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Désastre électoral pour l’ANC en Afrique du Sud

Les Sud-Africains se dirigent désormais vers un territoire inconnu : jamais depuis la fin de l’apartheid en 1994, un tel séisme politique ne s’est produit. Après avoir dépouillé presque tous les bureaux de vote, l’ANC n’a reçu qu’environ 40 % des voix au niveau national. Il reste le premier parti du pays, mais connaît une chute spectaculaire, avec plus de 15 points perdus par rapport à son score de 2019, déjà historiquement bas.

Les signes avant-coureurs étaient là. Lors du dernier meeting de Cyril Ramaphosa, dans l’immense stade FNB de Soweto, les militants se sont montrés peu intéressés par les discours et sont progressivement repartis avant la fin. Puis, le jour du scrutin, à la sortie des bureaux de vote de Johannesburg, la colère des électeurs était palpable, comme chez Jermina, un habitant de Soweto, township traditionnellement fidèle à l’ANC : « Pour moi, ce parti est ne fonctionnant que derrière des contrats publics illicites, ils détruisent tout dans notre pays, et ne tiennent jamais les promesses qu’ils nous font. »

Ce score marque donc le désenchantement d’une partie de la population qui accuse le parti de libération de ne pas avoir fait assez, en trente ans de pouvoir, pour améliorer les conditions de vie des plus démunis, alors que les inégalités sont immenses dans le pays, et que le Le taux de chômage touche un tiers des citoyens.

Jacob Zuma renaît de ses cendres

Mais les formations d’opposition déjà bien implantées, comme l’Alliance démocratique (qui recueille près de 22 %) ou l’EFF de Julius Malema (environ 9 %), n’ont pas profité de cette vague de mécontentement. Cela a finalement profité à l’ancien président Jacob Zuma et à son organisation, uMkhonto we Sizwe (MK), qui n’existait pas il y a six mois.

Le prédécesseur de Cyril Ramaphosa, contraint à la démission pour corruption en 2018 et qui s’est depuis séparé de l’ANC, est donc revenu en trombe sur la scène politique, récoltant avec son parti plus de 14% des voix au national, ainsi que la majorité relative dans la région du KwaZulu-Natal. Inéligible en raison de sa condamnation en 2021 pour outrage à la justice, c’est malgré tout lui qui tire les ficelles de MK. Et c’est aussi une affaire de famille, puisque sa fille, Duduzile, devrait entrer au Parlement.

Cette percée “indique clairement une frustration et une déception à l’égard de l’ANC, mais aussi un retour à une logique de vote selon les origines ethniques en Afrique du Sud”, explique l’analyste Daniel Silke. De nombreux électeurs de MK sont des citoyens parlant le zoulou, et il existe un mécontentement quant à la manière dont l’ANC a, en son sein, réprimé les forces zoulous. » Le programme populiste du parti ainsi que les discours victimaires de Jacob Zuma ont également fait mouche. Et voilà que l’ancien président de 82 ans rejette les résultats et réclame un recomptage des votes, dénonçant des dysfonctionnements de la part de la commission électorale.

Ramaphosa dans un siège éjectable

L’heure est désormais aux négociations en vue de former une éventuelle coalition. Les partis disposent de 14 jours à compter de la proclamation officielle des résultats, ce dimanche soir, avant la première séance de l’Assemblée nationale. Et ils devront élire un président d’ici trente jours.

« L’ANC est un mouvement de libération en voie de disparition. La génération au pouvoir doit donc le repositionner pour qu’il puisse renaître et croître à nouveau », a déclaré Ongama Mtimka, professeur à l’Université Nelson Mandela. Pour cela, le parti politique a le choix entre rassembler une myriade de petits partis, ou se rapprocher de l’Alliance démocratique de centre-droit, un choix qui plairait aux marchés, mais sans doute moins à son électorat. Reste également la possibilité de s’allier avec la gauche radicale Economic Freedom Fighters (EFF), au risque de contrarier les investisseurs, ou de rafistoler les choses avec Jacob Zuma.

«Nous allons discuter avec tout le monde», a déclaré ce dimanche le secrétaire général de l’ANC, Fikile Mbalula. Pour Daniel Silke, « les règles du jeu ont changé, ce qui laisse place à une nouvelle période d’incertitude et d’instabilité potentielle ». Une instabilité qui « concerne aussi l’avenir du président Cyril Ramaphosa » alors que certains partis, comme le MK, réclament sa tête comme condition pour former une coalition. “Nous n’y irons pas”, a répondu Fikile Mbalula.

Charlotte

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