À partir des dérives observées au sein du groupe People & Baby, considéré comme le mouton noir du secteur de la petite enfance, le journaliste Victor Castanet met en lumière, dans sa nouvelle enquête « Les Ogres », les dérives d’un système irrigué par l’argent public. Nous en publions quelques extraits.
Un « scélérat » de 2 ans
(…) L’histoire commence (…) en été 2018. (…) En naviguant sur Internet, Zohra* a trouvé une crèche privée située à quelques centaines de mètres de leur future maison à Villeneuve-d’Ascq. (Nord).
L’établissement – Baby City – appartient au groupe People & Baby, dont elle ne sait presque rien, si ce n’est qu’il s’agit de l’un des géants du secteur. ” (…) Lorsque vous appelez, vous n’êtes pas mis en relation avec la crèche, mais avec un commercial du siège social, elle m’apprend. Cette vendeuse a alors dit que ça allait être très compliqué, qu’il n’y avait plus de places, que la crèche était pleine. Après avoir soufflé le froid (…)la publicité passe au chaud. « Elle nous demande ce que nous faisons dans la vie avec mon mari Bilal*Zohra continue. Je lui explique que nous sommes médecins libéraux. Et là, elle s’exclame : « J’ai peut-être une solution pour toi ! Je peux te trouver une place si tu prends une crèche d’entreprise. C’est 14 000 euros par an. Mais au final, ça ne te coûtera presque rien. C’est déductible des impôts via le crédit d’impôt famille. »
Le représentant de People & Baby profite d’une zone grise de la réglementation. Normalement, comme son nom l’indique, « berceaux d’affaires » sont financées par des entreprises au profit de leurs salariés. Ces entreprises doivent être soumises à l’impôt sur les sociétés et pourront à terme bénéficier de déductions fiscales approchant les 80% du montant dépensé. Dans ce cas, la situation est toute autre : Bilal n’est pas salarié d’une entreprise mais associé dans un groupe de médecins. Les parents se retrouveront à payer eux-mêmes la part familiale (les heures de présence de l’enfant) et la part entreprise (la réservation du berceau). Plus problématique encore, ils ne pourront pas bénéficier légalement de toutes les déductions fiscales promises par People & Baby.
(…)
Quelques semaines plus tard, la famille (…) s’installe dans le département de la Haute-Borne. (…) Ils en profitent pour discuter avec le réalisateur ; le courant passe tout de suite entre eux. Laurie Renard leur fait comprendre qu’ils ont probablement été dupés. « Elle ne comprend pas pourquoi on nous a obligé à prendre une crèche d’entreprise à 14 000 euros par an, Zohra rapporte, découragée. Elle nous dit : « Mais vous auriez dû m’appeler. Je vous aurais pris directement. La crèche redémarre. Elle est presque vide. Nous n’avons personne en ce moment. » (…) En discutant avec l’équipe, Zohra apprend que la crèche faisait auparavant partie du réseau 1,2,3 Soleil, avant d’être rachetée, peu avant leur arrivée, par le groupe People & Baby : « Ce n’était pas encore une crèche imprégnée de la mentalité du peuple. »
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