POLITIQUE – Un habile calcul politique. Durant cette législature, le Rassemblement national (RN) est le premier à bénéficier d’une niche parlementaire : pendant une journée, en l’occurrence le 31 octobre, il est libre de déterminer l’ordre du jour de l’Assemblée et de soumettre au vote les textes qui lui semblent importants. Comme un symbole, le groupe d’extrême droite a choisi de mettre sur la table l’abrogation de la réforme des retraites adoptée aux forceps en 2023, qui prévoit un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
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Pour le RN, c’est gagnant-gagnant. D’abord parce que les conditions d’adoption du texte, autant que son contenu, ont marqué la société. Jusqu’à 3,5 millions de personnes étaient descendues dans la rue à l’époque, et 90 % des actifs s’y étaient opposés. Le parti de Le Pen cherche ainsi à capitaliser sur un mécontentement largement partagé dans le pays.
Ensuite parce que c’est une manière pour le RN de dépasser la gauche sur un credo qui lui est cher. Le Nouveau Front populaire (NFP) a bâti sa campagne législative sur ce rejet, promettant de revenir sur la réforme dès son arrivée au pouvoir. « L’abrogation est l’une de nos priorités »a confirmé la candidate commune à Matignon Lucie Castets.
Le NFP se trouve désormais face à un dilemme : voter ou non en faveur du projet de loi du RN ? Le choix est difficile et la ligne de crête difficile à maintenir. « Je ne voterai pas pour elle, parce que c’est le RN, » s’est exprimé le député LFI Sébastien Delogu sur Sud Radio. Nous avons déjà tout mis sur la table pour tenter de l’abroger. Les Insoumis comptent déposer un projet de loi au plus vite, en espérant pouvoir l’étudier avant celui du RN. Ce qui paraît hautement improbable.
De leur côté, les communistes semblent moins gênés par l’idée de voter un texte du RN. « Je suis favorable à l’abrogation de la réforme des retraites, dès qu’il y aura l’occasion, il faudra que tous les députés soient là, a déclaré Léon Deffontaines, porte-parole du PCF sur France Info. Si nous pouvons arracher cela au macronisme, nous y serons.Le secrétaire national du parti, Fabien Roussel, a également expliqué qu’il « tout pour que l’abrogation de la réforme des retraites existe ». Bien qu’il ait perdu son siège de député aux dernières législatives, le communiste estime que toute initiative visant à rétablir l’âge légal de la retraite est bonne. On ignore si c’est la position majoritaire d’un groupe, GDR, dont la moitié des élus viennent d’outre-mer.
Le contenu exact de la proposition du RN n’est pas connu. Rien n’est définitif, mais Marine Le Pen a suggéré que l’idée générale serait ” le retour de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et 42 années de cotisations”. Un calibrage pas tout à fait conforme au programme NFP, qui entend revenir à la retraite à 60 ans, mais qui pourrait constituer un « scène ” Encore faut-il que les députés RN convainquent leurs alliés ciottistes qui, lorsqu’ils étaient aux Républicains, plaidaient pour une retraite à… 65 ans. Peu avant le premier tour des législatives, Éric Ciotti déclarait : « Il n’est pas certain que la réforme des retraites soit abrogée »Il n’a plus parlé du sujet depuis.
Les socialistes et les écologistes n’ont pas non plus fait connaître leur vote. Depuis deux ans, ils refusent pourtant systématiquement de donner leur voix à un texte du RN, refusant de s’allier, même temporairement, à l’extrême droite. Le risque pour eux, sur un sujet aussi symbolique que la réforme des retraites, est de voir l’entourage de Marine Le Pen crier victoire. Ses troupes affûtent déjà leurs armes, accusant la gauche de déserter d’avance ce combat. Comme d’habitude, LFI vote contre les Français et contre l’intérêt général. Leur sectarisme et leur haine de l’autre n’en feront jamais un parti comme les autres ! “, ose sur X le député RN Matthieu Marchio, oubliant les multiples tergiversations de Jordan Bardella sur ce sujet pendant la campagne des législatives. Dans un contexte politique aussi inflammable, et alors que la prochaine présidentielle est dans tous les esprits, donner un point à l’adversaire peut s’avérer (très) périlleux.
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