Dans les camps du Bangladesh, le flux de réfugiés en provenance de Birmanie continue sans relâche

Syed a fui la Birmanie à deux reprises. La première fois en 2017 avec sa famille, issue de la minorité rohingya, pour échapper aux persécutions de la junte. La seconde fois le mois dernier pour déserter l’armée qui l’avait contraint à combattre la rébellion.

Aujourd’hui, le jeune homme de 23 ans a retrouvé des milliers d’autres personnes déplacées par les combats dans leur pays dans un camp sordide situé de l’autre côté de la frontière, au Bangladesh.

« Les gens qui vivent là-bas souffrent beaucoup », explique Syed (nom modifié pour le protéger des représailles).

« De ce côté-ci de la frontière, on peut survivre parce qu’on a de la nourriture. Mais à l’intérieur, si on n’a pas d’argent, on meurt de faim », poursuit-il. « On ne pense qu’à une chose : sauver sa vie. »

Depuis le coup d’État de 2021 qui a mis fin à une parenthèse démocratique de dix ans en Birmanie, la junte militaire est engagée dans une guerre meurtrière contre plusieurs rébellions de l’opposition et des minorités ethniques.

Ces derniers mois, plus de trois millions de personnes ont été déplacées par les violences, selon l’ONU. Un million d’entre elles ont fui vers le Bangladesh.

Syed a déclaré avoir été recruté en juin dans une unité Rohingya déployée par l’armée birmane contre les insurgés de l’Armée d’Arakan (AA), qui réclament une plus grande autonomie pour le groupe ethnique Rakhine, basé près de la frontière bangladaise.

Lui et les autres recrues furent chargés de fournir de l’eau et du bois aux troupes birmanes et de creuser des tranchées.

– “Peur” –

« Nous n’avons reçu aucune formation », explique le jeune déserteur. « Les militaires restent cloîtrés dans les commissariats, ils ne sortent pas (…) tout le monde a peur là-bas. »

Un jour, il fut envoyé en patrouille dans un village musulman et en profita pour fuir et traverser la frontière pour retourner au camp.

Selon les chiffres communiqués par le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) aux autorités de Dacca, quelque 14.000 Rohingyas – minorité musulmane de Birmanie – sont entrés au Bangladesh ces derniers mois.

Au moins 2 000 d’entre eux ont été recrutés cette année dans des camps de déplacés pour combattre sous l’uniforme de la junte, apparemment en échange de la promesse de pouvoir retourner dans leurs régions d’origine en Birmanie.

L’Armée d’Arakan et l’Organisation de solidarité avec les Rohingyas (RSO), les deux mouvements actifs dans les camps, nient y employer des réfugiés.

“Nous n’avons jamais recruté de force qui que ce soit, ni pour nous ni pour qui que ce soit d’autre”, a déclaré à l’AFP le chef du RSO, Ko Ko Linn.

L’ONU accuse l’armée birmane et la rébellion AA d’atrocités contre les Rohingyas. D’autres ONG affirment que la présence de recrues rohingyas au sein des troupes de la junte alimente les représailles d’AA.

Fortify Rights a rapporté en août que plus d’une centaine d’hommes, de femmes et d’enfants rohingyas avaient été tués lors d’une attaque de drone et de mortier à la frontière.

L’AA a nié toute responsabilité dans l’attaque.

– “Ici est la paix” –

Mais de nombreux réfugiés dans les camps du Bangladesh continuent de l’accuser. Comme Mohammad Johar, 22 ans, qui affirme que son beau-frère a été tué dans une attaque de drone menée par l’AA au début du mois à Maungdaw.

« Il y avait des cadavres tout le long des rives du fleuve », a déclaré le jeune déplacé. « L’armée d’Arakan est plus forte là-bas, l’armée birmane ne peut pas résister. Ils se bombardent les uns les autres mais ce sont les musulmans qui meurent. »

Depuis l’arrivée des premiers contingents en 2017, le Bangladesh peine à accueillir le flux de réfugiés fuyant la répression ou les combats de l’autre côté de sa frontière.

Surtout depuis le soulèvement populaire d’août qui a conduit à la fuite en Inde de l’ancienne Première ministre bangladaise Sheikh Hasina.

« Nous sommes désolés de le dire, mais nous ne pouvons pas offrir d’abri à d’autres réfugiés », a déclaré sèchement le ministre des Affaires étrangères par intérim du Bangladesh, Touhid Hossain.

Pourtant, rien ne semble pouvoir dissuader les 600 000 membres de la communauté Rohingya encore présents en Birmanie de fuir.

« Ils (l’armée d’Arakan) bombardent et tuent des civils. Six ou sept personnes ont été tuées près de chez nous », décrit Bibi Faiza, 20 ans, arrivée au Bangladesh il y a quelques jours avec sa famille.

« Après avoir vu des cadavres, nous avons eu peur de nouvelles attaques. Nous sommes partis pour sauver nos vies », a-t-elle ajouté. « Ici, nous n’avons pas assez à manger mais je n’entends plus les coups de feu. Ici, il y a la paix… »

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Anna

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