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des sous-sols à la flèche, comment le chantier a contribué à percer les mystères de la cathédrale et à faire progresser les connaissances scientifiques

Depuis l’incendie de 2019, près de 200 scientifiques issus de 50 laboratoires ont participé aux travaux de restauration du monument. Avec, à la clé, plusieurs découvertes riches en enseignements.

La cathédrale Notre-Dame de Paris se relève encore, cinq ans après l’incendie qui a dévoré sa charpente en avril 2019. Lors des fouilles qui ont suivi la catastrophe, les scientifiques ont eu la rare opportunité d’explorer les entrailles d’une importante cathédrale médiévale. Tandis que les cicatrices se cicatrisent progressivement, des centaines d’objets sont encore conservés à Saint-Witz (Val-d’Oise), dans un centre d’étude et de stockage dédié. Le projet titanesque de reconstruction a mis en lumière des trésors et amélioré la compréhension de l’architecture médiévale, et les objets collectés sont loin d’avoir révélé tous leurs mystères.

La cathédrale Notre-Dame, contrairement à d’autres monuments, ” avait finalement été peu étudié en raison de la fréquentation touristiqueexplique à franceinfo Philippe Dillmann, l’un des coordinateurs scientifiques du site pour le CNRS. En revanche, c’est la première fois que tous les spécialistes se trouvent sur le même monument en même temps et qu’ils peuvent comparer leurs résultats. Spécialistes des matériaux, historiens de l’art, acoustiques, géologues, sociologues… Au total, près de 200 experts issus d’une cinquantaine de laboratoires ont tenté de percer les secrets de l’illustre monument. Début 2024, une trentaine d’articles de recherche ont été publiés dans un numéro spécial de Revue du patrimoine culturel.

Deux sarcophages en plomb

Les découvertes archéologiques, en particulier, ont été largement médiatisées. Fin 2021, l’État a prescrit une fouille archéologique préventive avant la future pose d’un échafaudage de 100 mètres de haut et de 600 tonnes, nécessaire à la reconstruction de la flèche. Début février 2022, les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) se sont mis au travail, alors qu’il ne restait plus que cinq semaines pour explorer 120 mètres carrés, à la croisée du transept. toiLa base en pierre, ou radeau, a été rapidement exposée, avec un système de tuyaux en brique pour chauffer le sol.

Une surprise se cache sous l’une des canalisations : l’équipe d’archéologues dirigée par Christophe Besnier a découvert un sarcophage scellé dans des remblais du XIVe siècle. En soi, la présence de tombes dans ces lieux n’est pas une surprise. De plus, de nombreuses voûtes en pierre ou en plâtre ont été découvertes lors de la fouille. L’utilisation du plomb, en revanche, était plutôt rare à l’époque. Un peu plus tard, un autre sarcophage réalisé dans le même métal a été découvert, dans une couche archéologique distincte.

Les deux cercueils ont été envoyés à l’institut médico-légal du CHU de Toulouse. L’identité de l’un des défunts n’a pu être établie, mais des analyses ont permis d’identifier un cavalier dont l’âge était compris entre 25 et 40 ans, probablement un riche notable. En effet, il a été embaumé, comme le suggère son crâne scié. L’identité du second est connue, puisque le nom du chanoine Antoine de La Porte, décédé en 1710, figure sur une épitaphe. Son profil apparaît sur trois médailles à son effigie.

Fragments polychromes du jubé

Les archéologues ont finalement obtenu quatre semaines de fouilles supplémentaires, jusqu’au 8 avril 2022, car ils ont également découvert des éléments sculptés du jubé antique. Par ce terme, on désigne le mur richement décoré qui séparait la nef et le chœur pour isoler les fidèles du clergé, lors des cérémonies liturgiques. Ces fragments représentent des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Rouge, bleu et parfois dorure à la feuille d’or… Leurs couleurs ont frappé les chercheurs. Jusqu’à présent, seuls huit fragments étaient conservés au musée du Louvre, suite aux travaux réalisés par Eugène Viollet-le-Duc au milieu du XIXe siècle. Tout était en noir et blanc.

« Il existe quelques autres exemples de jubés enterrés, mais celui-ci est vraiment exceptionnel, de par la qualité des fragments. »

Philippe Dillmann, co-coordinateur des travaux de recherche à Notre-Dame de Paris

sur franceinfo

“Ces fragments auraient pu être évacués, mis ailleurs ou réutiliséspoursuit le chercheur. Cela pose donc des questions sur les pratiques funéraires des statues antiques. » Ce jubé, trésor oublié, fait partie d’une programmation dédiée. Dans le futur, il sera peut-être possible de reconstruire numériquement ce mur sculpté, si les fragments acceptent de dialoguer entre eux.

À la fin du temps imparti pour les fouilles, toute la zone a été recouverte de sable et d’argile, afin de faciliter d’éventuelles fouilles ultérieures. “La majorité des fragments ont été collectés, bien qu’il puisse y avoir d’autres parties architecturales anciennes de la cathédrale qui n’ont pas pu être fouillées.” Dans la plus grande discrétion, une autre fouille a eu lieu fin 2022, avait alors révélé France Télévisions, mais sans aucune communication des différents acteurs institutionnels sur le lieu et le résultat.

Agrafes en fer

Les scientifiques ont également profité des échafaudages mis en place pour reconstituer la flèche, pour observer de plus près les trésors des hauteurs du bâtiment et les méthodes de construction. «Cet accès au sommet de la cathédrale nous a permis de découvrir un réseau d’agrafes», explique Philippe Dillmann. Et pour identifier “la plus ancienne utilisation d’éléments en fer dans l’architecture gothique”. Ces attaches, qui peuvent peser plusieurs kilos, servent à solidariser les blocs de pierre entre eux.

Les agrafes ont été datées selon la technique du carbone 14. Les plus anciennes ont été installées dans les années 1160 et celles du haut des murs, au début du XIIIe siècle. Tous sont donc contemporains du chantier médiéval. La cathédrale Notre-Dame était un projet innovant pour l’époque et une des premières cathédrales à lancer cette course aux hauteurs”, commente Philippe Dillmann. Et ce, des années avant Beauvais ou Cologne notamment. Ces conclusions ont fait l’objet d’un article publié dans la revue Plos Unen mars 2023.

Bois vert dans les cadres

L’analyse des bois de la « forêt » Notre-Dame, ce maillage dense de charpentes, a également révélé que les bois avaient été installés encore verts puis séchés sur place. « Nous avons pu dater le bois à 1185 tandis que la première cérémonie dans la cathédrale a eu lieu en 1183 »explique Philippe Dillmann. Cette découverte soulève de nouvelles questions sur la construction du bâtiment. “Le bois jeune est certes plus facile à travailler que le bois sec, mais il faut ensuite tenir compte de son séchage et de la manière dont il sera travaillé par la suite.” Des fissures apparaissent sur la longueur, sans toutefois affecter la rigidité et la résistance des poutres, ont souligné les spécialistes du groupe « bois », l’une des huit équipes thématiques mises en place par le CNRS et le ministère de l’Agriculture. Culture.

Une fine voûte comme de la dentelle

Lorsque la flèche s’est effondrée, les voûtes ont été percées à trois endroits, ce qui a permis de mesurer leur épaisseur, en complément des mesures radar. Leur épaisseur était mesurée entre 12 et 15 centimètres dans le chœur et entre 19 et 25 centimètres dans la nef. Ce qui n’a d’ailleurs pas empêché les voûtes de jouer leur rôle protecteur, puisqu’elles ont largement résisté lors de l’incendie. ” A titre de comparaison, la cathédrale Saint-Etienne de Sens, construite en 1135, donc plus ancienne, possède des voûtes de 35 centimètres d’épaisseur., précise Philippe Dillmann. C’est ce qui inspire les chercheurs du groupe « structure », chargés d’étudier le système d’équilibre et les processus de construction de la cathédrale.

Décorations ressuscitées et nouveaux détails sur les vitraux

Les futurs visiteurs découvriront une cathédrale plus légère qu’avant l’incendie. Le plomb, en fondant, s’est transformé en aérosol sous forme de microbilles, recouvrant toute la cathédrale. Il a donc fallu procéder à un grand nettoyage à l’aide de compresses et d’une pâte à base de kaolin dont la formule a été spécialement développée. Les pierres révélèrent alors les polychromies oubliées des décors imaginés par Viollet-le-Duc. « Nous avons découvert des ornements, des couleurs dans les verts qui sont vraiment typiques de cette période du XIXème siècle »s’enthousiasme Philippe Dillmann.

L’échafaudage a également permis d’observer de plus près les vitraux, dont la grande majorité date du XIXe siècle, aux côtés des trois médiévaux des rosaces ouest, nord et sud. Toute information est susceptible de compléter et modifier le recensement des vitraux parisiens, publié en 1978.

Enfin, le chantier a permis d’identifier des traces sur les pierres. Et de montrer par exemple que deux équipes travaillaient indépendamment, au nord et au sud de la nef. L’association des scientifiques au service de la restauration de Notre-Dame va désormais profiter de cette expérience pour se déployer sur d’autres monuments en France. Ce projet, en somme, « a dynamisé et structuré la recherche dans tous ces domaines ».

Juliette

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