“C’est bien l’envolée impressionnante de la liste de Jordan Bardella qui a conduit Emmanuel Macron à la dissolution”

LLe 9 juin restera à jamais une soirée historique. Pour la première fois dans la vie politique française, les résultats d’un vote intermédiaire conduisent à une dissolution de l’Assemblée nationale. Le matin des élections européennes, la répartition du pouvoir gouvernemental n’était pas à l’ordre du jour ; le peuple français et les citoyens de l’Union étaient « seulement » convoqués pour désigner leur représentation au Parlement européen. À peine une heure après la fermeture des bureaux de vote, alors que les opérations de dépouillement n’étaient pas encore terminées, l’annonce solennelle d’une dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron a sonné comme un coup de tonnerre. Lors des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, le siège du premier ministre sera officiellement en jeu.

S’il est une régularité dans l’histoire des élections européennes en France, c’est le déclin de la majorité gouvernementale : depuis 1979, toutes les listes soutenues par le pouvoir en place ont obtenu de moins bons résultats aux élections européennes qu’aux dernières élections nationales de référence. De ce point de vue, la liste conduite par Valérie Hayer n’a pas connu un destin extraordinaire. Avec 14,6 % des voix, elle se situe en effet à un niveau inférieur aux 27,8 % d’Emmanuel Macron lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2022. L’ampleur de ce déclin n’est pas exceptionnelle : des pertes similaires avaient touché les listes du Parti socialiste en 2014 par rapport au score de François Hollande en 2012.

Dans l’histoire des élections européennes, les revers de la majorité gouvernementale n’ont pas toujours conduit à une défaite électorale : à quatre reprises en 1979, 1994, 1999 et 2009, la liste du pouvoir gouvernemental est arrivée en tête. Et ces revers n’ont jamais eu de conséquences directes sur le pouvoir en place, y compris en cas de pertes sévères : aucun Premier ministre n’a été démis de ses fonctions suite à une défaite aux élections européennes. En fait, c’est l’impressionnante envolée de la liste menée par Jordan Bardella à 31,4% des suffrages exprimés, soit plus du double du score de la liste Hayer, qui a amené le président de la République à réagir en prononçant la dissolution de l’Assemblée.

Un échec stratégique

La défaite de la liste Hayer n’a pas grand-chose à voir avec les enjeux strictement européens du scrutin : dans la plupart des électorats, et particulièrement dans celui de Bardella, le poids des enjeux nationaux a été déterminant dans le vote. Aux yeux des électeurs, le vote européen ne pose pas de véritable enjeu de pouvoir, ce qui permet de libérer toute la dimension expressive du vote. Or, le dernier baromètre de popularité IFOP, publié dans la seconde quinzaine de mai, indiquait que seulement 31% des personnes interrogées étaient satisfaites de l’action du président de la République. C’est le premier enseignement de cette élection européenne : une puissante dynamique de vote sanction contre Emmanuel Macron s’est exprimée.

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