comment la désinformation est entrée dans la campagne chez nos voisins européens

De nombreuses fausses nouvelles ont circulé ces derniers mois concernant l’Union européenne. Alors que la campagne électorale touche à sa fin, franceinfo revient sur les principaux angles d’attaque choisis par les propagateurs de la désinformation.

Les fausses nouvelles visant l’Union européenne n’ont jamais été aussi nombreuses que lors des deux derniers mois de campagne électorale. C’est le constat dressé par l’Observatoire européen des médias numériques (EDMO), une plateforme indépendante, qui regroupe des dizaines de médias spécialisés dans la lutte contre la désinformation, ainsi que des universités étudiant le phénomène. En mai, les fausses nouvelles liées à l’UE ont atteint leur plus haut niveau depuis le début des mesures EDMO il y a un an. Ils représentent 15 % de la désinformation totale combattue par les rédactions partenaires de l’organisation. Le record établi en avril a été dépassé.

Cette épidémie de fake news a ses propres caractéristiques, selon Vincent Couronne, directeur de Highlighters, un média spécialisé dans la vérification des faits juridiques. “Les auteurs de désinformation ont compris que les élections européennes n’intéressent pas vraiment les citoyens”il croit. Alors ils prennent les événements nationaux et les relient à l’Union. De quoi nourrir l’idée que les problèmes des États sont liés à l’Union européenne.

Les créateurs et propagateurs de thèses trompeuses ont aussi leurs thèmes de prédilection. Ils « s’appuyer sur les fractures européennes pour alimenter leur discours », développe Vincent Couronne. Ces angles d’attaque apparaissent à la lecture des rapports produits par l’EDMO et le European Fact-Checking Standard Network (EFCSN), un réseau européen de rédactions engagées dans la lutte contre la désinformation. Franceinfo a identifié cinq thématiques récurrentes, sans prétendre à l’exhaustivité.

1 Attaques généralisées contre le Green Deal

Les fausses informations relatives au climat, à l’environnement et aux politiques écologiques européennes ont représenté à elles seules 6 % de l’ensemble des fausses informations diffusées en mai, selon le rapport de l’EDMO publié jeudi 6 juin. Le « Green Deal », le Green Deal européen, est dans leur ligne de mire. En Lettonie, l’idée circule que ce pacte serait inutile, voire dangereux. Le député letton Edmunds Zivtins, inscrit à droite, est allé jusqu’à assurer que la réduction du CO2 dans l’air entraînerait la disparition des arbres sur Terre. « La voie verte que prône actuellement le Parlement européen est complètement fausse »» argumenta-t-il.

Cette déclaration fait partie d’une longue liste d’affirmations trompeuses sur le Green Deal européen. Dans plusieurs pays, comme l’Espagne, ont tenté de démontrer que les alternatives écologiques aux énergies fossiles sont dangereuses. Contredites par le média polonais Demagog, ces allégations avaient déjà été partagées lors des manifestations paysannes en mars dernier. Durant ce mouvement, suivi dans de nombreux pays membres, plusieurs fausses nouvelles ont circulé. Dans Italiele média de vérification Facta a « démystifié » un contenu suggérant que les agriculteurs étaient payés par l’État pour abandonner leurs terres.

Selon un rapport de l’EFCSN publié en mai, 81,6 % des fausses informations sur ce sujet ont été publiées par des politiciens d’extrême droite lors de manifestations d’agriculteurs. Selon EDMO, ces mouvements ont renforcé l’idée selon laquelle l’Union européenne met à mal les politiques agricoles nationales en faveur du respect de l’environnement.

2 L’UE accusée de multiplier les normes qui font flamber les prix

Les critiques à l’égard des normes imposées par l’Union européenne sont également récurrentes. Ils sont revenus en force lors de cette campagne électorale. En Pologne, le député Jaroslaw Sellin, du parti d’opposition de droite Droit et Justice, a faussement affirmé que l’UE produisait “une directive une fois par semaine et un règlement deux fois par jour, samedi et dimanche inclus”, comme le rapporte le média Démagog.

Des centaines de standards produits, ce qui serait parfois absurde. D’autres rumeurs suggèrent que Bruxelles voudrait interdire l’air dans les emballages des chips ou exiger le même degré de courbure pour les bananes. En Estonie, le média EestiPaevaleht a attaqué l’idée selon laquelle l’UE souhaiterait introduire l’euro numérique afin de surveiller la population. « L’idée est de discréditer l’Union européenne et ses institutions »note Vincent Couronne.

En plus d’imposer des normes, l’Union est accusée de gonfler la facture des Européens. Par exemple, en Pologne, le député de droite Janusz Kowalski, du parti Pologne Souveraine, a assuré que « 40 à 50 % de la facture d’électricité est constituée d’écotaxes européennes ». Un calcul erroné, selon le média polonais Demagog.

En Bulgarie, la députée de centre-droit Pavela Mitova a accusé l’Union européenne d’être responsable du déclin économique de son pays. « Ce type de politique (réduction des émissions dans le cadre du Green Deal) Cela amènera la Bulgarie à passer du statut d’exportateur net à celui d’importateur net, et nous le constatons déjà.”, a-t-elle déploré. Selon le travail de vérification du site bulgare Factcheck, l’élu se trompe et impute à l’Union une réalité bien plus complexe.

3 Le Pacte sur les migrations, une autre cible privilégiée

Voté en avril, le Pacte sur les migrations est source de tensions et fait l’objet de désinformation dans nombre de pays européens. En Lettonie, le média Rebaltica a vérifié les déclarations de plusieurs responsables politiques qui avaient assuré que tous les pays européens seraient contraints d’accueillir 100 000 migrants, sous peine d’amende de 2 millions d’euros. Des fausses nouvelles similaires se sont répandues en Slovaquie, comme le rapporte Euractiv.

La Pologne apparaît comme « l’un des pays les plus sensibles à la question de l’immigration », selon EDMO. Les fausses nouvelles se sont multipliées. Plusieurs internautes ont assuré que le Premier ministre Donald Tusk, à la tête d’une coalition de gauche démocratique, avait voté pour le Pacte sur les migrations. Le but étant de ternir l’image du chef du gouvernement auprès de son électorat, alors qu’il a au contraire affiché une ligne ferme sur l’immigration.

De nombreuses informations erronées circulent sur l’immigration. Ces fausses nouvelles présentent les migrants comme des violents ou des criminels, comme en Espagne, où des vidéos détournées ont circulé, rapporte le média espagnol Maldita. Ou faire courir la rumeur d’une Union européenne prête à autoriser une immigration incontrôlée. En Espagne, Jorge Buxade Villalbatête de liste du parti d’extrême droite Vox, a parlé d’un « Une politique d’immigration qui a ouvert grand ses portes et nous oblige à vivre enfermés chez nous ». Santiago Abascal, président du parti, a assuré que Bruxelles avait forcé l’Espagne « ouvrir toutes les frontières ». Commentaires erronés, mais largement relayés. « Les politiques sont parmi les premiers à propager la désinformation »souligne Vincent Couronne.

4 Fake news sur le vote pour « démobiliser les électeurs »

C’est la grande fake news de la campagne électorale en Allemagne. Depuis des mois, de nombreuses rumeurs circulent sur le processus électoral outre-Rhin : de multiples publications incitent les électeurs à inscrire leur nom sur le bulletin de vote pour éviter la fraude électorale, assurent que le vote par correspondance n’est pas sécurisé, qu’il est possible de voter plusieurs fois, ou encore que l’élection est faussée car l’urne n’est pas scellée, énumère le média Correctiv. Toutes fausses, ces allégations ont été largement partagées dans le pays.

À tel point que la théorie a voyagé jusqu’en Espagne. Depuis plusieurs jours, le même type d’informations y circule. Certains Espagnols disent qu’il suffit d’inscrire un pourcentage sur son bulletin de vote pour que le vote soit compté deux fois. « Ces théories sont assez classiques et reviennent à chaque électionnote Vincent Couronne. L’idée est de démobiliser les électeurs, en laissant entendre que l’Union n’est pas démocratique et que voter n’est donc pas utile.”

D’autres allégations vont dans ce sens. En Italie, Carlo Calenda, sénateur libéral, a assuré que les Italiens n’avaient aucune influence à Bruxelles. Au Parlement européen, l’Italie est aujourd’hui 25ème sur 27 pays en termes d’influence, et pourtant nous sommes le troisième pays le plus grand et le plus puissant en termes économiques.” Un chiffre vrai, mais, selon le média Pagella Politica, cette faible influence est liée à un manque d’investissement des eurodéputés italiens.

5Les acteurs politiques de l’UE ciblés

Députés européens, États, institutions… Selon les fausses nouvelles qui circulent, tous sont corrompus. Cette idée a été popularisée au sein des Vingt-Sept. En Slovénie, Ales Hojs, ancien ministre de l’Intérieur, a affirmé à tort que seuls quatre pays de l’UE disposaient d’une commission anti-corruption. Au Portugal, une image d’Ursula von der Leyen en état d’arrestation a été largement diffusée. Cette photo a été générée grâce à l’intelligence artificielle dans le but de nuire à l’image du président de la Commission.

Ce type d’attaques s’est multiplié dans l’Union. En Allemagne, en pleine campagne électorale européenne, plusieurs publications affirmaient que le gouvernement avait dépénalisé la pédopornographie. A l’origine de cette fausse nouvelle, une proposition de modification législative pour « éviter que les personnes qui collectent des preuves – parfois pour dénoncer des agresseurs d’enfants – soient automatiquement inculpées », ce qui est actuellement le cas, décrypte l’AFP. Le but ici est d’assimiler le gouvernement allemand à des enfants criminels.

Fin mai, le Parti social-démocrate allemand (SPD) a été victime d’un détournement. Une de ses affiches de campagne pour les élections européennes a été retouchée. Une manipulation destinée à faire croire que le parti politique a adopté les codes du nazisme, a rapporté le média Correctiv. Presque à chaque fois, le même schéma : « Cette désinformation est créée et diffusée par des acteurs locaux, mais elle est ensuite reprise par des acteurs malveillants, parfois étrangers, pour la rendre virale et nuire aux victimes »États Vincent Couronne.

Louis

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