Daniel Kahneman, décédé le 27 mars, représente un cas assez unique dans le monde des chercheurs contemporains qui ont fait progresser considérablement les connaissances économiques. L’Israélo-Américain est d’abord le premier à avoir reçu, en 2002, le prix Nobel d’économie sans être un économiste au sens académique du terme, puisqu’il a lui-même reconnu n’avoir jamais suivi formellement un enseignement dans cette discipline. Sa formation initiale était la psychologie et, dans une moindre mesure, les mathématiques.
Le point de départ de ses recherches avec son collègue et ami Amos Tversky (1937-1996) concerne l’analyse des choix individuels en situation d’incertitude, abordée sous l’angle de la psychologie expérimentale. Mais les deux auteurs ont travaillé en priorité à comparer les résultats de leurs expériences, réelles ou simulées, avec les constructions théoriques développées par les économistes. grand public. Ils ont ensuite présenté une approche critique alternative à cette question économique centrale (« Prospect Theory : An Analysis of Decision under Risk », Économétrie n° 47, 1979).
On observera par ailleurs que le Français Maurice Allais (1911-2010), lui-même prix Nobel d’économie, en 1988, avait déjà souligné l’échec d’une théorie purement statistique de ce type de choix, l’occasion d’une célèbre expérience à laquelle avait participé, entre autres, Leonard Savage (1917-1971), l’un des fondateurs de cette théorie (« Le comportement de l’homme rationnel face au risque : critique des postulats et des axiomes de l’école américaine », Économétrie n° 21, 1953). Dans cette expérience, les sujets ont été successivement confrontés à deux couples de situations différentes, chacune caractérisée par des probabilités qui leur sont associées. Le résultat obtenu a montré que leurs choix ainsi exprimés se révélaient irrationnels selon la logique statistique.
La principale contribution économique de Kahneman à cette question est sans doute d’avoir démontré que le choix en situation d’incertitude n’est pas le résultat d’un simple calcul linéaire, quelle que soit sa complexité, mais celui de la rencontre de deux opérations mentales distinctes qui se succèdent et s’articulent. les uns avec les autres : d’abord les encadrement (« cadrage »), qui organise la situation de choix posée au décideur en sélectionnant et priorisant ses principales dimensions nécessairement subjectives, avant de procéder au calcul (calcul) qui lui est ensuite appliqué. Une perspective qui permet d’introduire directement la prise en compte des biais cognitifs au cœur de l’analyse microéconomique des choix individuels.
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