(Ottawa) Un an avant qu’un contrat de télécommunications pour la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ne soit attribué à une entreprise liée à la Chine, l’ancien ministre de la Sécurité publique Bill Blair a fait valoir dans une lettre à ses collègues de l’opposition que le gouvernement fédéral devrait être plus vigilant dans l’attribution de contrats à des entreprises détenues par des États étrangers.
« Il y a un risque que des acteurs étrangers menaçants essaient d’exploiter les appels d’offres à leur avantage », écrit-il aux élus dans une lettre datée du 18 décembre 2020, que La presse obtenu dans le cadre du Loi sur l’accès à l’information.
« Les entreprises d’État peuvent utiliser leurs vastes ressources financières à leur avantage, leur permettant de soumissionner à moindre coût aux entreprises canadiennes et ainsi s’insérer dans nos infrastructures et nos services pour miner notre sécurité », a-t-il ajouté. .
Quelqu’un n’a peut-être pas eu la note de service, car moins d’un an plus tard, Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) a rejeté l’offre de la firme québécoise Comprod en faveur de celle de Sinclair Technologies, une entreprise établie au Canada, mais qui est liée à Pékin.

PHOTO NICK IWANYSHYN, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE
Bill Blair, ancien ministre de la Sécurité publique
L’écart entre les soumissions était de moins de 60 000 $, selon les informations de Radio-Canada qui rapportait en décembre dernier l’existence du contrat de 550 000 $ pour fournir à la GRC des équipements pour sécuriser ses radiocommunications terrestres. .
La valeur du contrat, qui a été octroyé en octobre 2021 à la suite d’un processus de vérification de SPAC, peut sembler marginale puisque année après année, le gouvernement fédéral accorde chaque année 22 milliards de dollars en contrats de biens et services.
« Il est certain que nous ne pouvons pas évaluer le risque pour la sécurité nationale de chacun des appels d’offres. Mais j’ose croire que l’équipement radio que nous achetons pour les forces policières devrait être en tête de liste », déclare Stephanie Carvin, professeure adjointe d’affaires internationales à l’Université Carleton.
Le cas de Sinclair Technologies témoigne, selon ce spécialiste des questions de sécurité nationale, « d’un problème à plus grande échelle » et devrait inciter le gouvernement fédéral à opter pour une « stratégie de gestion des risques » plus rigoureuse et « souple », en plus à collaborer davantage avec ses partenaires du groupe Five Eyes (Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et États-Unis).
Une approche « en silo » du changement
Dans ce cas, le gouvernement du Canada aurait pu se tourner vers les États-Unis, où Hytera Communications avait été mise sur liste noire. La société chinoise, détenue à environ 10% par Pékin via un fonds d’investissement, contrôle Sinclair Technologies depuis 2017.
Une commission parlementaire étudie actuellement le contrat, qui a été suspendu.
En 2020, un autre comité a examiné un contrat d’équipement de sécurité attribué à une autre société chinoise, Nuctech.
Dans un rapport intitulé Assurer un cadre de sécurité solide pour l’approvisionnement fédéralil recommandait, entre autres, qu’Ottawa assure « la conduite d’une évaluation rigoureuse des risques au début de tout processus d’approvisionnement en renforçant la liste de contrôle des exigences de sécurité ».
Le député Pierre Paul-Hus, qui était membre de cette commission, estime qu’il faut en finir avec le mode de fonctionnement « en silo » en matière d’approvisionnement si l’on veut éviter que des entreprises malveillantes ou des acteurs étatiques ne passent entre les mailles du filet.
«Ce que nous avons vu dans le cas de Nuctech, c’est que si personne dans le département ne lève un drapeau, PSPC procède à l’achat. C’est ce qui s’est passé en 2020 et c’est ce qui vient de se reproduire. Il n’y a toujours pas de cohésion et cela doit changer », insiste l’élu conservateur.
Aucune faille de sécurité, dit Ottawa
En comité lundi, le sous-commissaire des services de police spécialisés de la GRC, Bryan Larkin, a rapporté que contrairement à la Commission fédérale des communications à Washington, la police fédérale ne dispose pas d’un inventaire des entreprises ayant des activités ou des relations. discutable.
Le successeur de Bill Blair au ministère de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a déclaré à la même table de comité qu’il n’avait aucune raison de croire que la sécurité nationale aurait pu être compromise par l’attribution du contrat à Sinclair Technologies. .
La police fédérale a soutenu la même chose.
Le gouvernement Trudeau a néanmoins reconnu que le contrat n’aurait jamais dû être paraphé.
« Notre fonction publique indépendante n’aurait jamais dû signer ce contrat. […] Nous nous attendons à ce que les questions de sécurité nationale soient au cœur de toutes les décisions que nous prenons », a déclaré la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, en décembre dernier.
Avec Guillaume Leclerc, La presse
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