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Comment les nouveaux ministres ont-ils voté les dernières grandes lois sociales ?

« Il n’y a aucune ambiguïté quand il s’agit des grandes lois de la liberté »Invité sur France 2, dimanche 22 septembre, Michel Barnier a assuré que les lois sociétales votées ces dernières décennies seraient “entièrement conservé”, notamment la loi sur le mariage pour tous (2013) et la loi sur l’accès à la procréation médicalement assistée (2021). Le Premier ministre a déclaré qu’il serait un « rempart pour préserver tous ces droits acquis pour les hommes et les femmes de France ».

Depuis l’annonce du nouveau gouvernement, plusieurs voix politiques et associatives dénoncent les positions conservatrices, voire « réactionnaires », de quelques nouveaux ministres.

Nous avons étudié les votes des ministres qui siégeaient à l’Assemblée nationale ou au Sénat, lors de l’adoption de sept textes marquants. Dans le gouvernement Barnier, neuf ministres sont passés par le Sénat, vingt ont siégé à l’Assemblée et deux ont été élus dans les deux chambres.

2013 : la loi Taubira instaure le mariage pour tous

En 2013, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe a donné lieu à une bataille politique, parfois très violente envers les personnes LGBT+. Le projet de loi, porté par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, s’est heurté à l’opposition d’une partie de la société, notamment emmenée par La Manif pour tous.

A l’Assemblée nationale, 183 députés UMP ont voté contre cette loi, parmi lesquels Catherine Vautrin, Annie Genevard Et Patrick Hetzel.

Il n’y a pas eu de vote public au Sénat, où l’adoption s’est faite à main levée. Mais une analyse du vote public sur l’article 1euhà condition que le « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe »permet d’identifier les oppositions de l’époque. Bruno Retailleau (qui soutenait La Manif pour tous) avait voté contre, tout comme Sophie Primas Et Buffet François-NoëlParmi les membres du gouvernement Barnier, seuls Thani Mohamed Soilihià l’époque, un membre du groupe socialiste au Sénat avait voté pour.

Bien qu’elle ne soit pas encore sénatrice à l’époque (elle n’est en poste que depuis fin 2020), la secrétaire d’État à la Consommation, Laurence GarnierElle s’était activement impliquée au sein de La Manif pour tous. Candidate à la mairie de Nantes, elle avait déclaré en 2013 que si elle était élue, elle ne célébrerait pas de mariages homosexuels en son nom.

Lire aussi l’histoire : Article réservé à nos abonnés Le mariage pour tous : il y a dix ans, la douloureuse conquête d’un droit

2018 : la loi Schiappa contre les violences sexuelles et sexistes

La loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, présentée en 2018 par la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, consolide le droit pénal : le délai de prescription des crimes à caractère sexuel ou violent commis sur des mineurs a été allongé (à trente ans), leurs peines alourdies (à sept ans) ; et des dispositions ont été créées pour durcir la lutte contre le harcèlement sexuel et moral, dans la rue et en ligne.

Cette loi a suscité une controverse. L’article 2 était au cœur de la controverse. Sa version initiale établissait un “présomption” du viol sur mineur de moins de 15 ans. Modifié à la suite d’un avis négatif du Conseil d’Etat, l’article a perdu son essence en ne précisant que les circonstances dans lesquelles un acte sexuel commis avec un mineur peut être considéré comme un viol.

Thani Mohamed Soilihile nouveau secrétaire d’État à la Francophonie, a voté contre cette loi lorsqu’il était vice-président du Sénat. Il n’a pas non plus signé la tribune des 84 députés et sénateurs de La République en marche en soutien à la loi, publiée le 25 août 2018 dans le Journal du dimanche. Il s’était toutefois exprimé en mai au Sénat sur la loi visant à renforcer l’ordonnance de protection des femmes victimes de violences conjugales. Il avait notamment déposé deux amendements dont l’objectif était de « rendre l’ordonnance de protection plus efficace et permettre ainsi aux victimes d’y avoir davantage recours »dans ses propres mots.

Les explications (en 2018) : Nos réponses aux parents inquiets des prétendus dangers de la loi Schiappa pour les enfants

2021 : la loi bioéthique ouvre la PMA à tous

La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique ouvre le droit à la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, y compris les femmes seules et les couples de lesbiennes, autorise le double don de gamètes et élargit l’autoconservation des ovocytes. Après vingt-deux mois de débats, le texte a été adopté à l’Assemblée nationale le 29 juin 2021 par 326 voix contre 115. Au Sénat, l’analyse des votes est délicate : considérant que les oppositions sur ce texte étaient insurmontables, les sénateurs avaient décidé, avant la troisième et dernière lecture, d’adopter une question préalable en commission, une procédure qui donne le droit de ne pas engager une nouvelle discussion.

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Parmi les députés qui s’y opposent, on trouve : Paul Christophe (Agissant ensemble), devenu ministre de la Solidarité, Annie Genevard (Les Républicains, LR), ministre de l’Agriculture, et Patrick Hetzel (LR), aujourd’hui dans l’enseignement supérieur et la recherche. Ce dernier se pose en champion de l’obstruction en déposant une centaine d’amendements lors de l’examen de la loi.

Quant à Bruno Retailleaualors sénateur et président du groupe LR au Sénat, il avait fait supprimer lors d’une précédente lecture l’article ouvrant la PMA à toutes les femmes – article central rétabli ensuite par les députés.

Lire le décryptage (2021) : PMA, GPA, accès aux origines… Ce que change (ou pas) la loi de bioéthique dans dix situations

2022 : Interdiction des thérapies de conversion

Un projet de loi visant à inscrire l’interdiction des thérapies de conversion dans le code pénal français a été adopté le 25 janvier 2022. Ce texte crée une nouvelle infraction interdisant les thérapies de conversion. « pratiques, comportements ou déclarations répétées visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, réelle ou supposée, d’une personne », résultant en une « altération de sa santé physique ou mentale »sous peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Plusieurs nouveaux ministres, qui siégeaient alors au Sénat, ont voté cette proposition le 7 décembre 2021. Au total, 305 sénateurs ont voté en faveur de l’interdiction des thérapies de conversion, dont sept ministres du gouvernement de Michel Barnier. Seuls vingt-huit sénateurs se sont opposés à ce texte, tous issus du groupe LR, dont deux nouveaux ministres, Bruno RetailleauEt Laurence Garnier.

S’assurer d’être « Évidemment contre la thérapie de conversion »le ministre de l’Intérieur a justifié son vote en expliquant que le texte « évoque aussi l’identité de genre, au nom de laquelle des personnes demandent à changer de sexe, ce qui va bien au-delà de la question de la protection des personnes homosexuelles. »

Lire aussi | « Thérapie de conversion » pour les homosexuels : que dit la loi 2022 ?

2022 : Loi Vignal sur le nom de famille

Ce texte, entré en vigueur en juillet 2022, simplifie à la fois les règles sur le nom usuel et la procédure de changement de nom. En facilitant notamment les démarches des mères souhaitant inscrire ultérieurement leur nom sur les papiers de leurs enfants (notamment après un divorce), il renforce l’égalité entre patronyme et matronymie.

En lecture finale à l’assemblée, Patrick Hetzelest le seul élu de la Chambre, sur 72 présents, à avoir voté contre la loi dite « Vignal » en mars 2022.

Lire aussi : Changer de nom de famille : une nouvelle loi en faveur du nom maternel

2024 : inscription de l’IVG dans la Constitution

Réuni en Congrès à Versailles le 4 mars 2024, le Parlement a adopté largement le projet d’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution française. Le texte a recueilli 780 voix en faveur de cette révision constitutionnelle, et soixante-douze contre.

Des trente-neuf ministres qui composent le nouveau gouvernement, vingt-deux ont pris part à ce vote historique. La plupart (dix-sept) ont voté pour, tandis que trois s’y sont opposés (les sénateurs LR). Bruno Retailleau, Laurence GarnierEt Patrick Hetzel), et deux se sont abstenus (sénateur LR Buffet François-Noëlet le député LR Annie Genevard).

Lire aussi | L’avortement inscrit dans la Constitution : détails des votes des députés et sénateurs réunis au Congrès

2024 : proposition de loi au Sénat sur la prise en charge des mineurs « en questionnement de genre »

En mars 2024, sept des nouveaux ministres du gouvernement Barnier ont voté en faveur d’une loi sur la prise en charge des mineurs en « questionnement sur le genre ». Seul Thani Mohamed Soilihi Et Nathalie Delattre sont contre.

A l’initiative des LR, cette loi vise « superviser les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs présentant des problèmes de genre »Il propose notamment d’interdire les bloqueurs de puberté et d’abroger la “circulaire Blanquer” permettant aux élèves transgenres d’utiliser le nom qu’ils ont choisi à l’école. Le texte s’appuie sur le rapport d’un groupe de travail sous l’égide de la sénatrice (LR) Jacqueline Eustache-Brinio qui a auditionné soixante-sept experts, mais dont les conclusions ont suscité de nombreuses critiques dans les milieux médicaux et associatifs spécialisés, qui s’alarment de son parti pris et de ses recommandations éloignées des réalités du terrain.

Adopté en première lecture au Sénat le 28 mai 2024, ce projet de loi n’a pas été voté à l’Assemblée nationale, dissoute le 9 juin.

Lire aussi l’enquête | Article réservé à nos abonnés Mineurs transgenres : familles et professionnels de santé s’inquiètent de la remise en cause des parcours de soins

Celine

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