

“Les appels du président à s’approvisionner en nourriture, comme du blé ou des conserves, dans un contexte de changement climatique, sont importants”, insiste auprès de l’AFP Bakhodour Rakhmonalizoda, responsable du Comité tadjik pour la sécurité alimentaire.

« Au Tadjikistan, environ 70 % de la population vit dans des zones rurales où l’accès à l’alimentation peut être compliqué en cas de catastrophe naturelle », poursuit M. Rakhmonalizoda.

C’est pourquoi l’État stocke des réserves, dans des quantités et dans des lieux tenus secrets à travers le pays, indique-t-il.

Et pour ne rien arranger, l’agriculture – qui représente encore environ 23 % du PIB et emploie 60 % de la population tadjike – reste largement improductive, selon les organisations internationales.

“Nous devons travailler plus dur, utiliser efficacement la terre et l’eau, produire le plus de produits possible”, a insisté fin mai M. Rakhmon, exhortant les agriculteurs à “contribuer plus que jamais à protéger la sécurité alimentaire du pays”.

Cela ne l’empêche pas d’afficher une abondance de nourriture, notamment lors des fêtes nationales ou des visites de dirigeants étrangers, accueillie par des montagnes de pommes de plusieurs mètres de haut, et des parterres de raisins, de pastèques ou de melons élégamment disposés.

Le président russe Vladimir Poutine a été particulièrement gâté pour son 70e anniversaire en 2022, avec six camions de fruits distribués.

bk/cat/ia

Anna

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