Ils voulaient révéler des « informations cachées », inciter à voter… ou admettre aujourd’hui « une grave erreur ». Cinq personnes étaient jugées mercredi à Paris pour avoir diffusé des messages haineux et les noms et adresses de suspects dans l’affaire de la mort du jeune Thomas à Crépol.
Il s’agit de quatre hommes et une femme, âgés de 40 à 56 ans, jugés devant le tribunal notamment pour incitation sans effet à commettre un crime, ou injure publique en raison de l’origine.
Leurs messages ont été postés sur Facebook ou X en novembre 2023, quelques jours après la mort de Thomas, un lycéen de 16 ans mortellement poignardé lors d’un bal à Crépol (Drôme) lors d’une altercation entre des invités et une dizaine de jeunes extérieurs au village.
« De vraies têtes blanches, à vacciner directement au fusil », a écrit Lionel G., un chauffeur routier chauve de 55 ans portant de petites lunettes, tout en republiant des photos et des noms de suspects.
« Les noms des meurtriers que les flics ont tenté de vous cacher sont désormais connus », écrit Gaël L., 56 ans, republiant une liste d’adresses des jeunes impliqués.
« Toujours les mêmes profils, des Suédois de bonne famille », plaisante Jean-Marie L., 40 ans, un grand homme chauve en veste noire, à la tête d’une petite entreprise.
Tous se retrouvent devant un tribunal pour la première fois et beaucoup semblent avoir du mal à comprendre ce qu’ils font là. Leurs explications sont confuses, souvent de mauvaise foi.
L’un évoque une faute de frappe – « le mobile ce n’est pas mon truc », l’autre explique qu’il utilise X comme « archive personnelle ».
Pascal T., fonctionnaire au ministère des Armées et « conseiller municipal d’opposition », assure, sans convaincre le tribunal, que son message « La France aura bientôt rendez-vous avec son histoire, soyons prêts » juste après une référence à la guerre d’Algérie, était en fait un appel au vote. Seule Marylène P., une femme au foyer insomniaque de 53 ans qui a republié la liste des adresses, reconnaît « une grosse erreur » et s’en excuse.
Pour les autres, le tribunal se veut pédagogique, rappelant que les familles des suspects avaient reçu des appels et des lettres de menaces à leur domicile. Gaël L. ne voit pas le lien : « J’ai republié ces adresses, c’est tout ce que j’ai fait. Je n’ai appelé à aucune violence. »
Le procureur, qui n’est pas là « pour savoir qui est raciste ou pas, ou qui a passé ses vacances à Marrakech » – une référence à une réponse d’un accusé qui avait évoqué sa lune de miel en Tunisie -, estime que tous les propos constituent « objectivement » des délits. Il requiert des peines allant de quatre mois de prison à deux mois avec sursis, ainsi que des cours de formation à la citoyenneté à leurs frais pour ces « délinquants de discours », à l’autre « bout de la chaîne » de l’enquête – toujours en cours – concernant la mort de Thomas.
Le tribunal rendra sa décision le 31 octobre.
Cinq autres personnes doivent être jugées pour des accusations similaires le 18 septembre.
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