« C’est ridicule de faire la guerre »

L’aîné, Florian, 40 ans, se dit « tombé dedans ». Depuis tout petit, il n’aspirait qu’à cela : reprendre l’exploitation familiale à Apprieu (Isère). Contrairement au benjamin, Marc-Alban, 29 ans, qui évitait le travail agricole et avait juré à son père que  » Jamais (il) je ne ferais pas ce travail stupide. « Vous êtes pauvre, vous travaillez tout le temps, pas de vacances, pas de cinéma, pas de restaurant et les gens vous méprisent. » se souvient aujourd’hui de celui qui, au collège, se battait après avoir été traité de « fils d’âne puant. » Lui était plus préoccupé par la disparition des lucanes et des châtaigniers environnants.

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Des années plus tard, c’est avec la même passion que les deux frères Reynaud-Dulaurier parlent de ce métier qu’ils ont tous deux embrassé contre toute attente. Leurs trajectoires, aussi dissemblables que leurs installations, racontent les mutations du monde agricole et les défis considérables auxquels se trouvent confrontés les agriculteurs, quel que soit leur modèle.

Marc-Alban Reynaud-Dulaurier, à Montoison (Drôme), le 13 mai 2024. Marc-Alban Reynaud-Dulaurier, à Montoison (Drôme), le 13 mai 2024.

Premier arrêt à la ferme de Terre, à Montoison, dans la Drôme. C’est ici, dans ce département pionnier du bio en France, que Marc-Alban – qui a d’abord fait des études supérieures pour devenir professeur d’éducation physique – s’est définitivement installé comme maraîcher, il y a deux ans. Il doit sa première prise de conscience environnementale à  » à l’école «  : le documentaire Maisonde Yann Arthus-Bertrand, vu en 3enotamment –  » C’était dur, j’ai paniqué. » Des lectures et plusieurs cours en autodidacte plus tard, il décide de se diversifier. « Avec l’agroécologie, j’avais une solution concrète pour agir, pour que la décroissance soit subie le moins possible »» a-t-il déclaré, également conscient du besoin criant de travailleurs dans le secteur agricole.

« Rendements équivalents »

Des convictions qui animent également ses associés, tous deux reconvertis : Laurent Brondel, 32 ans, résident central et ancien commissaire aux comptes, et Florent Ruiz, 39 ans, ancien chef de projet éolien. Ainsi que Camille Mathon, 31 ans, ouvrière agricole. Avec leurs compétences complémentaires et leur bonne entente, tous les quatre assurent l’équilibre de l’entreprise ainsi que celui de leur vie. Ils travaillent dur, mais pas question de sacrifier leur santé ni de se priver de vacances.

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Ensemble, ils réfléchissent à la meilleure façon de tirer parti des écosystèmes pour restaurer la capacité naturelle de production des sols – le principe du maraîchage sur sol vivant. Les engrais sont biologiques – des crottes de poulet biologiques mélangées à du compost de déchets verts. Autour des parcelles : bandes fleuries, haies, perchoirs. Et à l’intérieur : l’introduction d’insectes pour lutter contre les ravageurs (appelée « lutte biologique intégrée »). « Pas de phyto sauf, si besoin est, un anti-limace »précise Marc-Alban.

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