« Beaucoup de ces réformes rapprocheraient l’économie européenne du niveau de l’économie américaine. »

LLa productivité est peut-être ce qui se rapproche le plus de la panacée économique. Elle permet aux économies de produire davantage à partir des mêmes intrants. Elle améliore le niveau de vie et réduit les déficits budgétaires. Elle permet aux pays de mieux lutter contre le changement climatique et d’assurer leur sécurité nationale. Malheureusement, l’Europe est actuellement bien moins productive qu’elle ne devrait l’être – et elle prend encore plus de retard sur les États-Unis. Mario Draghi vient de proposer un plan à la fois vaste et ambitieux, mais pragmatique et tout à fait réalisable, pour résoudre ce problème et combler l’écart avec les États-Unis tout en accélérant la transition écologique et en renforçant la sécurité nationale. L’Europe, et le monde dans son ensemble, se porteraient mieux si ses propositions étaient prises au sérieux.

Entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin des années 1990, les niveaux de productivité européens ont eu tendance à converger vers ceux des États-Unis. Cela s’est traduit par une amélioration rapide du niveau de vie tout en permettant l’extension de politiques d’inclusion sociale qui ont assuré un large partage des bénéfices de cette hausse de productivité. Mais l’arrivée d’Internet a coïncidé avec une poussée de la productivité américaine qui n’a pas été égalée en Europe. L’écart n’a fait que se creuser. Depuis 2019, la productivité, soit le rendement moyen d’un travailleur en une heure de travail, a augmenté à un rythme annuel de 1,6 % aux États-Unis contre 0,5 % dans l’Union européenne (UE).

L’une des principales sources de productivité est la taille de l’économie, dont bénéficient tant les États-Unis que la Chine. Cela explique pourquoi les deux pays ont vu l’émergence de plateformes numériques gigantesques qui nécessitent un grand nombre d’utilisateurs pour interagir les uns avec les autres. Ou pourquoi les États-Unis ont pu devenir un leader mondial de l’intelligence artificielle (IA), qui nécessite également une échelle considérable en termes de données et de traitement. Et pourquoi la Chine a réussi à réduire considérablement le coût de production des panneaux solaires et des batteries ainsi que des véhicules électriques – qu’elle produit désormais à grande échelle.

Fragmentation européenne

L’Europe n’a pas été en mesure d’égaler ou de surpasser ces performances en raison de la fragmentation de ses marchés et de ses institutions qui limitent son envergure. L’UE garantit en effet la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux. Mais dans de nombreux cas, y compris dans certains des domaines les plus critiques pour la croissance de la productivité, les frontières nationales n’ont pas complètement disparu et freinent les progrès. L’économie numérique, les télécommunications, l’énergie, la banque, les bourses, les entreprises de défense et d’autres secteurs fonctionnent selon des règles différentes, avec des acheteurs différents et des régulateurs différents. Cela complique l’émergence de plateformes numériques européennes viables, augmente le coût du financement des entreprises, entrave l’apport efficace de capital-risque aux start-ups innovantes, augmente le prix de l’énergie et affaiblit la défense nationale.

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