Coppola et Cannes, cinq décennies de présence et deux Palmes d’Or pour le créateur du Parrain

Figure du Nouvel Hollywood, double lauréat de la Palme d’Or et président du jury, Francis Ford Coppola a laissé une marque indélébile au Festival de Cannes. Retour sur son histoire en 4 films.

France Télévisions – Culture Edito

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Portrait du réalisateur Francis Ford Coppola au Festival international du film de Cannes 1979, l'année où il remporte la Palme d'Or pour

Avec cinq Oscars et deux Palme d’Or, Francis Ford Coppola a marqué le monde du cinéma avec des films inoubliables. Entre la trilogie de Parrain, La conversation Ou Apocalypse maintenant, Coppola a aussi laissé son empreinte sur la Croisette. Grande figure du Nouvel Hollywood, il fut président du jury du Festival de Cannes en 1996. Quarante-cinq ans après avoir remporté une Palme d’Or en 1979 pour Apocalypse maintenantFrancis Ford Coppola présente en compétition pour cette nouvelle édition, son nouveau film Mégalopole. Retour sur les quatre films de Francis Ford Coppola présentés au Festival de Cannes, pas toujours connus de tous.

« Tu es un grand garçon maintenant » (1966)

Comédie tombée dans l’oubli, Tu es un grand garçon maintenant Ou Grand garçon est une adaptation du roman du même nom de David Benedictus de 1963. Le film raconte l’histoire de Bernard Chanticleer, surnommé « Big Boy » par ses parents autoritaires et conservateurs des incunables de la bibliothèque publique de New York. Bernard tombe amoureux de la belle et froide actrice Barbara Darling qui déteste les hommes après avoir été agressée sexuellement lorsqu’elle était petite.

Francis Ford Coppola a réalisé le film dans le cadre de son projet de thèse pour sa maîtrise en systèmes universitaires anglo-saxons à l’Université de Californie. Il est alors sous contrat avec Seven Arts Productions pendant trois ans. Coppola a écrit une quinzaine de scénarios, dont la plupart n’ont jamais été réalisés. Tu es un grand garçon maintenant a fini par dépasser le budget et a coûté près d’un million de dollars, que Coppola n’a récupéré qu’une fois vendu à la télévision.

Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 1967 comme seule participation américaine, le film s’inscrit dans une thématique populaire à l’époque. Celui d’un jeune homme amoureux d’une femme prédatrice et tentant d’échapper aux conventions sociétales de la génération de ses parents. Le film Le diplômé de Mike Nichols, sorti un an auparavant Tu es un grand garçon maintenant, reprend ce même type d’histoire. L’actrice Geraldine Page a été nominée pour un Oscar et un Golden Globe dans la catégorie Meilleure actrice dans un second rôle pour son interprétation de Margery Chanticleer, la mère de Bernard. Elle n’a gagné dans aucune des compétitions.

« La conversation » (1974)

Thriller d’espionnage mémorable, La conversation est un film multi-primé, notamment avec la Palme d’Or au Festival de Cannes 1974, la première pour Francis Ford Coppola. L’acteur Gene Hackman incarne un expert en surveillance confronté à un dilemme moral lorsque ses enregistrements révèlent un meurtre potentiel. Acclamé par la critique, le film connaît néanmoins un score décevant au box-office.

En 1966, Francis Ford Coppola était fasciné par les inventions dans le domaine de l’espionnage et notamment de la surveillance. Inspiré du film Exploser (1966) de Michelangelo Antonioni, le film utilise par hasard le même équipement de surveillance et d’écoute électronique que le gouvernement Nixon utilisait pour espionner ses opposants politiques, avant le scandale du Watergate. Souvent lié à ce scandale et à la déliquescence de la vie politique américaine, le film a été réalisé bien avant ces événements, même s’il en fut un précurseur. Francis Ford Coppola avouera que c’est son film préféré dans sa filmographie.

Le film influence en partie Brian De Palma pour son film Éteindre sorti en 1981, avec John Travolta et Nancy Allen. En 1995, La conversation a été sélectionné pour être conservé dans le National Film Registry des États-Unis par la Bibliothèque du Congrès sous le titre « culturellement, historiquement ou esthétiquement significatif.« 

« Apocalypse maintenant » (1979)

Apocalypse maintenant, est le plus grand succès de Francis Ford Coppola. Adaptation revisitée du court roman Cœur des ténèbres de Joseph Conrad, cela lui vaut une deuxième Palme d’Or, partagée avec l’Allemand Volker Schlöndorff pour La batterieune autre grande adaptation littéraire. Apocalypse maintenant est classé 28ème parmi les 100 meilleurs films du cinéma américain par l’American Film Institute.

Considéré comme l’un des meilleurs films de tous les temps, Apocalypse maintenant raconte la mission du capitaine Willard pendant la guerre du Vietnam. Il est chargé par les services secrets de l’armée américaine de retrouver et d’exécuter le colonel Kurtz, dont les méthodes sont jugées « mauvais pour la santé ». Implanté au-delà de la frontière avec le Cambodge, Kurtz a pris la tête d’un groupe de Mnong et mène des opérations sauvages contre l’ennemi.

George Lucas est d’abord pressenti pour réaliser le film, mais les studios américains se montrent réticents à réaliser un film sur cette guerre décriée aux Etats-Unis. Francis Ford Coppola relance le projet en 1975 et n’hésite pas à investir sa fortune personnelle en hypothéquant tous ses biens. Le documentaire Hearts of Darkness : l’apocalypse d’un réalisateur (1991) retrace le parcours chaotique du film. Un typhon dévaste le plateau, l’acteur Martin Sheen est victime d’une crise cardiaque et Marlon Brando, qui avait promis de perdre du poids, arrive sur le plateau obèse et accro aux stupéfiants. Accablé, Coppola se drogue, sombre pratiquement dans la folie et tente de mettre fin à ses jours.

La production se résume à 250 heures d’images et l’équipe de montage est mise à rude épreuve. Après trois ans de préparation, le film sort en salles en 1979. Cette odyssée dans l’horreur de guerre à la puissance visuelle hypnotique est sans égal dans l’œuvre de Coppola. Apocalypse maintenant Reduxune nouvelle version avec 50 minutes supplémentaires, a été présentée au Festival de Cannes 2001.

Lors du Festival de Cannes 1979, une polémique s’est développée. Coppola aurait fait chanter Gilles Jacob, Maurice Bessy et Robert Favre Le Bret, les directeurs du festival. Coppola n’aurait accepté de présenter le film qu’à condition qu’il remporte la Palme d’Or. Françoise Sagan, la présidente du jury, n’aurait apprécié ni le film ni ce marché imposé. Le compromis d’une double Palme d’Or aurait alors été proposé, une approche actuellement impossible avec la réglementation actuelle. Thierry Frémaux et Gilles Jacob nient ce qu’ils considèrent comme une légende urbaine, expliquant que la seule condition de Coppola était que le film soit en compétition.

«Histoires de New York» (1989)

Histoires de New York (1989) est un film composé de trois courts métrages dont le thème central est New York. Il a été présenté au Festival de Cannes en 1989. Le premier, Leçons de vie est réalisé par Martin Scorsese. La deuxième, La vie sans Zoé est écrit et réalisé par Francis Ford Coppola, assisté de sa fille Sofia pour l’écriture. Le dernier, L’intrigue d’Œdipe (épaves d’Œdipe) est écrit et réalisé par Woody Allen. Ce film marque les débuts au cinéma d’Adrien Brody et Kirsten Dunst.

Le segment réalisé par Coppola raconte l’histoire de Zoë, une écolière de 12 ans vivant dans un palais. Elle découvre une boucle d’oreille offerte à son père Claudio par Soraya, une princesse arabe interprétée par Carole Bouquet. Parallèlement, elle tente de réconcilier sa mère Charlotte, photographe, et son père, joueur de flûte.

Zoë est interprétée par Gia Coppola, petite-fille de Francis Ford Coppola et fille de Gian-Carlo Coppola. Les critiques étaient généralement positives pour les courts métrages de Scorsese et d’Allen, mais plutôt négatives pour ceux de Coppola. Hal Hinson, Washington Posta écrit « c’est de loin la pire réalisation« .