De retour sur la scène de la Bastille après plus de 20 ans d’absence, le dernier opéra de Jules Massenet, version Damiano Michieletto, est tout en intériorité et souffrance. “Don Quichotte”, un opéra poétique sur un homme solitaire que l’espoir a abandonné.
Publié
Temps de lecture : 2 minutes
Le rideau s’ouvre sur un salon froid et bourgeois. Un homme boit du whisky et froisse avec colère les feuilles avant de les jeter à ses pieds. don QuichotteVersion Damiano Michieletto, donnée jusqu’au 11 juin à l’Opéra Bastille, est un écrivain quinquagénaire confirmé et en mal d’inspiration. Toute intériorité, le personnage est déserté par la flamboyance, la folie. Il s’ennuie et rêve d’amour pour reprendre vie.
Christian Van Horn ne lutte pas contre des moulins à vent mais contre ses propres démons. Le baryton américain incarne un Don Quichotte contemporain déprimé qui noie son malheur dans l’alcool et les barbituriques.
L’équation est insoluble, et donc l’amour entre Don Quichotte et Dulcinée est impossible. Le premier rêve de possession et de mariage, le second de liberté et d’amour. Gaëlle Arquez propulse Dulcinée dans une dimension tragique.
La mezzo-soprano, à la présence scénique impressionnante, incarne sous ses airs de légèreté un personnage profond, une femme sincère et libre. Dulcinée ne veut pas vivre dans un château mais continuer à s’appartenir.
Et si Don Quichotte, avant d’être une histoire d’amour, était un “bromance”, une amitié très forte entre le chevalier exalté et son fidèle écuyer Sancho Panza ? Don Quichotte est seul, solitaire et sans famille. Son amour pour Dulcinée est une tentative désespérée de s’éloigner de lui-même et vers les autres.
Son serviteur Sancho, interprété par un Étienne Dupuis subtil et sardonique, est ce qui le relie au reste de l’humanité. La complicité entre les deux personnages est frappante. Ils ont dépassé la relation hiérarchique entre un maître et son serviteur. Ce sont des amis, des frères, qui ne se cachent rien.
Le trio Christian Van Horn, Gaëlle Arquez et Étienne Dupuis, soutenu par une direction musicale inspirée de Patrick Fournillier, fonctionne à merveille. Le chef d’orchestre a reçu de nombreuses ovations de la part d’un public enthousiaste.
Autre personnage important de cet opéra créé par Jules Massenet en 1910 : le décor. Les découvertes pittoresques sont spectaculaires. Les démons de Don Quichotte traversent les murs, sortent du canapé, du sol… Et les décors embrassent l’état d’esprit de Don Quichotte, de l’abattement à l’exaltation. Les nuances sont traduites sur scène.
LE don Quichotte de Damiano Michieletto est un personnage vulnérable, incurablement humain, fragile dans sa quête d’un absolu illusoire. Par son physique et sa voix, Christian Van Horn accentue ce déséquilibre, ce combat entre la pulsion de mort et le désir de (sur)vivre. Don Quichotte, une œuvre poétique sur un homme dont l’espoir a été abandonné.
Titre : don Quichotte
Genre : comédie héroïque en cinq actes
D’après Jacque Le Lorrain, inspiré du roman de Miguel Cervantes
Durée : 2h25, avec un entracte
Musique : Jules Massenet
Brochure: Henri Caïn
Direction musicale : Patrick Fournillier
Mise en scène: Damiano Michieletto
Décors : Paolo Fantin
Costumes: Agostino Cavalca
Lumières: Alessandro Carletti
Distribution : Gaëlle Arquez, Christian Van Horn, Gàbor Bretz, Etienne Dupuis, Emy Gazeilles, Marine Chagnon, Samy Camps, Nicolas Jones
Lieu : Opéra Bastille, Place de la Bastille, 75012, Paris
Rendez-vous: Jusqu’au 11 juin 2024
De retour sur la scène de la Bastille après plus de 20 ans d’absence, le dernier opéra de Jules Massenet, version Damiano Michieletto, est tout en intériorité et souffrance. “Don Quichotte”, un opéra poétique sur un homme solitaire que l’espoir a abandonné.
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Temps de lecture : 2 minutes
Le rideau s’ouvre sur un salon froid et bourgeois. Un homme boit du whisky et froisse avec colère les feuilles avant de les jeter à ses pieds. don QuichotteVersion Damiano Michieletto, donnée jusqu’au 11 juin à l’Opéra Bastille, est un écrivain quinquagénaire confirmé et en mal d’inspiration. Toute intériorité, le personnage est déserté par la flamboyance, la folie. Il s’ennuie et rêve d’amour pour reprendre vie.
Christian Van Horn ne lutte pas contre des moulins à vent mais contre ses propres démons. Le baryton américain incarne un Don Quichotte contemporain déprimé qui noie son malheur dans l’alcool et les barbituriques.
L’équation est insoluble, et donc l’amour entre Don Quichotte et Dulcinée est impossible. Le premier rêve de possession et de mariage, le second de liberté et d’amour. Gaëlle Arquez propulse Dulcinée dans une dimension tragique.
La mezzo-soprano, à la présence scénique impressionnante, incarne sous ses airs de légèreté un personnage profond, une femme sincère et libre. Dulcinée ne veut pas vivre dans un château mais continuer à s’appartenir.
Et si Don Quichotte, avant d’être une histoire d’amour, était un “bromance”, une amitié très forte entre le chevalier exalté et son fidèle écuyer Sancho Panza ? Don Quichotte est seul, solitaire et sans famille. Son amour pour Dulcinée est une tentative désespérée de s’éloigner de lui-même et vers les autres.
Son serviteur Sancho, interprété par un Étienne Dupuis subtil et sardonique, est ce qui le relie au reste de l’humanité. La complicité entre les deux personnages est frappante. Ils ont dépassé la relation hiérarchique entre un maître et son serviteur. Ce sont des amis, des frères, qui ne se cachent rien.
Le trio Christian Van Horn, Gaëlle Arquez et Étienne Dupuis, soutenu par une direction musicale inspirée de Patrick Fournillier, fonctionne à merveille. Le chef d’orchestre a reçu de nombreuses ovations de la part d’un public enthousiaste.
Autre personnage important de cet opéra créé par Jules Massenet en 1910 : le décor. Les découvertes pittoresques sont spectaculaires. Les démons de Don Quichotte traversent les murs, sortent du canapé, du sol… Et les décors embrassent l’état d’esprit de Don Quichotte, de l’abattement à l’exaltation. Les nuances sont traduites sur scène.
LE don Quichotte de Damiano Michieletto est un personnage vulnérable, incurablement humain, fragile dans sa quête d’un absolu illusoire. Par son physique et sa voix, Christian Van Horn accentue ce déséquilibre, ce combat entre la pulsion de mort et le désir de (sur)vivre. Don Quichotte, une œuvre poétique sur un homme dont l’espoir a été abandonné.
Titre : don Quichotte
Genre : comédie héroïque en cinq actes
D’après Jacque Le Lorrain, inspiré du roman de Miguel Cervantes
Durée : 2h25, avec un entracte
Musique : Jules Massenet
Brochure: Henri Caïn
Direction musicale : Patrick Fournillier
Mise en scène: Damiano Michieletto
Décors : Paolo Fantin
Costumes: Agostino Cavalca
Lumières: Alessandro Carletti
Distribution : Gaëlle Arquez, Christian Van Horn, Gàbor Bretz, Etienne Dupuis, Emy Gazeilles, Marine Chagnon, Samy Camps, Nicolas Jones
Lieu : Opéra Bastille, Place de la Bastille, 75012, Paris
Rendez-vous: Jusqu’au 11 juin 2024