La vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, a réitéré jeudi ses grandes inquiétudes quant aux impacts des pénuries sur les enfants, particulièrement préoccupée par les élèves en difficulté d’apprentissage. Ses conclusions font écho aux signaux d’alerte répétés des syndicats et des experts contactés par La presse ces dernières semaines.
Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats d’enseignants (FSE), le dit sans détour dans une interview : pour elle, le gouvernement laisse tomber les enfants en difficulté « dès la première année, dans la mesure où on ne leur propose pas les services dont ils ont besoin ». ”.

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Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’éducation
Égide Royer, qui est psychologue et chercheur spécialisé dans les difficultés scolaires – et qui, soit dit en passant, écoute attentivement le gouvernement Legault – le répète lui-même depuis des années : il faut agir tôt. Sinon, il est vite trop tard et la réussite scolaire devient hors de portée.
« L’enfant est en enregistrement 2e année ? Nous le montons en 3e année, en espérant qu’il ira mieux. Il est en échec 6e ? Ils le promeuvent au lycée. C’est ainsi qu’ils sont nombreux à arriver au cégep en ayant besoin de cours de français. [d’appoint] a déclaré M. Royer en entrevue, sans cacher son exaspération.
Lorsqu’un élève de 1D année a un écart notable en lecture, pas besoin de balayer le problème en espérant qu’il sera corrigé, ajoute-t-il. Les miracles, à son avis, ne se produisent pas souvent.
« Attentes changeantes »… vers le bas
Agir tôt, en créant la maternelle 4 ans, était l’une des principales promesses du gouvernement Legault. En février, Bernard Drainville, ministre de l’Éducation, a toutefois dû admettre que l’objectif d’ouvrir 2 600 classes de maternelle de 4 ans d’ici 2025-2026 était impossible.
En attendant, comment le système scolaire traite-t-il les élèves en difficulté ?
Ces derniers mois, La presse a publié divers articles mettant en lumière leur parcours. C’est ainsi par le biais du journal que le ministre de l’Éducation nationale, Bernard Drainville, a appris que les élèves qui avaient redoublé une année au primaire n’étaient pas autorisés à faire leurs 6e année parce que l’enseignement primaire (sans compter la maternelle) doit être achevé en six ans.
De plus, à partir du 3e année, les élèves en échec (mais sans déficience) entrent dans un régime de « modification des attentes » – à la baisse, bien sûr. Par exemple, ils n’auront que la moitié des mots de vocabulaire à apprendre par rapport à leurs camarades et leurs notes, ajustées pour tenir compte de leur moindre apprentissage, sont exclues des moyennes du groupe.
Jusqu’au cégep
Katia Valcourt, enseignante dans le réseau public, résume le parcours d’élèves en difficulté. « Un élève en échec en mathématiques ou en français en 6e l’année se termine dans un groupe de lycée ordinaire. Comme le 1D et les 2e secondaire forme un cycle, il n’y a pas de répétition. […] S’il est toujours en échec, il peut néanmoins faire son 3e secondaire. »
Après cela ? « Certains étudiants se faufilent jusqu’à 5e secondaire grâce aux cours d’été », poursuit-elle. Un élève qui a échoué à un cours de français ou de mathématiques peut le reprendre à l’été, lorsque les exigences laissent souvent à désirer. »
C’est ainsi que des jeunes qui ont des difficultés scolaires importantes arrivent au cégep, sans que ça se passe forcément bien.
Régulièrement, la Fédération des cégeps lance des appels à l’aide pour répondre à l’explosion du nombre d’étudiants ayant des besoins particuliers et pour financer des cours supplémentaires en français. En janvier, dans son mémoire sur les consultations prébudgétaires, la Fédération des cégeps écrivait aussi que 66 % des étudiants du Tremplin DEC (ceux qui ont été admis au cégep sans avoir toutes les connaissances du secondaire) « n’obtiennent pas de diplôme de études collégiales après cinq ans ».
Certains jeunes ayant de trop grands obstacles ne pouvaient aspirer à étudier au cégep. Mais il n’en demeure pas moins que de nombreux jeunes qui échouent dans une matière obligatoire ont de grands talents dans d’autres domaines. Un jeune dyslexique qui a beaucoup de mal à écrire correctement peut être un as des maths. Ou en informatique.
Ne laissez pas tomber les jeunes
Bernard Tremblay, président de la Fédération des cégeps, plaide que personne n’y échappe, surtout en période de grande pénurie de main-d’œuvre.

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Bernard Tremblay, président de la Fédération des cégeps
Dans une interview, il rappelle que lorsque nous avons constaté que les écoles étaient en mauvais état, nous avons beaucoup investi pour les réparer.
De la même manière, « il faut redoubler d’efforts » pour aider le jeune qui a échoué ou « qui regrette d’avoir quitté l’école à 16 ans et qui finit au dépanneur ».
Réparer le système comme on répare les écoles, quoi ? D’une certaine manière, oui, répond M. Tremblay, affirmant que l’idéal sera toujours d’être en mode prévention plutôt que réparation.
A lire dimanche dans notre rubrique Contexte : « Qu’est-ce qui ne va pas avec nos enfants ? »
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