Ce que disent les derniers sondages et pourquoi il faut s’en méfier

Ils rythment la vie politique, de ce côté-ci de l’Atlantique comme de l’autre, mais peut-on vraiment leur faire confiance ? A l’approche de l’élection présidentielle américaine, prévue le 5 novembre, les sondages d’intention de vote sont scrutés avec une attention croissante par la presse locale et internationale.

Depuis que le président démocrate sortant Joe Biden s’est désisté au profit de sa vice-présidente Kamala Harris, les études d’opinion montrent en tout cas un changement de tendance impressionnant. Alors que le candidat républicain Donald Trump était presque systématiquement donné en tête face à Biden, la plupart des sondages nationaux le positionnent désormais derrière Kamala Harris.

Alors qu’un débat télévisé crucial entre les deux principaux candidats à la Maison Blanche se profile mardi 10 septembre, l’écart dans les intentions de vote semble plus étroit que jamais. Le site Real Clear Polling, qui croise les données de pas moins de onze instituts de sondage, donne ainsi, au 9 septembre, un très léger avantage à Kamala Harris (48,4% des intentions de vote, contre 47,2% pour Donald Trump).

Selon 270 To Win, qui compile les chiffres de huit sondeurs différents, l’écart est à peu près le même, le site classant Kamala Harris à 47,8 % et Donald Trump à 46,5 %. Une troisième source, le site Race to the WH, propose un indicateur mis à jour en temps réel en fonction des 30 derniers sondages réalisés aux États-Unis. Le 10 septembre au matin, cet agrégateur annonçait 48,7 % d’intentions de vote pour Kamala Harris et 46 % pour Donald Trump.

L’évolution de ces indicateurs, alimentés chaque jour par de nouveaux sondages, renseigne sur l’évolution des tendances générales au sein de l’électorat américain. Il serait toutefois risqué de les considérer comme des prédictions fiables de l’issue de l’élection à venir. L’histoire récente aux États-Unis a en effet montré que les prévisions des instituts de sondage sont souvent contredites dans les urnes.

Les deux dernières élections présidentielles ont été marquées par des échecs spectaculaires en la matière. En 2016, toutes les études donnaient Hillary Clinton vainqueur face à Donald Trump, à tel point que quelques jours avant l’élection, le New York Times estimait que la candidate démocrate avait 85 % de chances de devenir présidente. Elle a finalement perdu face au candidat républicain.

Alors que l’élection présidentielle de 2020 était censée leur permettre de regagner en crédibilité, les instituts de sondage ont une nouvelle fois complètement raté leurs prévisions. Tout au long de la campagne, le candidat démocrate Joe Biden avait bénéficié d’une confortable avance d’environ 8 points. Il l’a finalement emporté de très peu et le journaliste de The Atlantic, David Graham, cité par Ouest France, a parlé d’un “désastre pour l’industrie des sondages”.

La situation n’est pas nouvelle : depuis plusieurs décennies, les enquêtes préliminaires sur les intentions de vote aux élections présidentielles sont souvent assez éloignées des résultats des urnes. Comme le souligne France Culture, l’institut Gallup, qui est le plus ancien et le plus prestigieux institut de sondage américain, a décidé en 2012 de ne plus réaliser de sondages politiques « à l’échelle nationale ».

Le manque de fiabilité des sondages nationaux aux États-Unis est sans doute lié au mode de scrutin très spécifique de l’élection présidentielle américaine. Il ne s’agit pas d’un suffrage universel direct comme en France, où est automatiquement élu celui qui recueille le plus de voix, mais d’un suffrage indirect. Dans chacun des 50 États, les électeurs votent en effet pour un collège d’électeurs, affilié à l’un ou l’autre des deux principaux partis.

À l’issue des élections, lorsqu’un parti arrive en tête dans un État, il remporte automatiquement tous les grands électeurs de cet État (sauf dans le Maine et le Nebraska, qui appliquent la représentation proportionnelle). Les grands électeurs ainsi mandatés sont alors chargés de voter pour le candidat arrivé en tête dans leur État, dans le cadre du collège électoral, qui comprend un total de 538 grands électeurs. Une majorité absolue (270 voix) est alors requise pour être élu président des États-Unis.

Ainsi, dans le système américain, il est tout à fait possible d’être élu président avec moins de voix que son adversaire. C’est ce qui est arrivé par exemple à Hillary Clinton, qui avait recueilli près de trois millions de voix de plus que Donald Trump, mais avait obtenu bien moins de grands électeurs (227 contre 304). Le même scénario s’était déjà produit en 2000 : alors qu’il avait 500 000 voix de moins que son adversaire démocrate Al Gore, George W. Bush avait tout de même remporté l’élection d’un cheveu (271 grands électeurs, contre 266 pour Gore).

Ce mode de scrutin accorde donc une importance disproportionnée à certains États où la répartition historique des voix entre républicains et démocrates est équilibrée et qui peuvent donc chacun faire basculer un contingent plus ou moins important d’électeurs d’un côté ou de l’autre. Ces États pivots, appelés outre-Atlantique « swing states », varient d’une élection à l’autre, en fonction de l’évolution de la situation politique, mais aussi de leur démographie électorale.

Selon le cabinet Redfield & Wilton Strategies, ces « swing states » sont au nombre de dix pour l’élection présidentielle de 2024 : l’Arizona, la Caroline du Nord, la Floride, la Géorgie, le Michigan, le Minnesota, le Nevada, le Nouveau-Mexique, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Ces dix États représentent au total 138 grands électeurs, soit environ un quart du collège électoral !

VIDÉO – Présidentielle américaine : la bataille des « Swing States »

Leur importance est donc cruciale et scruter l’évolution des sondages dans ces « swing states » est sans doute un indicateur relativement pertinent pour anticiper ce qui pourrait se passer le 5 novembre. Pourtant, comme le rapporte L’Express, les derniers sondages en provenance de ces États montrent les deux candidats au coude à coude !

L’hebdomadaire évoque ainsi une étude du Siena College pour le New York Times, donnant à Kamala Harris une légère avance dans “le Wisconsin (50 à 47), le Michigan (49/47) et la Pennsylvanie (49/48)”. Dans quatre autres Etats (Arizona, Caroline du Nord, Géorgie et Nevada), les deux candidates seraient parfaitement à égalité (48/48).

Un autre sondage cité par L’Express, et réalisé par YouGov pour CBS News, indique que le candidat démocrate devance légèrement Donald Trump dans le Michigan (50/49) et le Wisconsin (51/49). Selon la même étude, les deux candidats seraient à égalité en Pennsylvanie (50/50).

Compte tenu de la marge d’erreur inhérente à ce type de sondage, la faiblesse des écarts observés dans les « swing states » interdit donc de se projeter trop hâtivement sur le résultat du scrutin à venir. A deux mois du scrutin, la seule certitude est que tout reste ouvert et qu’aucun favori clair ne se détache pour devenir le prochain président des Etats-Unis.

Anna

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