dans les coulisses du centre de maintenance des trains transmanche à Londres

Situé à une dizaine de kilomètres du cœur de la capitale britannique, Temple Mills est l’une des liaisons incontournables de l’Eurostar. C’est ici que sont examinés et entretenus les trains qui transitent par le tunnel sous la Manche.

L’entrée est presque aussi bien gardée que le palais de Buckingham ou les pistes de l’aéroport d’Heathrow. Au nord-est de Londres, à une dizaine de kilomètres du centre de la capitale britannique, se trouve un site méconnu mais néanmoins indispensable au trafic Eurostar. Alors que 2024 marque le 30e anniversaire de l’ouverture de la liaison ferroviaire transmanche, Le Figaro a pu pénétrer dans l’un des lieux les mieux gardés de la compagnie ferroviaire : Temple Mills, le principal centre de maintenance et d’entretien d’Eurostar.

Avant même d’entrer, des panneaux rouges, en anglais, annoncent la couleur : « Vous entrez maintenant dans une zone réglementée ». « Le site est soumis à une réglementation spécifique au Tunnel sous la Manche, identifié par les autorités comme à risque de terrorisme et d’intrusion »Xavier Monthieux, responsable qualité, sécurité et environnement chez Temple Mills, nous explique calmement, casque de chantier caché sous une casquette orange sur la tête et gilet de sécurité fluo sur les épaules.

Des panneaux « Vous entrez maintenant dans une zone réglementée » avertissent les visiteurs.
Julien Da Sois / Le Figaro

C’est ici que viennent au stand les 25 trains traditionnels Eurostar, les fameux trains bleus (sur les 51 que compte actuellement la compagnie depuis la fusion avec Thalys l’année dernière), pour des contrôles, allant des opérations courantes à la maintenance plus lourde. En moyenne une fois par semaine, les trains, arrivant à la gare londonienne de St Pancras et sa somptueuse verrière, poursuivent leur route jusqu’au dépôt de Temple Mills, dans le quartier de Leyton. Là, ils empruntent l’un des six itinéraires d’accueil. Deux voies sont dédiées à la vidange des toilettes et au remplissage d’eau. Un système de lavage est installé sur une piste. Puis les trains pénètrent dans le bâtiment principal du site, un bâtiment gris de quelques étages.

Ils entrent directement dans l’atelier de Temple Mills. Un atelier dont la fin est presque difficile à voir, avec ses 450 mètres de long ! Le bâtiment a en effet été conçu spécialement pour les trains Eurostar, longs de 400 mètres, comme deux rames TGV. Pourquoi une telle longueur ? Tout simplement pour des raisons de sécurité : dans le tunnel sous la Manche, des portes d’évacuation de secours sont situées tous les 375 mètres. Des trains de 400 mètres permettent donc d’être sûr que les passagers disposent d’une courte distance à parcourir pour sortir rapidement du tunnel en cas d’incendie par exemple.

Un panneau décrit la situation des trains en maintenance.
Julien Da Sois / Le Figaro
Environ 250 personnes travaillent ici dans les trains.
Julien Da Sois / Le Figaro

25 000 références de pièces détachées

Mais pour les 500 personnes qui travaillent à Temple Mills, dont 250 directement dans les trains, ce sont des kilomètres à parcourir chaque jour. On comprend alors l’utilité des vélos rose fluo disséminés dans l’atelier. Là, les trains peuvent être examinés sous toutes les coutures par les ouvriers, majoritairement masculins. Chaque voie dispose d’une passerelle haute et d’une fosse sous chaque train. « Ce que nous surveillons le plus, ce sont les trains roulants, car c’est ce qui s’use le plus. » rapporte Xavier Monthieux en haussant un peu la voix pour couvrir le bruit de fond de l’atelier, qui trouve sa source dans les systèmes de chauffage et de climatisation des trains. Un travail minutieux puisque chaque train est équipé de 128 roues en acier. « On regarde aussi beaucoup les équipements de toiture », ajoute le gérant. Notamment les pantographes, ces sortes de bras articulés qui se déplient pour capter le courant électrique circulant sur les caténaires.

Distribuer le Bonjour» et les poignées de main avec les salariés rencontrés sur le chantier, le responsable de la sécurité nous montre alors une scène insolite : un train… sans roue. “Les bogies (les chariots sur lesquels sont fixés les essieux des trains, NDLR) sont en train d’être changés, il nous décritdans le cadre de ce que nous appelons « l’examen R2 ». Il s’agit de la maintenance la plus lourde qui existe, à laquelle les Eurostars doivent se soumettre tous les 3,5 millions de kilomètres. Absolument toutes les pièces du train sont changées à cette occasion. Une opération qui immobilise le train pendant dix semaines. À titre de comparaison, la plupart des opérations de maintenance durent généralement entre deux jours et une semaine.

Un train sans roues, en plein « Examen R2 ».
Julien Da Sois / Le Figaro

Pour ces opérations sous les trains, les trains peuvent passer par un bâtiment spécifique, situé à quelques dizaines de mètres de l’atelier. Celui-ci comporte deux voies, sous lesquelles passe une immense fosse de plusieurs mètres de hauteur. « Il est utilisé pour démonter par le bas des éléments de train, notamment les bogies, et pour reprofiler les essieux »explique Xavier Monthieux.

Cette fosse sert, entre autres, à retirer les composants du train par le bas.
Julien Da Sois / Le Figaro

Pour la suite de la visite, le gérant nous guide rapidement vers l’arrière du centre. On pénètre ensuite dans un immense entrepôt, dont les étagères grimpent jusqu’au plafond. C’est ici que sont stockées les pièces de rechange nécessaires à la maintenance d’Eurostar. Des milliers et des milliers de pièces y sont stockées, et gérées selon la méthode japonaise de 5S» : Seiri (éliminer), Seiton (ranger), Seiso (nettoyer), Seiketsu (standardiser) et Shitsuke (respecter). « Les pièces détachées sont le nerf de la guerre, dit Xavier Monthieux. Ici, on ne compte pas moins de 25 000 références de pièces différentes, allant des cartes électroniques aux machines à café. C’est ce qu’il faut pour réparer ces monstres d’ingénierie, assemblages de 80 000 pièces différentes.

Des dizaines de milliers de pièces détachées sont stockées dans l’entrepôt de 1 500 m2.
Julien Da Sois / Le Figaro

Malgré ses 1500 m2, le manque de place dans l’entrepôt se fait sentir. Il suffit de voir les imposantes carrosseries ou éléments d’essieux obligés d’être stockés à l’extérieur, à côté du parking, certains sous des bâches pour éviter d’être mouillés par les (fréquentes) pluies londoniennes. Un nouveau bâtiment de stockage est en cours de construction sur le site, qui n’est pas très ancien. Il a ouvert ses portes en 2007, suite au déménagement de la gare Eurostar de Londres de Waterloo à St Pancras, remplaçant l’ancien centre de maintenance.

Faute de place, certains objets volumineux sont stockés à l’extérieur.
Julien Da Sois / Le Figaro

Le défi quotidien de changer de train

Pour mettre toute cette organisation en musique, il faut des chefs d’orchestre. C’est le rôle du département appelé Bureau de production»dont les bureaux sont attenants à l’atelier de maintenance. « Nous sommes ici dans le cœur du réacteur », raconte Xavier Monthieux en baissant la voix pour ne pas déranger ses collègues, les yeux rivés sur leur ordinateur. Le responsable opérationnel du site y est installé, et à ses côtés se trouvent les dirigeants des différentes équipes d’ouvriers. Au fond de la salle, une feuille Excel colorée est projetée sur un pan de mur, listant les différents examens prévus dans les trains. « Tout est prévu, mais nous faisons aussi un point régulier sur l’avancée des opérations »précise Xavier Monthieux.

A quelques mètres de là, dans un bureau adjacent, nous interrompons un opérateur en plein déjeuner. Irène Mejías est là Contrôleur des opérations». En d’autres termes, il est responsable de la commutation des trains dans le dédale de voies ferrées de Temple Mills. « Un rôle clé en matière de sécurité », souligne-t-elle. Sous ses yeux, sur plusieurs écrans d’ordinateur, une carte simplifiée de Temple Mills s’affiche en temps réel, avec un code couleur pour différencier les routes occupées de celles qui sont libres.

La boîte de signalisation du train de Temple Mills.
Julien Da Sois / Le Figaro

Si la démonstration qu’elle nous propose paraît plutôt simple, puisqu’il « suffit » de cliquer sur l’origine et la destination souhaitée du train, la réalité est plus complexe. « Trois trains peuvent circuler simultanément, nous devons donc éviter les conflits de voies et prioriser les mouvements pour éviter d’éventuels accidents », nous explique-t-elle en anglais. Un conducteur de train est toujours présent à ses côtés pour l’aider lors des déplacements des trains. En cas d’extrême urgence, l’opératrice dispose sur son bureau d’un bouton rouge incontournable qui arrête immédiatement tous les mouvements.

Cependant, même s’ils sont choyés, aucune rame ne dure éternellement. A 30 ans, Eurostar arrive à un moment important de son histoire. « Les trains ont une durée de vie de 30 ans en moyenne », souligne Xavier Monthieux. Le moment est donc venu de renouveler la flotte. L’entreprise – dont la SNCF est l’actionnaire majoritaire – a donc lancé un appel d’offres pour acquérir de nouveaux trains. Avec un critère inscrit en gras dans le cahier des charges : que ces nouveaux trains soient interopérables. C’est-à-dire qu’ils peuvent voyager entre Paris, Bruxelles, Cologne et Amsterdam ainsi que sur la liaison transmanche entre les capitales française et britannique. Ce que les trains rouges, les ex-Thalys, ne sont pas en mesure de faire aujourd’hui, ne disposant pas des équipements de sécurité ni des agréments nécessaires pour traverser le tunnel sous la Manche. L’optimisation de la flotte est donc indispensable si la compagnie, qui a transporté 18,6 millions de passagers en 2023, veut atteindre son objectif de 30 millions de passagers en 2030.

” data-script=”https://static.lefigaro.fr/widget-video/short-ttl/video/index.js” >

Elise

À chaque coup de stylo, créez des histoires captivantes. Découvrez des vérités cachées à la fois. 📝 🔍

Recent Posts

au cœur du procès très tendu des viols de Mazan

jeIls ont comparu ce jeudi 19 septembre, après une énième journée de troubles la veille au tribunal d'Avignon (Vaucluse). Une…

51 secondes ago

Le Café des Sports – Radio internationale de football

Dans le Café des Sports de RFI/France 24 ce vendredi 20 septembre (16h10 TU et 21h10 TU) : - Ligue…

6 minutes ago

La Bourse de Paris termine dans le rouge après l’euphorie provoquée par la baisse des taux

La salle de contrôle d'Euronext, la société qui gère la Bourse de Paris (ERIC PIERMONT)La Bourse de Paris a terminé…

9 minutes ago

Un garçon de 16 ans emprisonné pour de multiples viols sur des jeunes filles

Les victimes, âgées de 14 à 18 ans, connaissaient leur agresseur, a précisé le procureur. Un adolescent de 16 ans…

12 minutes ago

Stade Toulousain. L’Italien Ange Capuozzo inaugurera un stade à son nom près de Grenoble

L'Italien Ange Capuozzo, du Stade Toulousain, inaugurera samedi 21 septembre un stade à son nom dans la petite ville de…

17 minutes ago

Quatre personnes arrêtées lors d’une nouvelle nuit de violences

Nouvelle nuit "agitée" en Martinique. Quatre personnes ont été interpellées dans la nuit du jeudi 19 au vendredi 20 septembre…

20 minutes ago