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« Concrètement pour nous, ça n’a pas beaucoup d’impact », selon un économiste de l’OFCE

Avec une dette dépassant les 3 000 milliards et un déficit de 5,5% du PIB en 2023, l’exécutif est suspendu du verdict des agences de notation. Fitch et Moody’s annonceront vendredi 26 avril s’ils abaissent ou non la note de la dette souveraine de la France. Pour Xavier Timbeau, économiste, directeur de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), difficile de dire si la note française sera dégradée ou non ce soir.

“Les agences de notation ne vont pas prendre le risque de porter un jugement très négatif, alors que tout le monde semble dire qu’il n’y a pas de problème aujourd’hui”déclare Xavier Timbeau, sur franceinfo, vendredi 26 avril. “Après, la communication du gouvernement a été jugée assez floue, elle ne donnait pas le sentiment de bien maîtriser sa stratégie budgétaire”, concède l’économiste. Une chose est sûre, selon lui, ils “nous ne allons pas nous dire des choses que nous ne savons pas déjà. En fait, tout est sur la table, tout est transparent”.

franceinfo : Aujourd’hui, quelle est l’audience de la France et que dit-elle de notre pays et de sa situation ?

Xavier Timbeau : Chaque agence a sa propre échelle. Mais disons que le score de la France se situe dans ce qu’on appelle le “haut grade”, cela signifie une très bonne qualité. Il y a un cran au-dessus qui est encore de premier ordre, c’est le triple A. Et la France l’a perdu depuis quelques temps. On est donc dans la zone « très bonne note », mais il y a mieux. Donc si vous voulez, c’est un 17 ou un 17,5/20.

Nous sommes donc toujours sur une très bonne note.

On est sur une très bonne note, on est sur de la très bonne qualité. Et cela reste important, car cela dit que si vous investissez dans la dette publique française, vous achetez en réalité quelque chose de sûr. Alors qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie qu’il n’y aura aucun défaut de paiement sur cette dette. Je vous rappelle que la dernière fois que la France a fait défaut sur sa dette, c’était en 1797. C’était donc il y a très, très longtemps. Il n’y a donc pas de défaut, il n’y aura pas de défaut partiel et donc vous pouvez y placer votre argent en toute confiance, même si la rémunération associée est plutôt faible. C’est l’avantage d’avoir un titre de bonne qualité, c’est qu’il ne coûte pas cher d’emprunter et qu’il ne rapporte pas beaucoup lorsque vous y investissez votre argent.

Nous n’avons pas de boule de cristal, mais peut-on pour autant s’attendre à ce que la note française ne soit pas dégradée ce soir ? ?

C’est donc difficile à dire. De plus, les agences entretiennent soigneusement leur communication dans cette optique. La notation des pays, il faut voir que pour ces agences de notation, c’est une sorte de vitrine et un moyen de faire parler d’eux. C’est fait gratuitement, donc personne ne paie pour cela.

“Le travail des agences de notation est de noter tous les titres financiers du secteur privé, et c’est une façon pour nous de savoir s’ils existent.”

Xavier Timbeau, économiste et directeur de l’OFCE

franceinfo

Et donc plus on parle d’eux, plus ils sont heureux. Donc ils ne dégraderont probablement pas la France car la France est dans une situation plutôt solide. Les marchés financiers prêtent à la France à un taux qui n’a pas changé malgré les mauvaises nouvelles économiques, les mauvaises nouvelles économiques. On pourrait dire oui, mais cela doit forcément faire baisser la note.

Parce qu’il y a eu la dette qui a dépassé les 3 000 milliards, le déficit qui a atteint 5,5% du PIB en 2023. Mais vous dites non, ça n’entraîne pas forcément une dégradation, ce n’est pas automatique.

C’est une mauvaise nouvelle. Mais la question n’est pas de savoir quand il y a une mauvaise nouvelle, hop, ça entraîne une dégradation de la note, c’est de savoir est-ce que cette mauvaise nouvelle entraîne une augmentation du risque de défaut de la France ? Et là, c’est difficile d’avoir un raisonnement qui justifierait ça. Cela se voit notamment parce que, sur les marchés financiers, les taux d’intérêt pratiqués pour la France n’ont pas augmenté, l’écart avec l’Allemagne est faible. Les agences de notation ne vont donc pas prendre le risque de porter un jugement très négatif, alors que tout le monde semble dire qu’il n’y a pas de problème aujourd’hui.

Par la suite, la communication du gouvernement a été jugée assez floue, elle ne donnait pas le sentiment de bien maîtriser sa stratégie budgétaire. Le fait de ne pas respecter la procédure budgétaire en l’absence de loi de finances rectificative et le recours à des décrets pour refaire les fameux 10 milliards puis 20 milliards d’économies en 2024. Autant d’éléments qui montrent qu’il existe un petit risque de manque de consensus politique, et qu’il pourrait donc y avoir une opposition, un vote de censure ou lors des prochaines élections, un changement de majorité. Ce sont des facteurs d’instabilité que les agences de notation peuvent peser.

“Alors peut-être qu’ils auront un jugement légèrement négatif en ne modifiant pas la note, mais en mettant une perspective négative sur cette note.”

Xavier Timbeau, économiste et directeur de l’OFCE

franceinfo

Quel impact cela a-t-il, concrètement, pour nous ?

Concrètement, pour nous, cela n’a pas beaucoup d’impact. Encore faut-il en être conscient. En effet, les personnes qui investissent, les investisseurs professionnels qui sont de grandes banques, des fonds de pension et qui possèdent de très gros portefeuilles, recherchent des actifs sûrs. Ils essaient d’acheter des titres de créance allemands et lorsqu’il n’y a pas de titres de créance allemands, ils achètent des titres de créance français. Et ils s’informent, ils savent, ils suivent. L’analyse réalisée par l’agence de notation. Ce n’est pas très important pour eux car en fait ils sont capables de faire eux-mêmes leurs analyses. Il existe de nombreux documents gratuits disponibles partout.

Vous pouvez également vous adresser au gouvernement ou à l’Agence France Trésor. Il y a beaucoup de communication à ce sujet. Donc en fait, l’agence de notation ne contribue pas beaucoup à tout cela. Ce qui veut dire que lorsqu’elle dit quelque chose, elle retranscrit le consensus général plus qu’elle ne fournit de véritables informations. Lorsqu’il note des titres privés, Renault souhaite émettre de la dette par exemple, il va demander une notation à l’agence de notation. Elle est payée par Renault et elle va regarder en détail. Elle fera des simulations, elle regardera les aspects juridiques, elle regardera les aspects économiques, elle comparera avec d’autres entreprises. Il y a un vrai travail d’analyse en cours. Et ça, ce travail d’analyse, oui, peut changer les choses dans la situation de Renault. Mais pour un pays souverain…

Les agences s’influencent-elles mutuellement ? Il y en a deux qui prennent leurs décisions ce soir, le troisième arrive un peu plus tard, fin mai, est-ce qu’on regarde ce que fait l’autre ?

Oui, bien sûr, ils se regardent. Il peut y avoir un petit jeu pour essayer de capter de la lumière entre eux. En même temps, derrière, il y a leur réputation de sérieux qui est en jeu, donc ils ne peuvent pas non plus dire des choses trop dissonantes. Mais oui, il y a peut-être à un moment donné un mouvement qui s’opère avec une agence qui va dire ‘là, je vais m’éloigner un peu du consensus et je vais dire ce que tout le monde pense, mais que personne dit’.

Cela peut donc avoir un petit effet cathartique pour une agence de notation. Car il est encore, parmi les acteurs qui donnent leur avis sur ce sujet, un de ceux qui ont le plus de médiatisation et donc, de ce fait, ils ont un poids qui peut être important. Mais il ne faut vraiment pas s’attendre à une surprise, ils ne vont pas nous dire des choses que nous ne savons pas déjà. En fait, tout est sur la table, tout est transparent.

Et une note reste une opinion.

Une note reste une opinion. Ceci relève de la seule responsabilité de cette agence de notation. Après, on sait quand même qu’une dégradation, si elle venait à se produire, aurait encore un impact assez fort sur le débat politique. En plus, en période préélectorale, on aura bientôt la campagne européenne et là, peut-être que ça peut aussi être un argument pour dire que les agences seront prudentes parce que derrière elles, il y a aussi leurs relations avec le gouvernement. Il y a la relation du gouvernement avec les investisseurs. Peut-être qu’en période électorale, on ne joue pas trop avec le feu. Mais bon, on verra.

Celine

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