Dans le cadre de notre travail, nous n’avons pas toujours affaire à des inconnus, mais parfois à des connaissances, voire à des amis.
Y a-t-il des règles à respecter lors de ces relations commerciales, notamment lorsque cette relation implique un ami ?
En fait, la règle la plus importante, qui relève du « bon sens », est la suivante : il faut éviter les situations de conflit d’intérêts réel ou apparent. Cette règle s’applique même si le client n’est pas un ami.
À plusieurs reprises, les tribunaux ont précisé ce qu’on entend par notion de conflit d’intérêts :
« La situation de conflit d’intérêts est celle dans laquelle une personne se trouve obligée ou dans la possibilité de devoir choisir entre deux intérêts :
●Ces deux intérêts peuvent être soit le sien et celui de son employeur, soit soit l’intérêt d’un de ses amis ou d’une personne qu’il veut servir et l’intérêt de celle qu’il doit servir.
●(…) il n’est pas nécessaire que le salarié ait à choisir entre deux intérêts. Il lui suffit d’être dans la situation de devoir choisir. »
De plus, il n’est pas nécessaire que la malhonnêteté soit considérée comme un conflit d’intérêts.
En effet, le contrat de travail comporte une obligation de loyauté envers le salarié. Ce devoir de loyauté consiste à agir au mieux des intérêts de son employeur.
Par ailleurs, le conflit d’intérêts peut avoir deux facettes :
1) Ce conflit est peut-être réel. C’est le cas lorsqu’une situation de conflit potentiel se matérialise. A ce moment-là, au lieu de choisir les intérêts de son employeur, le salarié privilégie ses propres intérêts ou ceux d’un tiers comme l’un de ses clients, ami ou non.
2) Le conflit d’intérêts peut également être apparent. C’est une notion qui s’applique particulièrement aux relations entre le gouvernement ou l’un de ses organismes. Le conflit apparent découle du principe selon lequel on est en droit d’attendre la neutralité et l’impartialité de la personne avec qui on fait affaire. Cette notion subjective signifie qu’il y aura un conflit d’intérêts apparent si quelqu’un a une crainte raisonnable de partialité.
Au fil des années, plusieurs décisions de justice ont sanctionné des salariés pour conflits d’intérêts. C’était notamment le cas lorsqu’un employé acceptait un cadeau pour favoriser l’un de ses clients. Autre exemple, un employé a été sanctionné pour avoir consulté diverses données confidentielles pour les transmettre à un client. De même, un employé a été sanctionné pour avoir accepté d’utiliser gratuitement le chalet d’un de ses clients, ce qui constitue un conflit d’intérêts apparent.
Un salarié se trouvant en situation de conflit d’intérêts réel, c’est-à-dire que le conflit d’intérêts s’est produit, risque une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, selon les circonstances propres à chaque cas. La même chose peut s’appliquer, ce qui est beaucoup plus rare, lorsqu’il existe un conflit d’intérêts apparent.
Les employeurs devraient adopter une politique, parfois appelée code de conduite, pour réglementer la possibilité de conflits d’intérêts. Cette politique doit être claire, sans ambiguïté et connue des salariés. Elle doit également rappeler aux salariés l’obligation de faire preuve d’intégrité dans leurs relations d’affaires avec les clients, notamment lorsque cette relation concerne leurs amis ou leur famille.
Bien entendu, il n’est pas interdit d’entretenir des relations amicales avec les clients ou la famille. Mais si un conflit d’intérêts réel ou potentiel survient, la règle de base de prudence serait d’en informer immédiatement votre employeur qui pourra alors décider de la suite.
Le Code civil du Québec prévoit des dispositions particulières concernant les obligations d’un administrateur d’une personne morale, telle une société.
Il prévoit notamment que :
●L’administrateur doit agir avec prudence et diligence.
●Il doit également agir avec honnêteté et loyauté, dans l’intérêt de la personne morale.
●L’administrateur doit également éviter de se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et ses obligations en tant qu’administrateur. A cet égard, il doit dénoncer à la personne morale, c’est-à-dire l’entreprise, tout intérêt qu’il aurait dans une situation susceptible de le placer en conflit d’intérêts.
Me Bernard Cliche, avocat distingué
Cabinet d’avocats Morency
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