Categories: Actualités locales

« Big Little Women », le combat des femmes égyptiennes contre le patriarcat


ALe Festival International du Film de la Diaspora Africaine (FIFDA)*, du 6 au 8 septembre à Paris, proposera pour la première fois en France le film documentaire de la réalisatrice Nadia Fares. Sous le fil conducteur d’un hommage à son père égyptien, la réalisatrice entremêle histoire personnelle et chronique de la condition féminine en Egypte et en Suisse.

Nadia Fares a un père égyptien. Il est venu en Suisse pour terminer ses études et a rencontré sa mère, issue de la bourgeoisie. À la fin des années 1950 et au début des années 1960, un mariage mixte a été très mal perçu. Son grand-père suisse a œuvré dans l’ombre pour le faire expulser… Elle grandira sans lui. Ce film, tout en rendant hommage à son père, décédé en 2014, s’intéresse au patriarcat et à ses conséquences, au poids de la tradition avec un effet miroir entre l’Orient et l’Occident.

« Le thème du film est la manière dont le patriarcat affecte les femmes, mais d’un autre côté, je voulais aussi porter un regard humoristique sur le patriarcat à travers mon père, qui est un patriarche cool. Je me suis inspirée de l’histoire personnelle de mes parents. Mon père a également été victime d’un patriarche suisse. J’ai donc pu combiner un hommage à mon père et le combat des femmes contre le patriarcat sans que cela devienne artificiel », explique Nadia Fares.

La réalisatrice suit trois générations de femmes qui défient les normes patriarcales en Égypte et en Suisse. Elle remonte le temps, alors que les Égyptiennes votent depuis 1956, les Suissesses devront attendre 1971. Surprenant, n’est-ce pas ? Un discours du président égyptien Nasser rappelle avec humour aux Frères musulmans qu’il n’a aucune intention de s’aliéner les 10 millions de femmes du pays en rendant le voile obligatoire, alors que les Frères musulmans qui lui ont demandé de prendre cette mesure n’ont pas réussi à l’imposer à sa propre fille. Hélas, les ambitions laïques de la politique de Nasser ont été vite oubliées. Sadate promeut une politique conservatrice qui régresse le statut des femmes, à l’image de ses successeurs.

Les figures des gardiens

Les années Nasser sont celles de la jeunesse de Nawal El Saadawi (1931-2021), psychiatre, grande figure intellectuelle et féministe des pays arabes. Elle brille dans ce documentaire. Son parcours est entrelacé avec un combat acharné. À travers ses écrits et son militantisme, elle pose les bases théoriques de la lutte contre les contraintes imposées aux femmes par la société égyptienne. Nawal El Saadawi est une intellectuelle militante. Elle paie un prix élevé : la prison et l’exil. « Ce n’était pas facile de la convaincre, avoue la réalisatrice. Je me suis liée d’amitié avec le concierge de son immeuble. Il me disait si elle était là ou en voyage… Chaque fois que j’allais en Égypte, j’allais chez elle, je sonnais à sa porte, j’essayais de lui parler, je laissais une lettre. Cela a duré trois ans. Un jour, vraiment désespérée, je me suis mise à pleurer. Une amie m’a dit pourquoi tu pleures, décroche ton téléphone, appelle-la. Je lui ai répondu : elle ne répond jamais. Ce jour-là, je l’ai appelée, elle a décroché le téléphone, elle m’a dit oui, oui, viens tout de suite, j’ai le temps maintenant. On a discuté pendant deux heures, je lui ai expliqué mon projet, un documentaire sur trois générations de femmes. » Pendant plusieurs mois, Nadia a rencontré Nawal El Saadawi, pour des tournages d’une demi-journée. Des entretiens qui nous ont permis de saisir sa personnalité hors du commun mais aussi d’explorer le thème du patriarcat et ses conséquences sur les femmes et la société.

Tout au long du film, la caméra suit trois jeunes femmes. Nouran, Noha et Amina sillonnent le Caire à vélo. Elles partagent un féminisme léger, pragmatique et efficace. Elles commencent par esquiver le « projet de carrière matrimoniale » fortement suggéré par leur famille et la société. Elles rêvent d’être libres et indépendantes. Elles vivent leur féminisme à vélo, pour distribuer des repas aux plus démunis et en profitent pour engager la discussion avec les femmes des quartiers pauvres. Rien qu’en arrivant à vélo, elles provoquent des commentaires, pas toujours amicaux, de la part des hommes. Le vélo n’est pas un moyen de transport honorable pour une femme… dont la place reste au foyer. Les discussions s’engagent sur le voile, le respect des hommes. Alors si l’on se demande ce qu’il reste de cette révolte lancée par les femmes, de la place Tahrir en 2011, du printemps arabe, ces jeunes femmes apportent leurs réponses. La cinéaste filme leurs questions, les débats au sein de leur famille et leur volonté de faire évoluer les mentalités. « Avant, on ne voyait jamais une femme à vélo », raconte Nadia Fares.

Transmission

Une séquence du documentaire montre une discussion entre Nawal El Saadawi et ces trois jeunes femmes. « Il était important de montrer comment les valeurs portées par les femmes se transmettent d’une génération à l’autre. De ma grand-mère suisse à ma mère, de ma mère à moi, de Nawal El Saadawi à la jeune génération », explique la réalisatrice. Grâce aux exemples transmis, par le combat de Nawal, le témoignage de Nadia, la nouvelle génération de jeunes Cairotes pense qu’elle peut changer beaucoup de choses.

Le film se termine par une séquence de pole dance, comme un pied de nez aux corsets traditionalistes de la société égyptienne. Nouran évolue dans les airs, réalisant d’incroyables figures acrobatiques, avec le Nil et la ville du Caire en arrière-plan. « C’était une manière de montrer que nous continuons à nous battre pour la liberté, à décider de notre vie et à prendre notre courage à deux mains. La pole dance est considérée comme un sport, mais aussi une expression de liberté par la jeune génération », conclut Nadia Fares.

Le 14èmeet Le Festival international du film de la diaspora africaine aura lieu du 6 au 8 septembre 2024 dans les cinémas CGR Lilas et Saint-André des Arts à Paris. Pour plus d’informations sur les films, les horaires et les billets : www.FIFDA.org

Anna

À chaque coup de stylo, créez des histoires captivantes. Découvrez des vérités cachées à la fois. 📝 🔍

Recent Posts

Brocéliande – S01 E05 – TF1+

Brocéliande - S01 E05TF1+Brocéliande - S01 E03TF1+Brocéliande : « Si on ne l'avait pas arrêtée, Armelle aurait continué à tuer…

2 minutes ago

une assistante familiale inculpée pour viol sur une fille handicapée

Cest une histoire particulièrement sordide qui soulèvera forcément autant de questions sur la fiabilité des filtres mis en place par…

3 minutes ago

Coupe de France. Les Girondins éliminés sur tapis vert ?

Le banc des Girondins de Bordeaux dimanche à Puymoyen. (Photo Régis Hazenfus)Deuxième gardien des Girondins de Bordeaux, Over Mandanda est…

13 minutes ago

“Il nous a rendu heureux”, se réjouit Sarah Knafo

Invité lundi soir de CNews, le député européen (Reconquête) juge que si le ministre de l'Intérieur "n'a pas encore bougé…

14 minutes ago

Près de 79 000 détenus, un nouveau record pour la France

SATURATION – Les prisons françaises comptent 78 969 détenus, un nouveau record. La capacité atteint 127,3%, voire 200% dans certains…

23 minutes ago

Bruno Mauduit (anciennement de Renault Sport), sur l’arrêt du programme moteur F1 d’Alpine : “C’est dramatique et triste”

Bruno Mauduit (responsable du développement et de l'exploitation Grand Prix des moteurs Renault F1 entre 1981 et 1999) : «Je…

24 minutes ago