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Comment parler de consommation d’alcool avec son adolescent sans lui faire la leçon ?


“JEJ’avais 7 ans, c’était au mariage d’un cousin. Mon grand-père insistait pour que je bois du champagne. Il me l’a servi dans une flûte rien que pour moi. J’étais fier! », raconte Corentin, 19 ans. Ce témoignage, tiré de l’ouvrage Son premier verre – Manuel de prévention positive autour de l’alcool de la sociologue Guylaine Benech, spécialiste du sujet, illustre – avec d’autres – un phénomène bien français : notre rapport à l’alcool se construit dès l’enfance.

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«Nous vivons dans un environnement qui favorise ou banalise l’alcool la plupart du temps», explique le docteur Bernard Basset, spécialiste de santé publique et président de l’association Addictions France. Le modèle véhiculé par les adultes favorise la consommation d’alcool en l’associant à la fête, comme à la belle vie. Les enfants observent et s’habituent à cet environnement culturel. » Problème : la vision que développe un enfant de 8-10 ans autour de l’alcool est prédictive de sa consommation à l’adolescence. Pas étonnant donc qu’à 13 ans, un mineur français sur deux ait déjà bu de l’alcool et qu’à 16 ans, la quasi-totalité (80 %) en ait consommé*.

Le premier « cuisiné », quant à lui, survient en moyenne à l’âge de 15 ans. « Cette première expérience d’être ivre a lieu durant ces années charnières que sont la fin du collège et l’entrée au lycée », explique Guylaine Benech. Bien avant l’âge légal auquel on est censé pouvoir se procurer de l’alcool. “Ce que l’on constate lorsqu’on interroge les jeunes, c’est qu’ils ont des occasions fréquentes de boire, aussi bien au sein de la famille que loin du regard de leurs parents”, poursuit l’expert. Pour eux, une fête sans alcool n’est pas une vraie fête. Ils considèrent que boire de l’alcool, c’est cool, ça les aide à socialiser. » Et même si l’on constate quelques améliorations fragiles – la consommation d’alcool est plutôt en baisse chez les moins de 25 ans – le niveau de consommation reste préoccupant.

Deux tendances sont particulièrement inquiétantes : une hausse de la consommation chez les jeunes femmes et une stabilisation du phénomène de consommation massive d’alcool (les fameux « binge Drinking »), principalement chez les garçons. Lorsqu’on les interroge, il apparaît que 44 % des mineurs de 17 ans ont bu beaucoup au moins une fois au cours du mois écoulé*.

Le « Binge Drinking », un effet délétère sur le cerveau

Sauf que boire régulièrement de l’alcool durant ses jeunes années est tout sauf anodin. «On sait aujourd’hui que la maturation du cerveau ne s’achève que vers 25 ans», rappelle le docteur Bernard Basset. Jusqu’à cet âge, le cerveau est beaucoup plus vulnérable aux neurotoxiques. » Résultat : lorsqu’un adolescent boit beaucoup, une destruction neuronale a lieu, encore plus importante que chez l’adulte. « Quant aux ivresses répétées, l’imagerie cérébrale nous montre ses conséquences avec des lésions sur certaines zones », explique Guylaine Benech. Et même si ces dégâts sont régressifs lorsque la consommation s’arrête, ils ont des conséquences sur la vie quotidienne : pertes de mémoire, difficultés de concentration, qui peuvent mettre en péril, par exemple, la réussite des études supérieures. » Sans compter les risques à moyen et long terme comme l’addiction ou le développement de cancers.

Alors, que pouvez-vous faire pour protéger votre enfant ? «Il y a des informations à donner à nos ados, mais pas la veille du soir», explique Guylaine Benech. Le plus intéressant est d’entamer un dialogue avec son enfant dès son plus jeune âge et d’avoir des discussions très régulières à ce sujet. » Car, si les jeunes semblent plutôt bien informés sur le risque routier en cas de consommation d’alcool, ils le sont relativement peu sur d’autres risques pourtant majeurs : violences et agressions sexuelles liées à la consommation d’alcool, risques de chutes, trous noirs, risques de coma éthylique, etc.

L’idée est que ces sujets fassent l’objet de conversations régulières afin que les jeunes entrent informés dans la soirée. “Quand on dit “Ne bois pas trop”, on ne dit pas grand chose”, constate le sociologue. Nos jeunes ont besoin de conseils très concrets, très pratiques. » Donnez des lignes directrices donc et invitez votre adolescent à réfléchir par lui-même (plutôt que de lui faire la leçon), même si Guylaine Benech le souligne : « Le rôle des parents est aussi de fixer un cadre clair. Les études le montrent : les mineurs dont les parents expriment clairement leur désapprobation de voir leur enfant consommer de l’alcool boivent moins que les autres… Autrement dit, cela n’empêchera pas forcément la transgression (inhérente à l’adolescence) mais la limitera. . »

Challenge de janvier, une réussite encourageante

Dernier élément qui préoccupe et intéresse les adolescents : le pouvoir des lobbies de l’alcool et l’influence du marketing auprès des jeunes, via des inventions comme le champagne pour enfants par exemple, ou les prémix, ces boissons à base de bière ou de vin auxquelles on ajoute du sucre et des arômes. « Les adolescents sont l’une des principales cibles des acteurs économiques, qui déploient toute une stratégie pour s’implanter sur le marché des jeunes », constate Guylaine Benech. Or, on se rend compte que les adolescents recherchent des informations sur ces sujets, car comprendre ces mécanismes les aide à faire des choix plus éclairés…”

D’ailleurs, l’un des phénomènes les plus encourageants de ces dernières années est le succès du défi de janvier (adapté de Dry January), mis en place par le secteur associatif, qui consiste à réduire – ou arrêter – sa consommation d’alcool pendant un mois. « La notion de défi fonctionne bien chez les jeunes, constate le docteur Bernard Basset. Cela permet de s’interroger sur la place de l’alcool dans nos vies sociales, amicales et amoureuses, mais aussi de s’orienter vers des boissons non alcoolisées. Cette opération donne des résultats à court terme mais pas seulement. Toutes les études montrent que ceux qui relèvent le défi de janvier ont tendance à réduire durablement leur consommation. »

*Source : Observatoire français des drogues et tendances addictives (OFDT).


Anna

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