Consommation. L’Europe marque le début de la fin de tout ce qui est jetable

Heinrich Jung, 67 ans, se tient devant une étagère métallique où attendent les commandes traitées les jours précédents : un sèche-cheveux dont le mécanisme anti-surchauffe ne fonctionnait plus ; un mixeur dont il a changé le câble d’alimentation ; une friteuse dont il a remplacé le thermostat. « Ces appareils sont à nouveau en parfait état de fonctionnement, déclare l’expert en électronique d’Ingelheim en Rhénanie-Palatinat. Il aurait été absurde de les jeter à la poubelle.»

Depuis plus de quarante ans, l’électricien vert mène un combat solitaire contre la société du jetable. Utiliser le moins de matériel possible, trouver des pièces détachées d’occasion et ne pas acheter d’appareils neufs, tels sont les principes de BlitzBlume, sa petite entreprise de réparation. Il précise :

“Cela vaut la peine d’être réparé, pour les clients et pour l’environnement.”

Heinrich Jung pose un pot de confiture sur son établi. Celui-ci contient plus de 200 interrupteurs hors ligne, des composants électroniques qui coûtent 4 euros chacun. Si cette pièce est défectueuse dans une machine à laver, cela provoque une panne irréparable sur un élément à 200 euros, si bien que ces machines ne sont, le plus souvent, pas réparées mais mises au rebut.

L’électricien revend ces composants pour quelques euros, ce qui non seulement fait plaisir à ses clients mais a aussi pour effet de réduire le volume des déchets. Parce qu’ils pèsent environ 100 grammes. En jetant 200 machines à laver, on produit 11 tonnes de déchets, soit de quoi théoriquement former une tour de 180 mètres de haut. « Si nous continuons comme ça, il a dit, nous ne parviendrons jamais à l’économie circulaire.

« Réparer plutôt que jeter »

A Bruxelles, l’Union européenne (UE) est du même avis. Elle adopte depuis plusieurs années des réglementations pour favoriser la longévité des appareils. Depuis des années (depuis 2021), il ordonne que les biens de consommation les plus chers, comme les machines à laver, les lave-vaisselle, les téléphones portables et autres tablettes, soient fabriqués de manière à pouvoir être réparés pendant dix ans. Les consommateurs devraient voir ce droit à la réparation élargi. « Réparer plutôt que jeter, tel doit être le nouveau mantra », explique René Repasi, député européen SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne) et rapporteur du projet (adopté par le Parlement européen mardi 23 avril).

La théorie est bonne, mais la pratique est très différente. Les fabricants de machines à café, de cuisinières électriques, de téléphones portables ou d’ordinateurs portables préfèrent se lancer dans des guerres de prix ou rivaliser sur les dernières fonctionnalités. Ils attachent peu d’importance à la qualité et à la longévité, considèrent la réparabilité comme une obligation lourde et s’efforcent de l’éviter autant que possible.

Pas moins de 35 millions de tonnes de déchets

Lorsqu’un appareil ne fonctionne plus, la plupart des marques d’électroménager préfèrent généralement vous en proposer un nouveau. Un grand nombre de constructeurs réduisent leur service après-vente et leurs stocks de pièces détachées. Les artisans se demandent comment valoriser leur travail puisqu’on peut trouver une machine à laver pour à peine 200 euros sur Internet. Chez les artisans spécialisés, la part des réparations pour les particuliers est passée de 50 % de leur activité en 2017 à un peu moins de 7 %. Plus de 2 500 d’entre eux ont jeté l’éponge au cours des huit dernières années.

Selon les calculs de la Commission européenne, chaque année, l’élimination prématurée de nombreux appareils électriques et électroniques représente pour l’ensemble de l’UE 35 millions de tonnes de déchets supplémentaires, 30 millions de tonnes de ressources gaspillées et 261 millions de tonnes d’équivalent CO.₂.

Si les ordinateurs portables, les téléphones portables et les machines à laver duraient aussi longtemps que nous le souhaitions