comment les essais et erreurs du gouvernement ont fait chuter le nombre de chantiers de construction

Depuis le début de l’année, les règles d’obtention de MaPrimeRénov’ ont déjà été modifiées à deux reprises par le gouvernement. Une instabilité qui n’incite pas les ménages à se lancer dans des travaux de rénovation et freine les chantiers.

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Opération de communication pour la rénovation. L’État a lancé vendredi 19 avril à Chartres sa « tournée France Rénov » pour promouvoir les dispositifs d’aide à la rénovation des logements. ” L’objectif est d’inciter les Français à réaliser leurs travaux de rénovation, en leur montrant qu’à travers ces étapes, nous allons leur expliquer les matériaux, les procédures, les étapes pour rénover leur maison, et qu’aujourd’hui, rénover sa maison c’est plus simple”a déclaré le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian.

Parallèlement, l’Agence nationale de l’habitat (Anah), à l’origine du « tour France Rénov’ », publie le même jour ses chiffres du premier trimestre 2024. Et l’ambiance n’est pas à la fête puisque moins de 80 000 logements ont été rénovés, soit une baisse de 43% par rapport au premier trimestre de l’année dernière. (Lien PDF). Un chiffre très loin des projections du gouvernement qui annonçait, en octobre, l’objectif de 200 000 rénovations thermiques cette année. Pour y parvenir, les ministères de la Transition écologique, de la Transition énergétique et du Logement se sont appuyés sur une modification, devenue officielle le 1er janvier, des règles d’obtention de MaPrimeRénov’, la principale aide de l’Etat à la rénovation énergétique des bâtiments. logement.

Des conditions plus strictes depuis janvier

A cette date, le dispositif MaPrimeRénov’, lancé en 2020 et dont 1,5 million de Français ont déjà bénéficié, s’est concentré sur les rénovations de grande ampleur, principalement sur les passoires thermiques (logements classés F et G). Pour en bénéficier, il fallait gagner au moins deux classes énergétiques au diagnostic de performance énergétique, et réaliser au moins deux actions d’isolation et une ventilation. Les aides à l’installation de pompes à chaleur air-eau ou géothermie, ou au raccordement à un réseau de chaleur urbain, sont passées de 1.000 à 2.000 euros pour les ménages modestes et intermédiaires.

L’Anah, qui pilote ce dispositif, a proposé aux propriétaires de passoires énergétiques souhaitant réaliser une rénovation d’envergure impliquant plusieurs projets (isolation des murs, changement des fenêtres et des modes de chauffage par exemple) un taux de prise en charge pouvant aller jusqu’à « 90 % pour les ménages aux revenus très modestes », avec un plafond à 70 000 euros contre 35 000 euros auparavant. Sur le papier, ces modifications avaient un double objectif, a expliqué à France 2 Audrey Zermati, directrice stratégique chez Effy, entreprise spécialisée dans la rénovation énergétique.

« Inciter les gens à faire des travaux plus ambitieux, avec une rénovation globale, et inciter les gens à changer de système de chauffage, notamment s’ils disposent d’un système de chauffage aux énergies fossiles, donc au gaz ou au fioul. »

Audrey Zermati, directrice stratégique chez Effy

à France 2

Ces ménages entamant ces grands travaux de rénovation ont dû « systématiquement (être) accompagné d’un tiers de confiance indépendant agréé par l’Etat”. Mais ces décisions n’ont pas eu l’effet escompté et le nombre de chantiers a diminué.

Flash-back sur février

Cette nouvelle version excluait donc les rénovations dites « mono-geste » de MaPrimeRénov’. « Celles-ci consistent à remplacer ou rénover un seul poste, qu’il s’agisse du système de chauffage, de ventilation, d’isolation des murs… »explique à franceinfo Carine Sebi, professeur d’économie à Grenoble Ecole de Management. « Sous la pression des artisans et personnalités d’Anah, nous sommes rentrés »Elle ajoute.

Mi-février, une rencontre entre Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, Guillaume Kasbarian, ministre du Logement, Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), et Jean-Christophe Repon, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises de construction (Capeb), ont eu lieu. Ils « alerté à l’unanimité sur une démarche de rénovation énergétique qui implique désormais une charge administrative trop lourde »a rapporté le ministère de la Transition écologique.

Pour y remédier, trois évolutions ont été ciblées : limiter “aux subventions les plus élevées” LE « obligations d’utiliser un guide agréé », “simplifier le label ‘reconnu garant de l’environnement’ (que les professionnels doivent obtenir pour travailler sur des projets financés par MaPrimeRénov’)surtout pour les petites et moyennes entreprises”Et « lever les restrictions de financement concernant des actions de rénovation simples et efficaces ».

“Une rénovation complète vaut mieux qu’une seule action, mais une seule action vaut mieux que pas de rénovation du tout.”

Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique

lors d’une conférence de presse, le 8 mars

Le premier axe vise à « rationaliser les fichiers ». La seconde devrait permettre à davantage d’entreprises de s’impliquer dans les travaux de rénovation et la troisième devrait relancer les travaux « mono-geste ».

Des changements de règles effrayants

Dans la foulée de ces changements, le gouvernement a annoncé début mars le report au 1er janvier 2025 du recentrage de MaPrimeRénov’ vers les grandes rénovations. Si Carine Sebi se félicite que les aides restent bénéfiques aux ménages les plus précaires, elle s’inquiète de ces « Les politiques publiques à petits pas ». « Cela risque de compromettre l’atteinte de la neutralité carbone du parc immobilier d’ici 2050. Il est donc crucial que le système continue d’encourager et d’accompagner activement les ménages les plus précaires dans leurs rénovations en profondeur, sans exclure les ménages les plus aisés, qui jouent un rôle essentiel. rôle dans la dynamique des actions de rénovation”explique le professeur d’économie.

De plus, ces essais et erreurs brouillent le message envoyé. “Le manque de stabilité est un problème aussi bien pour les ménages que pour les artisans. Si un ménage embauche du travail chez un artisan et que ce dernier lui annonce quelques mois plus tard que les règles ont changé et qu’il n’a plus droit à la prime, cela crée frustration et, au pire, un obstacle à l’action”elle illustre.

“Ce manque de continuité et cette instabilité envoie des signaux effrayants, alors que ce n’est pas forcément un investissement attractif pour les ménages.”

Carine Sebi, professeur d’économie à Grenoble Ecole de Management

sur franceinfo

La décision annoncée par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, n’envoie pas non plus forcément un bon signal. Initialement alloué près de 2,5 milliards d’euros et attendu même jusqu’à 4 milliards d’euros en 2024, le budget alloué à MaPrimeRénov’ a été drastiquement réduit. « Nous avions annoncé une enveloppe supplémentaire de 1,6 milliard de 2023 à 2024 » Et “il y aura toujours une augmentation de 600 millions, mais on récupère 1 milliard”, a relevé le ministre. Un coup dur qui inclut les 10 milliards d’euros d’économies souhaités par le gouvernement, afin de respecter son engagement budgétaire et justifiés par une croissance moins vigoureuse attendue en 2024.

Charlotte

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