Avant Michel Barnier, voici les déclarations de politique générale qui ont marqué

Parlez pendant une heure devant une Assemblée de 577 députés. C’est le funambule qui attend Michel Barnier, qui prononcera sa déclaration de politique générale ce 1er octobre à 15 heures. Presque tous les Premiers ministres ont suivi cette tradition de la Ve République depuis sa naissance en 1958.

L’objectif est de présenter aux députés le futur programme du gouvernement. Parmi les 26 Premiers ministres français qui en ont prononcé une, certaines déclarations de politique générale sont restées plus mémorables que d’autres. Petite anthologie.

Sous Charles De Gaulle, Michel Debré fut le premier Premier ministre de la Ve République. Il participe à la rédaction de la toute nouvelle constitution et inaugure la première déclaration de politique générale le 15 janvier 1959.

Mais il est déjà gêné par une majorité relative. Parmi ses thèmes majeurs, Michel Debré évoque la force internationale de l’alliance atlantique et, en grand défenseur de l’Algérie française, définit l’avenir de ce territoire comme une « priorité absolue » pour le gouvernement.

« Montrons-leur le Sahara, ce désert où le coq gaulois a longtemps vainement réchauffé ses ergots », dit-il pour défendre le modèle de l’Algérie française contre ses détracteurs.

Trois ans plus tard, comme la plupart des forces politiques, il devient favorable à son autonomie et appelle à voter pour l’indépendance de l’Algérie.

« Je rêve d’un pays… » : ainsi se termine le discours de Michel Rocard du 29 juin 1988. Le Premier ministre socialiste de François Mitterrand reprend les paroles du pasteur Martin Luther King prononcées en 1963 devant le Lincoln Memorial. Désireux d’initier une nouvelle politique, son discours est très axé sur la tolérance, la solidarité et la lutte contre la pauvreté.

“Je rêve d’un pays où l’on se parle à nouveau. Je rêve de villes où les tensions sont moindres. Je rêve d’une politique où l’on fait attention à ce qui est dit, plutôt qu’à qui on le dit. Je rêve simplement d’un pays ambitieux où tous les habitants retrouvent le sens du dialogue – pourquoi pas de la fête – et de la liberté.”

Michel Rocard fait partie de la poignée de ministres qui, à la fin de son discours, ne se sont pas soumis à un vote de confiance, comme le veut la tradition. Un vote dont Michel Barnier se passera également après son discours du 1er octobre.

Trente ans avant qu’Elisabeth Borne ne lui succède, Edith Cresson devient la première femme à occuper Matignon. Le 22 mai 1991, au perchoir de l’Assemblée nationale, elle fait face à une Assemblée à la fois houleuse et moqueuse, notamment à cause de sa voix haut perchée.

Dès ses premières phrases, l’ancienne maire de Châtellerault tente de s’imposer et affirme vouloir “faire réussir la France dans l’Europe de 1993 et ​​dans le monde de l’an 2000”. Mais même son président François Mitterrand, dont elle est pourtant une fervente défenseure, lui reproche un discours truffé de « notes énarques ». Pourtant, dès l’aube des années 1990, elle soulève la question environnementale « vitale » (effet de serre, couche d’ozone…) et souhaite transformer en profondeur le monde du travail.

« Avant tout gaspillage social et humain : le chômage explique une grande partie des maux de notre société. C’est la première cause des inégalités. (…) Je fais du changement du travail une priorité de ma politique. (C’est) un instrument puissant contre le chômage. »

Le discours marque malheureusement les esprits par la misogynie qui émane des bancs de l’Assemblée. Édith Cresson conservera son poste pendant 10 mois, après une gouvernance ponctuée de critiques et de bavures.

1992 : Pierre Bérégovoy déclare « la guerre à la corruption »

Un an plus tard, le successeur d’Édith Cresson choque : le 8 avril 1992, sous la présidence de François Mitterrand, Pierre Bérégovoy identifie les trois « fléaux » de la société française : l’insécurité, le chômage et la corruption.

« J’ai l’intention de vider l’abcès de la corruption. J’ai demandé au ministre de la Justice d’allumer le feu de la justice et du châtiment des coupables. (…) S’il y a des dossiers qui traînent, croyez-moi, ils ne traîneront plus (…) J’ai ici une liste de personnalités dont je pourrais éventuellement vous parler.

Ironiquement, Pierre Bérégovoy a finalement été visé par des soupçons de corruption et de prêts à taux zéro dont il aurait bénéficié. Il se suicide en mai 1993, un mois après avoir quitté Matignon.

2023 : “Vous cassez, vous réparez, vous salissez, vous nettoyez, vous défiez l’autorité, on vous apprend à la respecter”, assène Gabriel Attal

Plus jeune Premier ministre de la Ve République, Gabriel Attal ne mâche pas ses mots ce 30 janvier 2024. Celui qui dit avoir fait de l’Éducation l’une de ses priorités, après avoir dirigé le ministère pendant cinq mois sous Emmanuel Macron, a pris la délinquance comme une cible. Il évoque la mise en place d’une mesure d’intérêt éducatif, l’équivalent d’un travail d’intérêt général pour les mineurs de moins de 16 ans.

« Dès le plus jeune âge, il faut revenir à un principe simple : ‘tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, tu apprends à la respecter’ ».

D’autres discours de politique générale ont laissé des traces ; celle du gaulliste Jacques Chaban-Delmas, qui cherchait à créer « une société nouvelle, prospère, jeune, généreuse et libérée » au lendemain des événements de Mai 68.

Certains faisaient sourire, comme le surprenant « Notre route est droite, mais la pente est raide » de Jean-Pierre Raffarin en 2002. D’autres, enfin, semblaient interminables ; celle du Premier ministre Jean-Marc Ayrault a duré 1 heure 40 minutes en 2012.

Ce mardi, c’est à Michel Barnier, le doyen des Premiers ministres de la Ve République, de convaincre son auditoire pendant une heure. La règle est qu’au même moment, le même discours est lu depuis la tribune du Sénat par un autre ministre du gouvernement ; ici Didier Migaud, ministre de la Justice.

Anna

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