Crise humanitaire en Afghanistan | Le Canada bloque l’aide aux Afghans

Le gouvernement canadien a coupé le financement à deux ONG travaillant en Afghanistan parce qu’elles n’étaient pas en mesure de s’assurer que les talibans n’en profiteraient pas. Ils font les frais d’un cadre législatif qui doit être modifié, insistent divers intervenants.


« Il vous est recommandé d’approuver la résiliation de l’accord avec deux ONG qui ne sont pas en mesure de mettre en œuvre des mesures d’atténuation suffisantes », lit-on dans une note destinée au ministre du Développement international, Harjit Sajjan.

Contrairement aux partenaires affiliés aux Nations Unies ou au Comité international de la Croix-Rouge, les organisations CARE et International Medical Corps (IMC) n’ont pas réussi à le faire, indique le mémo, qui semble remonter à décembre 2021.

Les fonds canadiens pourraient être utilisés « pour des activités soumises à taxation ou procurant autrement un avantage aux talibans », ajoute le document obtenu par La presse sous le Loi sur l’accès à l’information.

Pour éviter des poursuites judiciaires, CARE a mis un terme à un projet « d’interventions en faveur de l’égalité des sexes dans les communautés rurales reculées de l’est de l’Afghanistan », tandis qu’IMC a renoncé aux « soins de traumatologie » dans la même région.

Le montant alloué pour chaque projet était respectivement de 1,5 million et 1,6 million en 2021. Cette année-là, Ottawa a alloué 133,3 millions d’aide à l’Afghanistan et à ses voisins (la première tranche, avant le retour des talibans, était de 27,3 millions).

Marginaux, ces gels ? Le député du Bloc Québécois Alexis Brunelle-Duceppe réfute cet argument : « Les données que nous n’avons pas, c’est combien n’ont pas fait de demande de financement sachant que le Code criminel les empêcherait de faire le travail. . »

Un cadre législatif contraignant

Comme ses collègues d’Ottawa qui tirent la sonnette d’alarme depuis des mois, l’élu ne veut pas que le régime taliban soit retiré de la liste des entités terroristes, un statut qui rend tout direct ou indirect du groupe.

D’autre part, Alexis Brunelle-Duceppe presse les libéraux de modifier le Code criminel afin de faciliter la tâche des organisations non gouvernementales. Parce que c’est là que le bât blesse.

Crise humanitaire en Afghanistan | Le Canada bloque l'aide aux Afghans

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE

Alexis Brunelle-Duceppe, député du Bloc québécois

Affaires mondiales Canada convient que les dispositions relatives au terrorisme présentent « de sérieuses contraintes sur les activités humanitaires et de développement que le gouvernement est en mesure de soutenir en Afghanistan ».

Un projet de loi visant à corriger la situation est en préparation, selon ce qui a été dit dans un entretien avec le Globe et Courrier Ministre Sajjan. « J’ai bon espoir que le processus puisse être achevé d’ici le printemps prochain », a-t-il déclaré au quotidien en décembre dernier.

Le gouvernement traîne des pieds depuis des mois, dénonce le conservateur Pierre Paul-Hus, notant que les Nations unies et les pays alliés ont pris des mesures pour s’assurer que l’aide humanitaire à l’Afghanistan ne viole pas les régimes de sanctions.

Crise humanitaire en Afghanistan | Le Canada bloque l'aide aux Afghans

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Le député conservateur Pierre Paul-Hus

« Tout le dossier afghan est problématique », lâche-t-il. Encore une fois, le gouvernement libéral ne peut pas changer de cap. Nous continuons à lui demander de trouver une solution. »

» Rien n’a changé »

La Croix-Rouge canadienne a aussi les mains liées, déplore Sophie Rondeau, directrice et conseillère juridique de l’organisme. « Nos opérations sont toujours suspendues », explique-t-elle.

« Nous ne pouvons toujours pas faire notre travail à cause de ces restrictions législatives et réglementaires », poursuit-elle. « Rien n’a changé » depuis le plaidoyer des ONG en août dernier alors que les conteneurs d’aide étaient bloqués par Ottawa⁠1.

S’il est « bien documenté » que l’aide humanitaire « peut perpétuer les conflits, cela ne devrait pas être notre préoccupation », plaide François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire. de l’UQAM.

Il devrait s’agir davantage de trouver des mécanismes pour permettre à ce qui reste d’opérateurs dignes de confiance de trouver des moyens d’aider la population locale.

François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires à l’UQAM

Et selon le spécialiste, il faudra s’habituer à l’idée que les talibans ne sont pas de passage.

« Cela, nous nous en occupons. Ce sont eux là-bas. Si nous maintenons cette rupture, qu’est-ce que cela signifie, que nous ne collaborerons plus jamais avec l’Afghanistan d’une manière ou d’une autre ? On ne peut pas faire ça après tout ce qu’on a fait », s’est exclamé M. Audet.

Les deux ONG dont le financement a été suspendu ont refusé de commenter, pour des raisons opérationnelles et de sécurité.

Avec la collaboration de William Leclerc, La presse

Apprendre encore plus

  • 24,4 millions
    Estimation du nombre d’Afghans, soit plus de la moitié de la population, ayant besoin d’aide humanitaire, selon un rapport daté du 11 janvier

    SOURCE : ONU


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