Dans les campagnes chinoises, le boom des maisons de retraite

En cette matinée encore chaude de début septembre, les résidents de la Maison du bonheur et de l’harmonie profitent de la terrasse ombragée, tandis que les enceintes diffusent en fond sonore une musique traditionnelle. L’établissement situé dans la ville de Nanjiantou, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Pékin, a ouvert il y a seulement quatre ans et a traversé les années compliquées de la pandémie de Covid-19, mais ses 150 lits sont déjà occupés aux deux tiers. L’exploitant a également ouvert une autre maison de retraite dans un village voisin. “Le marché est en croissanceexplique Pang Qing, le réalisateur. La plupart du temps, les enfants ne peuvent pas être avec leurs parents.

En Chine, le problème est bien identifié : le vieillissement accéléré. Le nombre de Chinois de plus de 60 ans est passé de 126 millions en 2000 (10,2 % de la population) à 280 millions en 2022 (19,8 %) et, selon les estimations de la Commission nationale de la santé, ils pourraient être 400 millions en 2035. Le développement économique rapide, couplé aux structures médicales de base du système communiste, a considérablement augmenté l’espérance de vie, qui est passée de 44 ans au tournant des années 1960 à 78 ans en 2021.

Parallèlement, la transition démographique, accélérée par la politique de l’enfant unique qui a couru de 1980 à 2016, a fait chuter le nombre de naissances. Et il ne s’est pas redressé depuis, en raison du coût de la vie et de l’absence d’une véritable politique de soutien aux familles. On trouve donc aujourd’hui des ménages en pyramide inversée : quatre grands-parents, deux parents, un enfant. Pour y faire face, l’Assemblée populaire nationale a commencé à discuter, mardi 10 septembre, d’un projet de loi rehaussant l’âge de la retraite, dont aucun détail n’a encore été rendu public.

Rompre avec l’éthique familiale

La croissance économique a déclenché un exode rural qui a surtout concerné la main-d’œuvre : les Chinois ont quitté la campagne pour travailler en ville ou dans de nouvelles zones industrielles. Mais maintenant que leurs parents ont vieilli, ils se retrouvent face à un dilemme. La tradition veut qu’ils gardent leurs parents âgés sous leur toit. Mais pour maintenir leur niveau de vie, financer l’éducation de leurs enfants et tenter de leur assurer un avenir meilleur, il leur est impossible de quitter ces emplois urbains pour retourner vivre à la campagne. Payer une maison de retraite apparaît donc parfois comme une solution plus évidente que de mettre en péril l’équilibre économique du foyer. Dans la Maison du bonheur, il faudra débourser environ 2 000 yuans (255 euros) par mois.

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