Consommation d’alcool | « Il n’y a pas de seuil de consommation qui soit sans danger »
(Ottawa) Aucune quantité d’alcool n’est bonne pour la santé. C’est la conclusion du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCLAT), chargé de revoir les lignes directrices sur la consommation d’alcool. Dans son rapport, qui sera dévoilé mardi, il recommande à Santé Canada de modifier son approche pour inciter les gens à boire moins et de rendre obligatoires les mises en garde sur les bouteilles.
« Les jours où vous consommez de l’alcool, limitez votre consommation à deux consommations standard », résume Catherine Paradis, directrice adjointe de la recherche par intérim au CCLAT, en entrevue. Il s’agit de la quantité jugée à faible risque pour éviter les effets négatifs sur la santé.
Le groupe d’experts qu’elle a co-présidé a procédé à une revue exhaustive de la littérature scientifique sur le sujet. Il avait été mandaté par Santé Canada pour mettre à jour les lignes directrices fédérales sur la consommation d’alcool à faible risque en vigueur depuis 2011. Son rapport final a subi quelques modifications par rapport au document de consultation rendu public l’été dernier, mais ses conclusions sont les mêmes.
« Il n’y a pas de seuil de consommation d’alcool qui soit sans danger », explique Mme.moi Paradis, citant au passage un article paru en janvier dans la revue scientifique Lancet Santé publique par des chercheurs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui sont arrivés aux mêmes conclusions.
Le CCSA propose donc une petite révolution dans la manière d’aborder la consommation d’alcool. Finie la recommandation de 2 verres standard par jour jusqu’à 10 par semaine pour les femmes et de 3 verres standard par jour pour les hommes jusqu’à 15 par semaine pour les hommes. Au lieu de cela, il offre un « continuum de risque » basé sur la quantité d’alcool consommée par semaine afin que les gens puissent faire des choix éclairés.
- Risque faible : 1 ou 2 verres standard par semaine
- Risque modéré : 3 à 6 verres standards par semaine
- Risque de plus en plus élevé : 7 consommations standard ou plus
Selon ces nouveaux repères, peu de risques sont associés à la consommation de 1 ou 2 verres par semaine, sauf pendant la grossesse, où il vaut mieux s’abstenir. Le risque de développer plusieurs cancers, comme celui du sein ou du côlon, augmente lorsque vous buvez 3 à 6 verres par semaine et le risque d’avoir une maladie cardiaque ou un accident vasculaire cérébral s’ajoute lorsque vous buvez 7 verres ou plus par semaine. L’alcool est également impliqué dans les maladies du foie, en augmentation dans le pays, et dans les épisodes de violence.
« Le premier message devrait être le suivant : on ne boit pas pour notre santé et il n’y a pas de consommation qui soit bonne pour notre santé », souligne Réal Morin, médecin spécialiste en santé publique et en médecine préventive à l’Institut national de santé publique du Québec ( INSPQ). « Il y avait une ambiguïté auparavant là-dessus », ajoute-t-il.
L’INSPQ entend revoir son contenu informatif sur l’alcool et la santé pour y intégrer ces nouvelles données. Le Dr Morin note que l’approche scientifique du CCSA a été « très, très rigoureuse » et qu’elle « respecte à tous égards les normes de qualité les plus élevées ».
Nous allons clairement intégrer ce continuum dans nos messages, dans nos campagnes. La seule chose avec laquelle nous ne sommes pas très à l’aise, c’est de parler de consommation par semaine.
Geneviève Desautels, directrice générale d’Éduc’alcool
« Il y a une croyance qui dit ‘Je ne bois pas la semaine, mais je bois le week-end' », explique-t-elle. Les gens vont penser ça comme ça : j’ai droit à 6 verres et je vais rester en bonne santé. Non ! »
C’est pourquoi le CCSA, dans son rapport final, recommande de limiter la consommation à 2 verres standards les jours de consommation d’alcool.
Vers des avertissements sur les bouteilles ?
Dans son rapport, le CCSA recommande également que le gouvernement fédéral rende obligatoire l’étiquetage des bouteilles d’alcool afin que les gens soient informés du nombre de verres standard qu’elles contiennent, des nouvelles directives de consommation et d’un avertissement sur les risques pour la santé. Le sénateur Patrick Brazeau a déjà déposé un projet de loi à cet effet au Sénat.1.
Éduc’alcool, qui est responsable des campagnes sur la consommation responsable d’alcool au Québec, est favorable au fait que le nombre de verres standards soit inclus, mais pas l’avertissement. L’association, qui réunit des acteurs de l’industrie, de la société civile et des scientifiques, avance que plusieurs autres facteurs peuvent provoquer le cancer et qu’il est difficile de l’associer à la seule consommation d’alcool. . Or, l’OMS considère que l’alcool est un cancérogène du groupe 1 au même titre que le tabac ou l’amiante.
Une boisson c’est…
341 ml de bière, cidre, glacière ou prêt-à-boire 5% d’alcool
142 ml de vin à 12% d’alcool
43 ml d’alcool à 40%
Source : Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances
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