De la Sorbonne Ă la Sorbonne 2… Emmanuel Macron prononce un nouveau discours sur le thème de l’Europe Ă l’universitĂ© parisienne, jeudi 25 avril, sept ans après avoir subi un exercice similaire au mĂŞme endroit. L’occasion pour le chef de l’Etat de partager une nouvelle fois ses perspectives sur l’avenir de l’UE Ă un peu plus d’un mois des Ă©lections europĂ©ennes, lui qui a fait de son engagement europĂ©en une de ses marques d’usine.
En mars 2019, quelques mois avant les prĂ©cĂ©dentes Ă©lections europĂ©ennes, il s’est adressĂ© Ă tous les citoyens de l’UE dans une lettre dans laquelle il a dĂ©taillĂ© plusieurs propositions de “une renaissance europĂ©enne”. Un appel Ă l’opinion publique du continent, car la France, malgrĂ© son influence Ă Bruxelles, ne peut rien dĂ©cider seule Ă l’Ă©chelle europĂ©enne : chaque Ă©volution nĂ©cessite de trouver des accords entre les 27 Etats membres, et une majoritĂ© parmi les dĂ©putĂ©s europĂ©ens.
Cinq ans plus tard, quelques Des suggestions ont Ă©tĂ© reprises par les institutions europĂ©ennes, comme l’objectif d’atteindre la neutralitĂ© carbone en 2050, mais d’autres sont restĂ©es lettre morte. Alors que l’ElysĂ©e, contactĂ©e, a refusĂ© de commenter le sort des propositions d’Emmanuel Macron, franceinfo fait le point sur les principales pistes lancĂ©es par le prĂ©sident français.
Mettre en place une politique climatique ambitieuse : en partie atteint
” L’Union europĂ©enne doit fixer son ambition – 0 carbone en 2050, rĂ©duire de moitiĂ© les pesticides en 2025 – et adapter ses politiques Ă cette exigence : Banque europĂ©enne du climat pour financer la transition Ă©cologique ; Force europĂ©enne de la santĂ© pour renforcer les contrĂ´les de notre alimentation face Ă la menace des lobbies. , Ă©valuation scientifique indĂ©pendante des substances dangereuses pour l’environnement et la santĂ©…”
Dans le cadre du Green Deal, l’UE s’est fixĂ© comme objectif, en 2021, d’atteindre la neutralitĂ© carbone d’ici 2050, et de rĂ©duire ses Ă©missions de CO2 de 55 % d’ici 2030. Une sĂ©rie de textes de mesures importantes ont Ă©tĂ© adoptĂ©s pour amener les 27 Ă cet objectif, comme l’interdiction de la vente de vĂ©hicules neufs Ă moteur thermique Ă partir de 2035. La Cour des comptes europĂ©enne a toutefois estimĂ© mardi que les efforts n’Ă©taient pas suffisants pour atteindre ces objectifs.
Aucune Banque europĂ©enne du climat n’a d’ailleurs Ă©tĂ© crĂ©Ă©e, mais, en 2019, la Banque europĂ©enne d’investissement s’est donnĂ©e une feuille de route sur le sujet. De mĂŞme, l’UE n’a pas mis en place “force sanitaire”une demande rĂ©itĂ©rĂ©e par Emmanuel Macron le 1er fĂ©vrier en marge d’un Conseil europĂ©en Ă Bruxelles, après le mouvement de colère des agriculteurs français.
Dans ce mĂŞme contexte, la Commission europĂ©enne a proposĂ© de retirer un texte visant Ă rĂ©duire de moitiĂ© l’usage des pesticides dans l’UE d’ici 2030 (et non 2025 comme le rĂ©clamait Emmanuel Macron en 2019). Le Parlement europĂ©en l’avait dĂ©jĂ rejetĂ© en novembre.
Une réforme de l’espace Schengen : en partie réalisée
“Tous ceux qui veulent participer (Ă l’espace Schengen) doivent remplir des obligations de responsabilitĂ© et de solidaritĂ©. Une police des frontières commune et un bureau europĂ©en de l’asile, des obligations de contrĂ´le strictes, une solidaritĂ© europĂ©enne Ă laquelle chaque pays contribue, sous l’autoritĂ© d’un Conseil intĂ©rieur europĂ©en. Conseil de sĂ©curitĂ©.”
Une rĂ©forme du code opĂ©rationnel de l’espace Schengen, l’espace de libre circulation, qui regroupe 29 pays dont 25 États membres de l’UE, a Ă©tĂ© adoptĂ© mercredi par le Parlement europĂ©en. Elle envisage de « renforcer le cadre prĂ©vu pour la rĂ©introduction et l’extension des contrĂ´les aux frontières intĂ©rieures », notamment en cas de « menace sĂ©rieuse pour la sĂ©curitĂ© »spĂ©cifiĂ© Le monde en fĂ©vrier.
Sur le volet migratoire, le Parlement europĂ©en a votĂ© en toute fin de mandat, le 10 avril, un pacte sur l’asile et la migration. Il prĂ©voit des contrĂ´les renforcĂ©s et un système de filtrage des demandeurs d’asile aux frontières de l’UE, ainsi que de nouvelles règles favorisant la solidaritĂ© entre États pour l’accueil des rĂ©fugiĂ©s. Par ailleurs, une Agence europĂ©enne pour l’asile a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 2022, avec son siège Ă La Valette (Malte). Cependant, aucune police commune des frontières n’a Ă©tĂ© mise en place, mĂŞme si l’UE dispose d’un Agence europĂ©enne de garde-frontières et de garde-cĂ´tes, mieux connue sous le nom de Frontex.
L’établissement d’un traité de défense et de sécurité : en partie atteint
“Un traitĂ© de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© doit dĂ©finir nos obligations essentielles, en lien avec l’OTAN et nos alliĂ©s europĂ©ens : augmentation des dĂ©penses militaires, clause de dĂ©fense mutuelle rendue opĂ©rationnelle, Conseil de sĂ©curitĂ© europĂ©en impliquant le Royaume-Uni pour prĂ©parer nos dĂ©cisions collectives.”
L’offensive lancĂ©e par la Russie en Ukraine a remis la table sur la table l’idĂ©e d’une Europe de la dĂ©fense. Si aucun nouveau traitĂ© n’a Ă©tĂ© signĂ©, le Conseil europĂ©en approuvĂ©, quelques semaines plus tard, un “un plan d’action ambitieux pour renforcer la politique de sĂ©curitĂ© et de dĂ©fense de l’UE en 2030″surnommĂ© “boussole stratĂ©gique”. Un appareil appelĂ© « FacilitĂ© europĂ©enne pour la paix » rembourse Ă©galement aux Ă©tats membres le matĂ©riel militaire envoyĂ© Ă Kiev. En 2023, les dĂ©penses militaires de l’UE ont atteint un montant record d’environ 270 milliards d’euros, soit 30 milliards de plus qu’en 2022.
La clause de dĂ©fense mutuelle, introduite par le traitĂ© de Lisbonne en 2007, prĂ©voit que “Si un pays de l’UE est victime d’une agression armĂ©e sur son territoire, les autres pays de l’UE ont l’obligation de lui fournir aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir.” Il a Ă©tĂ© activĂ© par la France après les attentats de novembre 2015, mais n’a pas Ă©tĂ© renforcĂ©. “opĂ©rationnel” Depuis. Enfin, il n’existe pas de Conseil de sĂ©curitĂ© europĂ©en qui impliquerait le Royaume-Uni dans la prĂ©paration des dĂ©cisions.
Une réforme des règles de concurrence : non réalisée
« Sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et à nos valeurs essentielles, telles que les normes environnementales, la protection des données et le paiement équitable des impôts ; et assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics, une préférence européenne comme le font nos concurrents américains ou chinois.
Les institutions europĂ©ennes n’ont jusqu’Ă prĂ©sent acceptĂ© aucune des propositions du chef de l’Etat sur la concurrence, mĂŞme si les règles rĂ©gissant les subventions de l’Etat ont Ă©tĂ© rĂ©duites en 2023 face au plan d’investissement massif des Etats-Unis visant Ă contrer l’inflation. Toutefois, les dĂ©putĂ©s ont dĂ©finitivement adoptĂ© mardi un plan visant Ă interdire les produits issus du travail forcĂ©. Enfin, la France cherche toujours Ă convaincre ses partenaires sur la question de la prĂ©fĂ©rence europĂ©enne dans les appels d’offres publics.
Un « bouclier social » pour tous les Européens : pas atteint
“L’Europe, oĂą la sĂ©curitĂ© sociale a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e, doit Ă©tablir pour chaque travailleur, d’est en ouest et du nord au sud, un bouclier social lui garantissant la mĂŞme rĂ©munĂ©ration sur un mĂŞme lieu de travail, et un salaire minimum europĂ©en, adaptĂ© Ă chaque pays et discutĂ© collectivement chaque annĂ©e. »
En octobre 2022, l’UE a adoptĂ© une directive qui vise Ă faire converger les salaires minimum europĂ©ens vers le haut, mais sans aller jusqu’Ă la crĂ©ation d’un salaire minimum europĂ©en, qui imposerait un salaire minimum dans les pays qui n’en ont pas. La directive encourage les États membres Ă encourager la nĂ©gociation collective.
Régulation des géants du numérique : en partie atteinte
“(L’Europe) doit non seulement rĂ©guler les gĂ©ants du numĂ©rique, en crĂ©ant un encadrement europĂ©en des grandes plateformes, mais aussi financer l’innovation en dotant le nouveau Conseil europĂ©en de l’innovation d’un budget comparable Ă celui des Etats-Unis, pour prendre la tĂŞte des nouvelles avancĂ©es technologiques, comme l’intelligence artificielle. »
L’encadrement europĂ©en des grandes plateformes, tel que proposĂ© par Emmanuel Macron, a vu le jour, en aoĂ»t 2023, avec l’entrĂ©e en vigueur de la loi sur les services numĂ©riques (DSA). Elle vise Ă mieux rĂ©guler les contenus sur internet issus d’une vingtaine de plateformes comme Facebook, Amazon ou Apple. Avec DSA, les utilisateurs doivent ĂŞtre informĂ©s du fonctionnement des algorithmes utilisĂ©s pour leur proposer des contenus publicitaires. Il est Ă©galement possible de signaler facilement un contenu considĂ©rĂ© comme Ă©tant “illicite”.
Mais la deuxième proposition du prĂ©sident français n’a pas vu le jour. Horizon Europe, le programme de recherche et d’innovation de l’UE, s’est vu attribuer un budget total de 95,5 milliards d’euros pour la pĂ©riode 2021-2027. Le financement fĂ©dĂ©ral pour la recherche et le dĂ©veloppement aux États-Unis s’est Ă©levĂ© Ă 204,9 milliards de dollars pour la seule annĂ©e 2023, rapporte l’ambassade de France aux Etats-Unis.
Un nouveau pacte avec l’Afrique : en partie atteint
“Une Europe qui se projette dans le monde doit ĂŞtre tournĂ©e vers l’Afrique, avec laquelle nous devons Ă©tablir un pacte pour l’avenir.”
Chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine et de l’UE rencontrĂ© Ă Bruxelles en fĂ©vrier 2022, pour le sixième sommet entre les deux institutions. Aucun futur pacte n’a Ă©tĂ© signĂ© par les participants, mais ils « convenu d’une vision commune pour un partenariat renouvelĂ© »selon Conseil de l’UE. Les dirigeants europĂ©ens ont promis un investissement d’au moins 150 milliards d’euros, un “une coopĂ©ration plus poussĂ©e au service de la paix et sĂ©curitĂ©”Ainsi « un partenariat renforcĂ© en matière de migration et de mobilitĂ© ».
La création d’une « Agence européenne pour la protection des démocraties » : non réalisée
“Je propose la crĂ©ation d’une Agence europĂ©enne pour la protection des dĂ©mocraties qui mettrait Ă la disposition de chaque État membre des experts europĂ©ens pour protĂ©ger son processus Ă©lectoral contre les cyberattaques et les manipulations.”
Cette idĂ©e ne s’est pas concrĂ©tisĂ©e. Pourtant, les Français la soutiennent massivement : selon une enquĂŞte Viavoice pour la fondation Jean-Jaurès Ă En 2019, 70 % des personnes interrogĂ©es Ă©taient favorables Ă la crĂ©ation d’une telle agence, chargĂ©e de protĂ©ger les processus Ă©lectoraux contre les cyberattaques et le piratage informatique, et de rĂ©glementer l’utilisation des donnĂ©es personnelles Ă des fins Ă©lectorales. Consciente des craintes d’ingĂ©rences et de manipulations Ă©trangères, la Commission europĂ©enne a formulĂ© en dĂ©cembre une sĂ©rie de propositions sur le sujet, notamment dans la perspective des Ă©lections europĂ©ennes de juin.
L’organisation d’une ConfĂ©rence sur l’avenir de l’UE : rĂ©alisĂ©e
“Constituons une ConfĂ©rence pour l’Europe afin de proposer tous les changements nĂ©cessaires Ă notre projet politique, sans tabous, pas mĂŞme la rĂ©vision des traitĂ©s.”
ReportĂ©e en raison de la pandĂ©mie de Covid-19, la ConfĂ©rence sur l’avenir de l’UE a Ă©tĂ© lancĂ©e dĂ©but 2021. Elle a rĂ©uni 800 citoyens europĂ©ens, tirĂ©s au sort, qui ont travaillĂ© pendant un an sur des propositions d’Ă©volution de l’UE. Leur rapport, contenant plus de 300 mesures concrètes, a Ă©tĂ© rendu le 9 mai 2022.
Ce panel de citoyens a notamment proposĂ© la mise en place de listes transnationales aux Ă©lections europĂ©ennes, la fin du droit de veto des États membres au Conseil europĂ©en, un changement de nom des institutions “pour clarifier davantage” ou la rĂ©ouverture des discussions sur une constitution europĂ©enne. La Commission europĂ©enne affirme avoir agi “sur près de 95% des mesures (…) qui relèvent de sa compĂ©tence et sont conformes aux traitĂ©s.” MaisLes suggestions les plus discutĂ©es, qui affectent le fonctionnement des institutions et nĂ©cessitent une modification des traitĂ©s, n’ont pas Ă©tĂ© mises en Ĺ“uvre.