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Comment l’Algérie s’ouvre prudemment au tourisme

“Inoubliable.” C’est ainsi que Laura Loana Isac, globe-trotteuse roumaine de 33 ans, décrit son séjour en Algérie. Elle a passé dix-huit jours en avril dans ce pays d’Afrique du Nord, au cours desquels elle a visité huit villes et s’est aventurée dans le désert.

Elle rêvait d’y aller depuis des années. Le fait que ce ne soit pas une destination touristique populaire ne faisait qu’ajouter à son attrait.

« L’Algérie a retenu mon attention il y a longtemps, elle commente. Non seulement c’est le plus grand pays d’Afrique, mais il n’est pas non plus très touristique, en partie à cause de la difficulté d’obtenir un visa. J’ai fait quelques recherches sur Internet, mais je n’ai trouvé que quelques blogs ou vlogs (blogs vidéo). Mais à chaque fois, j’ai été impressionnée par la diversité et la beauté du pays.

Casbah et Haïk

La curiosité de Laura Loana Isac pour l’Algérie s’est encore accrue lorsqu’elle a rencontré deux Algériennes lors d’un voyage au Sénégal. Elles lui ont adressé une lettre d’invitation, qu’elle a jointe à sa demande de visa, et l’ont aidée à planifier son séjour avant de l’accueillir à Alger. De la capitale à la ville méridionale de Tamanrasset (ville ouverte sur le désert algérien, située à 1 900 kilomètres au sud d’Alger), Isac a eu l’occasion d’explorer un grand nombre de lieux.

« On trouve de tout en Algérie, elle assure. Des mers turquoise aux plages magnifiques, des villes à l’architecture remarquable, chargées d’histoire, des déserts immenses, des montagnes hautes. Les gens sont gentils et le prix est très abordable. Je ne parle ni arabe ni français – juste quelques mots, quelques phrases – mais ce n’était pas un problème. La plupart des gens que j’ai rencontrés parlaient anglais et, quand ce n’était pas le cas, ils communiquaient par gestes..”

Au-delà de la diversité culturelle et des paysages variés, Laura Loana Isac a été très marquée par les gens, qui pour elle sont « L’essence même de l’Algérie ».

« Un jour, nous sommes allés à la Casbah (la vieille ville d’Alger), où j’ai porté le Karakou (costume traditionnel algérien) et le haïk (vêtement féminin algérien, composé d’une grande étole blanche et d’un voile léger en dentelle. Il est aussi caractéristique de la guerre d’indépendance). Certains Algériens m’ont donné les clés de leurs chambres pour que je puisse enfiler ces vêtements pour une séance photo (en extérieur). Ensuite, d’autres se sont arrêtés pour m’aider, me complimenter et me prendre en photo. Tout le monde était très souriant, j’étais accueillie partout. Je me sentais en sécurité, les gens criaient souvent « bienvenue » ou «marhaba‘ (‘Bonjour’).”

« La seule chose qui m’agaçait, c’était que je me faisais siffler dans la rue, même quand je n’étais pas seule. Toutes les femmes que j’ai rencontrées en Algérie ont vécu ça, même celles qui portaient le hijab. »

Le visa, un sésame difficile à obtenir

On voit de plus en plus de touristes arpenter les rues des différentes villes d’Algérie, d’autant plus que des globe-trotters comme Isac partagent leurs expériences sur les réseaux sociaux, proposant des contenus attractifs.

Contrairement à ses deux voisins, le Maroc et la Tunisie, l’Algérie a longtemps eu la réputation d’être un pays relativement fermé et peu prisé des touristes.

Cela est dû à la difficulté d’obtenir un visa, sans compter les effets à long terme de la guerre civile des années 1990, qui a duré dix ans. Cependant, l’Algérie a récemment commencé à panser ses plaies et à améliorer son image touristique, afin d’attirer davantage de visiteurs.

Selon son ministère du Tourisme, l’Algérie a enregistré l’afflux de 800.000 touristes au premier trimestre 2024. L’année dernière, le pays a accueilli 3,3 millions de touristes, dont 2,2 millions de touristes étrangers et 1,1 million de visiteurs appartenant à la diaspora algérienne.

L’Etat algérien ambitionne d’accueillir plus de 12 millions de visiteurs étrangers d’ici 2030. Pour atteindre cet objectif, il a adopté plusieurs mesures, dont une exemption de visa pour les touristes étrangers visitant le Sud, ainsi que la possibilité de renouvellement automatique des visas à l’arrivée.

Un Touareg dans le parc national de l’Ahaggar, Tamanrasset, Algérie. Photo ÉRIC LAFFORGUE/Hans Lucas/AFP

Les touristes considérés comme des invités

Bien que tous ces changements soient considérés comme une étape importante et devraient faciliter la vie des touristes, ils ne s’appliquent actuellement qu’à ceux qui se rendent dans le désert algérien par l’intermédiaire d’agences agréées par l’État.

Pour explorer d’autres régions, les touristes doivent demander un visa auprès de leur pays de résidence, en fournissant des documents tels que des relevés bancaires, des réservations d’hôtel et des billets d’avion.

Les rumeurs de refus de visas sont souvent source de découragement pour les visiteurs potentiels. Mais de plus en plus de touristes ne se laissent pas décourager. Certains font même état d’une procédure étonnamment simple.

« Dès leur arrivée, les touristes sont frappés par la gentillesse des gens. Ils sont surpris par la chaleur humaine qu’ils trouvent en Algérie », note Aissam Slimani, un guide algérois de 28 ans. « Au Maroc, en Égypte et en Tunisie, le tourisme est un pilier de l’économie, il ajoute. En Algérie, nous vivons du pétrole. Nous considérons les touristes comme des invités qui ne doivent pas être maltraités ou vivre une mauvaise expérience.. Un jour, un visiteur français m’a dit que dans d’autres pays, les touristes sont considérés comme des portefeuilles ambulants, ce qui n’est pas le cas en Algérie. Au contraire, ils ont tendance à manger gratuitement, car de nombreux restaurants refusent de les faire payer. Beaucoup sont également invités par les locaux à partager un repas.

Tourisme de la diaspora

Diplômé en architecture, Slimani est guide depuis 2018. En octobre 2022, il a fondé son agence, Vizitina, qui propose des visites guidées d’Alger et des villes voisines comme Tipaza. Située à 61 kilomètres de la capitale, cette dernière est une attraction touristique majeure : ses ruines romaines ont été inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco en 1982.

Maîtrisant trois langues étrangères, le français, l’anglais et l’espagnol, Aissam Slimani est rapidement devenu un guide apprécié des touristes. Mais les visiteurs étrangers ne sont pas ses seuls clients. Aissam Slimani constate un intérêt croissant pour le tourisme en Algérie parmi les Algériens eux-mêmes.

« L’intérêt pour le tourisme intérieur est apparu pendant la pandémie de Covid-19, explique Aissam Slimani. Cela a conduit à une fermeture des frontières pendant un an et demi, ce qui a empêché les Algériens de partir en vacances à l’étranger.

Aissam Slimani observe également une tendance émergente, qu’il appelle le tourisme « retour aux origines ».

« Plus de 7 millions d’Algériens vivent à l’étranger. Cela représente un potentiel touristique énorme en Algérie, car ce sont des gens qui veulent redécouvrir leurs origines et leur culture. »

Les autorités algériennes reconnaissent également l’importance de ce type de tourisme, et tentent donc d’attirer les Algériens de la diaspora, ainsi que les touristes étrangers.

En mai, le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger a annoncé que les Algériens de la diaspora pouvaient désormais entrer en Algérie sur simple présentation de leur carte d’identité algérienne.

À l’heure où certains membres de la diaspora algérienne s’intéressent de plus en plus au tourisme en Algérie, d’autres voient dans cet engouement une opportunité d’investissement. C’est le cas d’Omar Benbahlouli, un Algérien de 43 ans, né en France et détenteur de la double nationalité franco-algérienne. En décembre 2023, il a ouvert une maison d’hôtes, La Rose des sables, à Bou Saada, aux portes du désert algérien.

Omar Benbahlouli avoue qu’il ne s’attendait pas à ce que son établissement connaisse un tel succès, et ce n’est qu’après son ouverture qu’il a compris tout l’attrait touristique de Bou Saada.

Ses affaires marchent très bien. « La moitié des clients sont des Algériens, puis des binationaux, et le reste des étrangers. J’ai déjà accueilli des Chinois, des Américains, des Saoudiens, des Français et des Egyptiens.

L’urgence de créer une filière professionnelle

Ce succès n’empêche pas Omar Benbahlouli d’être lucide sur les raisons qui empêchent l’Algérie de devenir une destination touristique majeure.

« Pour moi qui ai beaucoup voyagé, je constate que les Algériens ont le sens de l’hospitalité mais qu’ils manquent de professionnalisme. Lors de mes déplacements dans le pays, j’ai pu constater que le personnel des hôtels n’est pas toujours formé et que le service peut en pâtir. Mais je dois reconnaître qu’il y a eu beaucoup de progrès ces dernières années. Les mentalités évoluent », il ajoute.

Pour Riyad, un entrepreneur de 35 ans originaire de Tizi Ouzou, si le tourisme en Algérie veut vraiment décoller, il faut que ce secteur soit reconnu comme une source de revenus importante, capable de contribuer à l’économie.

« Je ne vois pas comment le tourisme pourrait être rentable pour l’économie du pays si les touristes mangent gratuitement et repartent même avec des cadeaux en guise de souvenirs ? »

Meriem, une étudiante en marketing de 22 ans, pense également que « L’Algérie n’est pas prête à accueillir le tourisme mondialisé et tous les bouleversements culturels que cela va entraîner, comme la prostitution. C’est pourquoi il est préférable de développer une offre destinée aux Algériens et à la diaspora à l’étranger », elle insiste.

Abderahman Belgat, président de l’Association mondiale pour l’éducation et la formation en hôtellerie et tourisme (Amforht), plaide pour le développement d’un tourisme durable qui serait accessible aux Algériens tout en attirant les visiteurs étrangers.

Anna

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