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Des découvertes archéologiques exceptionnelles sous Notre-Dame de Paris


TuUn poète se cachait sous la cathédrale ! Et pas n’importe lequel : Joachim du Bellay (1522-1560). L’anthropologue Éric Crubézy, professeur à l’université Paul-Sabatier (Toulouse-3), croit avoir identifié son corps. Il est convaincu que les restes retrouvés début 2022 dans un cercueil en plomb sous la nef de Notre-Dame de Paris sont bien ceux de ce membre de la Pléiade, auteur, entre autres, de Regrets (rappelez-vous : « Heureux celui qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage. »)

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Le scientifique cite comme preuve un faisceau d’indices qu’il a présenté lors d’une conférence de presse organisée par l’Institut national de recherches archéologiques préventives à Paris le 17 septembre. « On savait qu’à la mort de Du Bellay, sa famille avait demandé qu’il soit enterré dans la chapelle Saint-Crépin, mais lors des travaux qui y ont été effectués en 1758, sa tombe n’a pas été retrouvée », explique le chercheur, qui estime qu’il avait en réalité été enterré « en dehors de cette chapelle réservée au clergé ».

Avant de pouvoir affirmer que ce squelette anonyme est celui de l’homme de lettres, l’anthropologue a mené une enquête minutieuse rassemblant de nombreux éléments concordants qui, pris ensemble, constituent à ses yeux une preuve. Prenons l’âge du défunt, tout d’abord. Il devait avoir environ 35 ans, l’âge du poète au moment de sa mort. Ensuite l’état des os de la dépouille. Au vu des déformations d’une alvéole osseuse au niveau des hanches, il est prouvé qu’il était un grand cavalier. Or, on sait que Joachim du Bellay a effectué un voyage entre Paris et Rome à cheval entre 1553 et 1557, soit 1 600 km en selle. Enfin, l’anthropologue cite des traces de réactions inflammatoires à la base du crâne qui suggèrent une méningite chronique.

Ces lésions vertébrales, associées à la chute des dents du sujet un à deux ans avant sa mort, attestent de cette pathologie. On sait désormais que le poète souffrait de cette maladie. L’anthropologue ajoute que la famille du poète avait un rôle suffisamment important au sein de la cathédrale pour pouvoir imposer qu’un laïc soit enterré à cet endroit. « L’oncle qui l’a élevé (Joachim étant orphelin), devenu cardinal, avait été chanoine de Notre-Dame. Un autre oncle était évêque de Paris », poursuit Éric Crubézy.

Certains archéologues se montrent plus circonspects. Comme Christophe Besnier, responsable du chantier de fouilles confié à l’Inrap, qui relève que les isotopes des dents montrent que l’individu a été élevé soit en région parisienne, soit en Rhône-Alpes. « Joachim du Bellay a probablement passé ses premières années dans la capitale après la mort de ses parents. Ce n’est pas à Liré (Anjou) qu’il a appris la poésie, mais plutôt à la Sorbonne, où Jean du Bellay a été longtemps recteur », écarte Eric Crubézy.

D’autres inhumations très nombreuses

Des analyses complémentaires en laboratoire seront bientôt menées pour trancher la question. Ces examens complémentaires pourraient réserver d’autres surprises. En effet, outre la possible inhumation de Joachim du Bellay, “de très nombreuses tombes ont été retrouvées dans les sous-sols de Notre-Dame de Paris”, indique Camille Colonna, anthropologue spécialiste des rituels funéraires. “De nombreuses questions restent en suspens”, précise-t-elle : qui était la femme dont le corps a été retrouvé parmi des religieux masculins et pourquoi certains morts avaient-ils des sarcophages en plomb alors que d’autres étaient enterrés dans de simples cercueils en bois, parfois placés dans des cuves en plâtre ? A ce stade, 80 corps ont été exhumés “pour les protéger des travaux de reconstruction de la cathédrale”, précise Dominique Garcia, présidente de l’Inrap.

« Nous avons clairement réutilisé les tombes plusieurs fois », précise Camille Colonna, citant la sépulture 44005 où se trouvaient des pots d’encens du XIVe siècle.et siècle entouré d’un défunt du XVIIe siècleetIl est déposé enveloppé dans son linceul, la tête à l’envers (les pieds vers le panneau de tête). « Les laïcs étaient généralement enterrés la tête tournée vers l’ouest afin que leur regard soit tourné vers l’est ; les religieux, dans la direction opposée pour faire face à leur communauté », explique l’anthropologue.

Depuis l’incendie qui a ravagé la cathédrale dans la nuit du 15 au 16 avril 2019, une cinquantaine d’archéologues ont exploré les sous-sols de l’édifice.2 ont été creusés sur 5 000 m2 « Nous avons réussi à restaurer Notre-Dame », précise Christophe Besnier. « Les scientifiques ont examiné 100 % des zones où des travaux devaient être réalisés », souligne Laurent Roturier, directeur régional des affaires culturelles d’Île-de-France. « Et les découvertes qu’ils ont faites sont exceptionnelles », s’enthousiasme Philippe Jost, qui a succédé l’an dernier au général Georgelin à la tête de l’établissement public chargé de restaurer la cathédrale.

Sous le dallage refait au XVIIIe siècleet Au 1er siècle, les scientifiques ont creusé jusqu’à six mètres de profondeur à certains endroits. « Nous avons ainsi pu observer des niveaux d’occupation du site très anciens », précise Christophe Besnier. Notamment les fondations d’une construction datant du Haut-Empire, c’est-à-dire du 1ereuh siècle après J.C. « Nous y avons trouvé beaucoup de plats et de morceaux de charbon, ce qui suggère que nous avons fouillé la cuisine », poursuit l’archéologue.

Un bâtiment d’une antiquité plus tardive a été identifié non loin de là. Il pourrait s’agir d’un castrum incendié. Deux puits ont été découverts sur les bords de la Seine, ainsi que des pieux qui auraient pu servir à amarrer des bateaux. « Les berges du fleuve n’étaient pas stabilisées à l’époque », précise le scientifique. Un imposant édifice carolingien d’une trentaine de mètres de long occupait alors le site, de manière visible. Dans ses sous-sols, les archéologues ont retrouvé d’abondantes céramiques mérovingiennes qui permettront peut-être d’en apprendre un peu plus sur sa fonction.

Les radars de Guillaume Hulin ont également permis de dresser les plans d’une autre construction massive qui a précédé la cathédrale. Connue grâce à des relevés effectués dans les années 1980, cette construction ne devait pas passer inaperçue : ses murs atteignent jusqu’à deux mètres d’épaisseur. Parmi les nombreuses autres trouvailles, citons deux zones qui servaient d’ateliers aux tailleurs de pierre, à en juger par les éclats retrouvés sur place. Les éléments qui y ont été glanés sont susceptibles d’informer les historiens sur les techniques employées sur le chantier de Notre-Dame. Une agrafe en pierre y a notamment été ramassée. Elle intrigue les spécialistes, car on pensait que l’utilisation du métal était plus tardive.

Christophe Besnier s’enthousiasme particulièrement pour le jubé de la cathédrale retrouvé. Il s’agit d’un puzzle de 1 035 fragments de tailles diverses. Plus de 700 d’entre eux présentent une polychromie parfois très bien conservée. « Certains sont d’une telle qualité qu’on peut dire sans exagérer qu’ils comptent parmi les œuvres les plus exceptionnelles de la sculpture mondiale, toutes époques confondues », souligne Damien Berné, conservateur du patrimoine au musée de Cluny, où certaines de ces pièces seront exposées à partir du 19 novembre.

Ces sculptures délicates, dont la peinture risquait de s’écailler, ont été confiées par l’Inrap au Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) et au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) afin qu’elles conservent leur éclat. Elles seront entièrement numérisées dans l’espoir qu’un jour ce jubé puisse être reconstitué. Rendez-vous au printemps 2025, lorsque l’opération de numérisation sera achevée.


Anna

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