déjà contestée, la réforme désormais retardée

Le projet de fusion de l’audiovisuel public porté par Rachida Dati prend du retard : son examen à l’Assemblée nationale a été reporté jeudi, alors que l’ensemble du secteur est en grève pour s’y opposer.

Les députés devaient débattre de cette réforme éclair en première lecture jeudi et vendredi. Mais, face à l’encombrement de l’agenda, le gouvernement a pris la décision de le reporter. Le texte pourrait ne pas être examiné avant juin.

Et ce alors que le calendrier souhaité par le ministre de la Culture était déjà très contraint, avec une fusion de l’audiovisuel public prévue au 1er janvier 2026.

Des réseaux régionaux de France 3 ou France Bleu jusqu’au siège parisien, tout le secteur s’est mis en grève jeudi et doit faire de même vendredi.

Les antennes de Radio France ont été fortement perturbées et les émissions habituelles remplacées par de la musique. Selon la direction, le taux de grévistes s’élève à 33% pour l’ensemble des salariés, contre 55% chez les journalistes.

Du côté de France Télévisions, il y avait 12% de grévistes, toutes professions confondues, a indiqué la direction. Du coup, la chaîne Franceinfo rediffuse les programmes. Le journal de 20 heures de France 2 a été réalisé « dans des conditions particulières », a indiqué sa présentatrice Anne-Sophie Lapix.

Pour assurer la retransmission du débat en soirée sur France 2 entre le Premier ministre Gabriel Attal et le président du RN Jordan Bardella, la direction a prévu de faire appel à des prestataires extérieurs, selon les syndicats.

Plusieurs assemblées générales d’état-major doivent se tenir vendredi, dont une commune à la Bourse du Travail à 10h00.

– « Agenda politique » –

Outre la grève, plusieurs rassemblements ont eu lieu jeudi en France, dont le principal à Paris, près du ministère de la Culture. Sous le slogan « Non à la destruction de l’audiovisuel public », elle a rassemblé plusieurs centaines de salariés et une délégation a été reçue au ministère.

« Votre grève très forte aujourd’hui fait déjà bouger les lignes, puisque l’ordre du jour parlementaire a miraculeusement été décalé d’un mois », a lancé la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, venue « apporter son soutien » à son syndicat.

L’inquiétude est particulièrement forte à Radio France, où l’on craint que la radio soit engloutie par la télévision.

« Nous ne sommes pas contre une évolution de nos médias mais nous ne voulons pas que cela se fasse de manière précipitée pour satisfaire l’agenda politique de notre ministre », a déclaré à l’AFP Mathilde Goupil, déléguée syndicale SNJ. (Syndicat National des Journalistes) à France Télévisions.

Selon elle, la moindre mobilisation à France Télévisions s’explique par une « forme de lassitude » après plusieurs chantiers de réorganisation ces dernières années.

– « Très mauvais départ » –

Pour « fédérer les forces » de l’audiovisuel public, Mme Dati prévoit une phase de transition avec une holding commune au 1er janvier 2025, puis la fusion un an plus tard. Quelque 16 000 salariés sont concernés.

Outre France Télévisions et Radio France, le poids lourd comprendrait également l’Ina (Institut national de l’audiovisuel) et France Médias Monde (RFI, France 24). L’intégration de ce dernier groupe est cependant débattue même dans le camp présidentiel.

Au sein de ces quatre entreprises publiques, les craintes sont vives pour les ressources et l’emploi.

Au personnel, Rachida Dati a assuré dimanche : « Je veux vous garantir non seulement la pérennité mais (aussi) votre force » dans un monde de « concurrence exacerbée », entre plateformes et réseaux sociaux.

« Evidemment, nous n’allons uniformiser ni les métiers ni les activités », a-t-elle insisté mercredi devant le Sénat.

L’entreprise géante, baptisée « France Médias », disposerait d’un budget de quatre milliards d’euros.

Pour accélérer ce projet, le ministre LR s’est appuyé sur un projet de loi du sénateur Laurent Lafon (Union centriste) programmant une holding, déjà adopté en juin 2023 par la chambre haute.

« Nous ne sommes pas opposés à la fusion » mais « on peut s’interroger sur le calendrier », soulignait M. Lafon avant l’annonce du report.

« C’est un très mauvais début pour faire adopter cette réforme », prédit même un député de la majorité. « La mobilisation sociale sera très forte. C’est difficile, même si cela n’enlève rien à la nécessité d’une réforme.»

Le sort de France Médias Monde ne semble pas décidé. Le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a affirmé que le gouvernement était finalement favorable à son exclusion de l’entreprise unique. Mais les discussions pourraient être serrées avec la droite, qui est à l’inverse attachée à son inclusion.

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