«C’est la guerre, mon pote», colère et angoisse à Nouméa


DLes rues étaient désertes le matin malgré la levée du couvre-feu nocturne. Au centre de Nouméa, les portails et stores des magasins sont baissés. Une femme s’apprête à quitter sa maison, elle regarde à gauche, elle regarde à droite. Si, pour le moment, les émeutes ont lieu dans l’aire métropolitaine de la capitale calédonienne, l’inquiétude s’est emparée des habitants. Depuis le début des émeutes dans l’archipel français du Pacifique, cinq personnes ont été tuées, dont deux gendarmes.

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Quatre camions blindés de l’armée viennent de passer. Dans chaque camion, une dizaine de militaires. Des hélicoptères survolent la capitale à basse altitude.

Des barricades constituées d’épaves de voitures calcinées et d’objets en plastique ont été érigées dans les quartiers nord et est du Grand Nouméa. Lorsque les policiers ne patrouillent pas sur le terrain, ils se postent devant les bâtiments publics. La majorité des magasins ont été pillés, voire incendiés. Les routes sont détruites.

Les habitants érigent leurs propres barricades pour se protéger

Face aux violences, des petits groupes descendent dans la rue, armés jusqu’aux dents, dans le but de se faire justice eux-mêmes, malgré l’interdiction de porter des armes. Ces milices disent vouloir empêcher les manifestants de se briser, de piller et d’incendier. « C’est la guerre, mon pote », confie un milicien dans un message. Nous avons pris les armes chez moi. Pas le choix. »

Dans le quartier de la Vallée-des-Colons, les habitants utilisent des palettes, des clôtures et d’autres matériaux pour former des barrages. Au détour d’une rue, trois riverains discutent. « Je ne me sens pas particulièrement en sécurité. Je suis dévasté, commence l’un d’eux. Heureusement, l’entraide entre voisins contribue à accroître la sécurité. »

« La situation était connue du citoyen lambda depuis des semaines », assure un autre habitant. Les hommes politiques de tous bords, et je dis bien de tous les bords, ont jeté de l’huile sur le feu. » Elle marque une pause avant de poursuivre, la voix tendue : « On se sent abandonnés et la seule chose positive que je trouve dans cette situation, c’est qu’on crée un vrai peuple calédonien, car il y a une vraie solidarité, toutes ethnies confondues. Ils voulaient nous diviser, et bien, ils ont échoué. »

Dans le quartier, les barricades se succèdent à chaque carrefour. Dès que quelqu’un passe, les habitants sortent la tête par la fenêtre pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’un émeutier.

Des habitants enfermés chez eux

Pendant que certains protègent les rues, d’autres restent confinés, de peur de sortir. C’est le cas de Laura, une jeune femme de 32 ans originaire de Nouméa.  » Je me sens impuissant. Je suis en colère, en colère de voir mon pays se détruire. Je me sens triste parce qu’il y a eu des morts. »

« C’est une situation complètement nouvelle pour moi, je suis perdu. Je me sens complètement impuissante face à l’ampleur que cela a pris », poursuit la jeune femme. Pour se protéger, elle s’est enfermée. « J’avais fait quelques courses avant que tout cela n’arrive, j’ai donc quelques réserves pour les trois prochains jours. Je place des meubles et un frigo devant ma porte d’entrée pour éviter les intrusions et j’en prends soin du mieux que je peux. Je surveille principalement ma famille qui n’habite pas dans le même quartier. »

Laura est une influenceuse. Elle utilise ses réseaux sociaux pour partager les images que lui envoient ses abonnés, tout en rappelant l’importance de bien s’informer auprès de sources fiables. Depuis soixante-douze heures, elle reçoit de nombreuses menaces de mort. «J’ai reçu ‘nous allons venir chez vous… vous chercher… vous violer et vous couper la tête.’ »

A partir de 16 heures à Nouméa, en raison de l’état d’urgence, les rassemblements sont interdits dans la capitale et ses alentours. Le couvre-feu a été prolongé, les Nouméens sont sommés de rester chez eux à partir de 18 heures ce soir jeudi 16 mai jusqu’à 6 heures demain vendredi 17 mai.