CHRONIQUE. Faut-il aller vers une interdiction du tabac ?

Clément Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et enjeux politiques. Dimanche 21 avril : décision du Parlement britannique de refuser la vente de cigarettes à toutes les personnes nées après le 1er janvier 2009.

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C’est une décision pour le moins radicale : dans l’espace d’un renouvellement générationnel, il ne devrait plus y avoir de fumeurs au Royaume-Uni. Une première mondiale, du moins si l’interdiction est appliquée : la Nouvelle-Zélande a adopté une loi similaire en 2022, mais elle a été abrogée par le gouvernement conservateur en novembre dernier.

Au Royaume-Uni également, la mesure est fortement contestée par certains conservateurs. L’ancien Premier ministre Boris Johnson a par exemple appelé à la mémoire de Winston Churchill, grand amateur de cigares. Le tabagisme fait-il partie intégrante de l’identité britannique ? Il me semble qu’on pourrait au moins en discuter… Liz Truss, elle aussi ancienne Première ministre, a attaqué sous un autre angle : elle a critiqué une décision infantilisante, et fustigé un « État nounou », qui prétend pouvoir s’immiscer dans la vie privée des citoyens.

« Cette décision revient effectivement à limiter une liberté. Mais il ne faut pas oublier que tous les États du monde restreignent les libertés pour protéger les individus contre eux-mêmes.»

Clément Viktorovitch

sur franceinfo

Que ce soit en France ou en Grande-Bretagne, il est interdit de consommer des drogues dures ou de vendre ses organes, même si l’on en a vraiment envie. Les libertés ne sont jamais absolues : elles ne sont qu’un curseur, qui peut toujours faire l’objet d’un débat public.

Principal argument contre cette mesure : le risque de relance du marché noir. Un argument d’autant plus fort qu’à l’heure où de nombreux États tentent de lutter contre les réseaux de vente de cannabis, la création d’un nouveau marché clandestin semble aller dans la mauvaise direction. En revanche, l’analogie avec la Prohibition (interdiction de la vente d’alcool aux Etats-Unis entre 1920 et 1933) fonctionne assez mal, pour une raison simple : la décision prise cette semaine est soutenue par une majorité de Britanniques. 59% y sont favorables, selon un sondage du Le télégraphe du jour. Par ailleurs, on sait qu’une personne sur deux, en moyenne, souhaite arrêter de fumer et regrette de l’avoir commencé, selon une étude publiée en 2020 dans la revue Santé publique. En ce sens, il n’est pas absurde d’envisager des mesures radicales contre le tabagisme.

Et si on y pensait en France ?

Historiquement, la Grande-Bretagne a réussi bien mieux que nous dans la lutte contre les ravages du tabac. Le pays ne compte désormais plus que 13 % de fumeurs réguliers, contre 32 % en France. Par ailleurs, si le tabagisme a diminué en France ces dix dernières années, c’est en partie parce que nous nous sommes inspirés des politiques publiques britanniques. Il pourrait donc être intéressant de continuer à regarder de près ce qui se passe outre-Manche.

D’autant que la lutte contre le tabagisme pose aujourd’hui une véritable question de justice sociale. C’est simple : dans les années 1960, la consommation de tabac était assez uniforme au sein de la population. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La prévalence du tabagisme est beaucoup plus élevée parmi les individus les moins favorisés. Par exemple, parmi les chômeurs, on compte 42 % de fumeurs, soit dix points de plus que dans la population générale. Cependant, depuis des années, l’une des mesures les plus utilisées pour réduire la consommation de tabac consiste à augmenter le prix des paquets de cigarettes. C’est efficace : toutes les études montrent que cela réduit la consommation, et permet donc de sauver des vies.

“Pour ceux qui, malgré toute leur volonté, n’arrivent pas à s’arrêter, l’augmentation du prix du forfait n’est rien d’autre qu’une augmentation d’impôts. Une augmentation qui pèse surtout sur les plus pauvres : telle est la définition d’une injustice. impôt.”

Clément Viktorovitch

sur franceinfo

Interdire le tabac pour toute une génération réduirait drastiquement le nombre de personnes qui se mettent à fumer, ce qui reste encore le meilleur moyen de lutter contre le tabagisme sans avoir à taxer ou stigmatiser les fumeurs. Et pour ceux qui s’inquiètent, peut-être à juste titre, des restrictions à la liberté, je demande : de quelle liberté s’agit-il ? La liberté, pour chacun d’entre nous, de s’empoisonner ? Ou la liberté pour les compagnies de tabac de faire fortune en nous empoisonnant ?

Charlotte

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