Sélectionné aux prix Goncourt et Renaudot, le premier roman de Mokhtar Amoudi, « Les conditions idéales », est une immersion dans l’enfance et l’adolescence d’un garçon qui veut s’évader de son environnement. Attachant.
Il y a de tout dans ce premier roman de Mokhtar Amoudi, Les conditions idéales (éditions Gallimard) : belle écriture, bel humour, sincérité désarmante, références subtiles et espoir à portée de main. La sincérité avant tout. Il est difficile d’écrire un livre sur les banlieues sans tomber dans des clichés éculés, usés jusqu’à l’ennui profond, comme le frère trafiquant de drogue devenu islamiste, la jeune fille studieuse qui veut s’émanciper et les parents analphabètes qui sont silencieux, accablés et attendent que les morts aillent se reposer à la campagne. Clichés et stéréotypes, pages pleines, saturation des écrans. Alors une voix s’élève, parce qu’elle est sincère et bienveillante, et le livre devient un objet littéraire. Mokhtar Amoudi nous emmène sur les traces de Skander, un garçon comme les autres, dans cet étrange pays limitrophe de Paris, Neuf-Trois (93).
Le fabuleux voyage de Skander
Skander n’a pas eu une vie facile. Transporté de famille d’accueil en famille d’accueil, le jeune étudiant trouve refuge dans le dictionnaire. «Dans le Larousse, nous avons trouvé le monde entier expliqué. Il y avait ces expressions latines au sens caché mais toujours défini. Abandonné par ses parents, Skander est un excellent élève, qui souffre en silence. « Je m’en étais convaincu, j’étais mauvais et inutile à tout le monde puisqu’en temps de paix on n’abandonne pas son enfant. J’ai été maudit à la naissance. » D’une plume alerte, pleine d’empathie, Mokhtar Amoui nous entraîne dans le parcours chaotique, à la limite de la violence systémique, d’un enfant qui n’aspire qu’à réussir ses études et qui se retrouve confronté à une société inégalitaire.
Neuf-Trois ou l’histoire d’un transfuge
Comment se libérer du déterminisme social ? Le Neuf-Trois, donc. Skander y atterrit, comme par hasard, sans y être préparé. Il se retrouve chez Madame Khadidja. Le choc est terrible. Il passe d’une famille d’accueil stable à un quartier difficile, euphémisme pour ghetto. Au revoir, bonnes notes. «Mon apogée académique était comparée à la Renaissance ; un bon souvenir qui ne reviendra jamais. Les conditions idéales, un roman autobiographique ? Mystère pour le lecteur qui s’attache à Skander dans son parcours de transfuge. Avec son sens de la formule, Mokhtar Amoudi donne vie à une multitude de personnages tous aussi attachants les uns que les autres, la palme revenant à Madame Khadidja, femme exceptionnelle et résiliente. Mokhtar Amoudi évoque toutes ces vies brisées avec beaucoup de pudeur.
Les conditions idéales, un premier roman aussi puissant qu’attachant. Mokhtar Amoudi, naissance d’une plume subtile.
(Les conditions idéales, Mokhtar Amoudi, éditions Gallimard, 21 euros)
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