Boeing fait face à une grève paralysante dans les usines de fabrication de 737 et 777

Boeing, en proie à des difficultés depuis des mois, risque d’être confronté à une grève à partir de vendredi qui gèlerait la production de son avion phare, le 737, et du jumbo jet 777 si les 33 000 membres du syndicat de la région de Seattle rejettent le projet de nouvelle convention collective.

Un accord préliminaire a été annoncé le 8 septembre, fruit de plusieurs mois de négociations entre la direction du géant aéronautique et la section locale du syndicat des machinistes (IAM).

Cette nouvelle entente, qui doit remplacer celle en vigueur depuis seize ans, prévoit une augmentation salariale de 25 % sur quatre ans ainsi qu’un engagement d’investissement dans la région.

Et notamment, la construction du prochain avion dans le berceau historique de l’avionneur qui assurerait des emplois pour plusieurs décennies.

Boeing espérait que ces concessions suffiraient à écarter tout risque de grève, alors que sa situation financière est précaire depuis le crash de deux 737 MAX 8 en 2018 et 2019 (346 morts) et une multitude de problèmes de qualité de production.

Mais la réaction des membres de l’IAM a refroidi ces espoirs. Un message publié dimanche sur la page Facebook du syndicat annonçant l’accord préliminaire a reçu des centaines de commentaires, dont beaucoup étaient négatifs et appelaient à la grève. Il a depuis été supprimé.

Les télévisions montrent des rassemblements quotidiens de travailleurs dans les usines, pour protester contre les mesures salariales qu’ils jugent insuffisantes face à l’inflation.

« Nous avons obtenu tout ce que nous pouvions obtenir », a assuré aux membres Jon Holden, président de l’IAM-District 751.

« Nous recommandons la ratification car nous ne pouvons pas garantir que nous obtiendrons davantage en faisant grève », a-t-il déclaré.

Les mécontents estiment que l’augmentation salariale est trop éloignée des revendications du syndicat (+40% initialement) et que le volet retraites est insatisfaisant.

En savoir plus

Dans une interview au Seattle Times publiée lundi soir, M. Holden a déclaré : « Je pense que… nos membres soutiendront la grève. »

– Rejet –

Le site Internet spécialisé dans l’aviation Leeham News a qualifié l’accord de « difficile à vendre ».

Elle “marque des progrès sur les dossiers prioritaires des adhérents mais reste loin des objectifs fixés en amont par le syndicat dans la plupart d’entre eux”, a-t-il noté, anticipant un rejet.

Mais il reste incertain si l’on parviendra à atteindre les deux tiers nécessaires pour déclencher un arrêt de travail lorsque l’accord expirera jeudi à minuit.

Toutefois, si une majorité simple rejette la convention collective mais que le seuil des deux tiers n’est pas atteint pour faire grève, elle sera ratifiée « par défaut », selon le règlement du syndicat.

Stephanie Pope, présidente de Boeing Commercial Aviation (BCA), a également pris la défense du projet de loi, affirmant qu’il prévoyait la plus importante augmentation de salaire jamais accordée, malgré la dette de l’avionneur de quelque 60 milliards de dollars.

«Nous avons tout donné», a-t-elle assuré dans un message aux salariés.

“Ce n’est un secret pour personne que notre entreprise traverse une période difficile, en partie à cause de nos propres erreurs passées. (…) Une grève mettrait en péril notre rétablissement commun”, a déclaré dans un communiqué le nouveau PDG de Boeing, Kelly Ortberg, qui a succédé à Dave Calhoun le 8 août, et s’est engagé à “réinitialiser” la relation avec l’IAM.

Un vent de syndicalisation souffle sur les Etats-Unis, avec notamment des négociations chez Starbucks et des tentatives d’adhésion à des organisations syndicales chez des constructeurs automobiles étrangers présents dans le pays.

Et les trois groupes automobiles historiques – Ford, General Motors, Stellantis – ont subi une grève inédite de six semaines à l’automne 2023. Le géant de la logistique UPS y a échappé in extremis, tout comme le secteur aérien (pilotes, hôtesses/stewards).

« L’équilibre des pouvoirs se déplace en faveur des employés », a déclaré Harry Katz, expert en relations de travail à l’Université Cornell.

Boeing fait l’objet d’une surveillance accrue depuis un incident en vol impliquant un 737 MAX 9 d’Alaska Airlines début janvier.

Après une série de problèmes de conformité et de contrôle de qualité, cette décision a ravivé les interrogations sur les mêmes manquements soulevés après les deux crashs. L’avionneur est sous le feu des projecteurs de la FAA, qui a également suspendu indéfiniment la production du 737.

jmb/elm/ev/jul/ube